TOP

Soirée Chorégraphes du XXI siècle au New York City Ballet – Deuxième épisode et créations

Deux créations sont au programme de cette saison de printemps au New York City Ballet. D’abord avec le retour de Christopher Wheeldon, ancien chorégraphe en résidence, qui propose American Rhapsody sur la partition iconique de George Gershwin. Puis le français Nicolas Blanc, ancien Principal du San Francisco Ballet, qui crée sa première pièce pour la compagnie, Mothership sur la musique du compositeur américain Mason Bates. Les deux sont réunis dans un même programme, « 21st Century Choreographers II », complété avec des oeuvres de Justin Peck et Alexeï Ratmansky, deux habitués de la troupe américaine.

Amarican Rhapsody- ensemble.

American Rhapsody de Christopher Wheeldon

Cest tout le défi du New York City Ballet qui doit à la fois défendre l’héritage des chorégraphes fondateurs de la compagnie, George Balanchine et Jerome Robbins, et montrer que le langage néo-classique est tout sauf désuet ou muséal et qu’il peut encore produire un répertoire novateur et inspiré. Justin Peck, l’actuel chorégraphe en résidence du NYCB, est plus que quiconque en charge de cette mission. Son choix exigeant de partitions et son infinie musicalité, son goût et son talent pour les géométries complexes et inattendues, en font aujourd’hui le chef de file de la nouvelle vague néo-classique anglo-saxonne. Belles-Lettres dont la première eut lieu en septembre 2014, est sa septième création pour le NYCB. Cette pièce pour neuf danseur.euse.s est construite sur le Solo de piano avec accompagnement de quintette à cordes de César Franck.

Belles-Lettres s’ouvre sur un image fixe et saisissante : quatre couples forment un cercle et portent un danseur. On peut y voir la représentation d’une fleur qui va petit à petit se déliter. Justin Peck aime explorer les énigmes du couple : il s’exécute dans une série de pas de deux d’un lyrisme poignant à défaut d’être originaux. Mais le point cardinal de cette œuvre de 19 minutes est le solo composé pour Anthony Huxley. Il saute, glisse et tourne à toute allure entre deux arabesques. Lignes parfaites, réceptions impeccables, il s’empare de toute la scène sans que l’on sache s’il est le symbole de la liberté ou  bien celui de la solitude. Sans doute les deux à la fois. Anthony Huxley fut nommé Principal quelques semaines après la création de Belles-Lettres, et c’est comme une évidence.

Belles-Lettres- Anthnoy Huxley

Belles-Lettres de Justin Peck

Dans ce voisinage anglo-saxon, Nicolas Blanc fait un peu figure d’exception. Le chorégraphe français, maitre de ballet au Joffrey Ballet de Chicago, crée avec Mothership sa première pièce pour le NYCB. Le directeur de la compagnie Peter Martins, qui a un œil acéré, avait repéré sa création lors de la session d’automne 2015 du New York Choreographic Institute. Chorégraphiée sur une partition symphonique et électro-acoustique de l’américain Mason Bates, cette pièce pour quatre couples dégage une énergie fulgurante. Puissamment construite sur un vocabulaire qui n’est pas sans évoquer William Forsythe en raison des hyper-extensions, des déséquilibres permanents et des positions extrêmes, Mothership regorge d’énergie et de vitalité.

Nicolas Blanc réussit son pari d’allier à la fois la vitesse, qui est la marque de fabrique du NYCB, mais aussi une forme de lyrisme qui transparaît dans le bref pas de deux. En 9 minutes, c’est une performance d’autant plus exceptionnelle qu’il la réalise avec huit jeunes danseur.euse.s dont trois sont encore « apprentice » dans la compagnie. Ils explosent littéralement sur scène. Il y a bien ici ou là quelques petites fautes, un trébuchement ou une glissade mal achevée mais leur enthousiasme et leur jeunesse emportent tout devant eux. Espérons avoir l’occasion d’en voir davantage d’un chorégraphe qui a toute sa place au répertoire des grandes compagnies mondiales

Mothership-ensemble.

