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Ineffable – Jann Gallois

Créé en juillet lors de la dernière édition du festival Montpellier Danse, le solo Ineffable offre à Jann Gallois de se montrer au public en tant que danseuse et musicienne. Après avoir chorégraphié des pièces de groupe, la trentenaire renoue avec l’intimité d’un solo dans lequel elle se donne tout entière. Durant une heure et vingt minutes, elle nous entraîne dans sa quête spirituelle en convoquant différentes formes d’art sacré, tout en mêlant des registres aussi divers que musique classique, boucles électro ou wadaiko (percussions japonaises traditionnelles). Avec cette nouvelle pièce foisonnante qui perd par moments en lisibilité, Jann Gallois confirme avec cœur et panache ses qualités d’interprète à l’humilité exigeante.

Ineffable – Jann Gallois

Dans l’intimité de la pénombre, on la devine assise, dos au public, en position méditative face à un cercle lumineux. Puis elle se lève, se déplie avec une infinie lenteur. Chaque geste est pesé, millimétré comme dans une partition silencieuse. Devant le taiko, elle s’avance, sûre d’elle, prête à braver l’instrument qui impressionne par sa majesté. Comme elle semble à la fois frêle et solide dans son chemisier blanc et son pantalon beige face à l’imposant tambour qu’elle s’applique à faire vibrer ! Elle frappe une première fois et la célébration peut commencer. Sur scène, d’autres instruments ont été préalablement disposés. Elle passe de l’un à l’autre, nous entraînant dans son sillage telle une charmeuse de serpents. La musicienne précède la danseuse. Dans la vie aussi, Jann Gallois a d’abord appris la musique (violon, basson, cor, piano) avant d’être appelée par la danse hip-hop.

Cette danse hip-hop qui irrigue sa gestuelle, Jann Gallois la triture et la malaxe avec une élégance et un naturel qui lui confèrent un style tout à fait personnel. À la breakdance, elle mêle des emprunts à la danse indienne et tisse la trame d’une histoire corporelle qui fait écho à la quête de sacré, fil rouge de la pièce. On la suit, hypnotisé.e.s par la fluidité du mouvement, l’énergie qu’elle déploie, l’enchaînement polyphonique. Par moments, elle emprunte des détours qui décontenancent et brouillent un peu les pistes. Malgré elle, sans doute, elle nous perd un peu en chemin, entre les parties dansées et musicales. Mais à chaque fois, la proposition nous rattrape par sa virtuosité. Elle parvient à rouvrir les portes de son parcours méditatif et introspectif.

Ineffable – Jann Gallois

L’une des singularités de Ineffable réside dans le travail des doigts entre tutting (style de danse de rue impliquant des mouvements complexes des doigts) et mudras indiens. Le résultat se révèle étrangement beau mais parfois difficile à déchiffrer. Les allers-retours entre les instruments et la danse participent aussi à donner un caractère un peu touche-à-tout à la proposition. On se surprend presque à regretter quand elle ne danse pas, tout en saluant sa capacité à jongler entre percussions traditionnelles japonaises, et clavier électro. On s’étonne aussi de certains passages qui rompent avec la démarche. Comme lorsqu’installée au centre d’une cage en acier sur un axe tournant, l’incroyable danseuse, qui emprunte là à l’univers circassien, se coule dans la peau d’une inquiétante, grimaçante et parfois risible prédicatrice. Aussi fascinante soit-elle, la démonstration déroute.

Avec ce solo, la chorégraphe démarre un nouveau cycle de créations autour du thème de la spiritualité. Différentes formes sont en préparation, un duo et des pièces de groupe. Fascinée par la culture traditionnelle japonaise depuis son enfance, elle a découvert l’art du wadaiko qu’elle a apprivoisé visiblement avec beaucoup d’aisance. Sa quête est sincère et nourrie d’apports divers. Malgré tout, Jann Gallois n’est jamais aussi impressionnante que lorsque la musicienne dépose les baguettes, s’efface, et que la danseuse se recentre sur son corps, son plus bel instrument.

Ineffable – Jann Gallois

Ineffable de et avec Jann Gallois à Chaillot-Théâtre National de la danse. À voir jusqu’au 1er octobre. En tournée en France, le 8 octobre à Châteauvallon-Liberté, scène nationale (83). les 18 et 19 janvier 2022 au Festival  Suresnes Cités Danse

 



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