Mothership de Nicolas Blanc

Après trois ans d’absence, Christopher Wheeldon est revenu créer au NYCB. Mais pourquoi avoir placé cette nouvelle pièce dans la continuité de son travail sur Broadway ? En choisissant Rhapsody in Blue de George Gershwin et le danseur Robert Fairchild qui fait son retour dans la compagnie, le chorégraphe britannique s’exposait inévitablement à des comparaisons après le triomphe d’Un Américain à Paris (Robert Fairchild tenait le rôle principal dans la comédie musicale). Articulée autour de deux couples (Tiler Peck et Robert Fairchild, Amar Ramassar et Unity Phelan) et 16 artistes du corps de ballet, la pièce de Christopher Wheeldon offre une variété de pas de deux et pas de trois qui là aussi explorent sur un mode jazzy les émois du couple. C’est brillant, organisé à la perfection mais superficiel. Vite vu, vite oublié.

American Rhapsody- Unity Phelan et Amar Ramasar

American Rhapsody de Christopher Wheeldon – Unity Phelan et Amar Ramasar

Puis vint Concerto DSCH d’Alexeï Ratmansky. Il faudrait aujourd’hui composer des soirées « All Ratmansky » comme va le faire dans quelques jours l’American Ballet Theatre (où le chorégraphe russe est artiste en résidence) tant son travail surclasse tout ce qui peut se faire aujourd’hui. Concerto DSCH, initiales de Dmitri Chostakovitch fut créé pour le NYCB il y a huit ans. Depuis, ce ballet est entré au répertoire du Northwest Pacific Ballet, de la Scala de Milan et du Mariinsky. Quel directeur de compagnie ne voudrait pas ce chef-d’oeuvre dans son répertoire ? Alexeï Ratmansky a un long compagnonnage avec son compositeur favori et jamais il ne semble mieux inspiré qu’avec Dmitri Chostakovitch.

Même dans ses ballets non narratifs, Alexeï Ratmansky nous raconte des histoires. Celle-ci est composée autour d’un couple, Sara Mearns et Tyler Angle, et d’un trio, la danseuse Brittany Pollack et ses compagnons Gonzalo Garcia et Anthony Huxley. Comme en écho aux œuvres précédentes, Alexeï Ratmansky nous montre sur scène tout ce qui peut ou pourrait se passer entre un couple, entre deux hommes ou deux femmes ou pourquoi pas à trois ? Sans trivialité aucune mais avec une bonne dose d’humour. Alexeï Ratmansky maitrise à la perfection les codes du ballet néo-classique mais son travail est enrichi par sa connaissance et son affection pour le ballet soviétique avec ses composantes athlétiques : dans ce registre, Gonzalo Garcia et Anthony Huxley – incontournable ce soir-là ! – brillent de virtuosité dans leurs sauts et leurs manèges. Sara Mearns et Tyler Angle ont maintenant une longue complicité sur scène qui s’exprime dans le pas de deux chorégraphié sur le deuxième mouvement du concerto sur un tempo d’adage.

Alexeï Ratmansky est l’ainé de ce quatuor de chorégraphes du XXIe siècle. Il en est aussi indiscutablement le maître.

Concerto DSCH-ensemble.

Concerto DSCH-ensemble.

 

 

Soirée 21st century choreographers par le New York City Ballet  au Theatre David H.Koch Lincoln Center. Belles-Lettres de Justin Peck, avec Anthony Huxley, Lauren Lovette, Jared Angle, Ashley Laracey, Adrian Danching-Waring, Britany Pollack, Taylor Stanley, Rebecca Krohn et Tyler Angle ; Mothership de Nicolas Blanc, avec Jacqueline Bologna, Alston Macgill, Clara Frances, Claire Von Enck, Silas Farley, Alec Knight, Christopher Grant et Sebastian Villarini-Velez. American Rhapsody de Christopher Wheeldon, avec Tiler Peck, Robert Fairchild, Unity Phelan et Amar Ramasar. Concerto DSCH d’Alexeï Ratmansky, avec Sara Mearns, Tyler Angle, Brittany Pollack, Gonzalo Garcia, Anthony Huxley. Samedi 7 mai 2016. 

 

Post a Comment