A louer, de Peeping Tom
Mardi 29 mai 2012. A louer de Peeping Tom, par la Compagnie Peeping Tom, au Théâtre de la Ville. Avec Jos Baker, Leo De Beul, Eurudike De Beul, Marie Gyselbrecht, Hun-Mok Jung, SeolJin Kim et Simon Versnel.
« A louer, la dernière création de Peeping Tom, explore la finitude des choses. Le déclin, la perte, deviennent la matrice d’un espace mental parallèle à la réalité« .
Voilà comment démarre le programme du spectacle A Louer de Peeping Tom, et je trouve ça dommage. C’est le genre d’extraits qui fait un peu peur. On lit cette phrase, juste avant que les lumières ne s’éteignent, et avant même que la pièce ne commence on appréhende la chose : celle de se retrouver face à un truc très abstrait et intellectualisé. Or, contrairement à ce que cette introduction pourrait laisser croire, A Louer est un ballet (ou plutôt un mélange de théâtre et de danse) tout ce qu’il y a de plus narratif (certes un peu barré) et parfaitement instinctif.
Commençons par l’histoire, alors, parce que c’est narratif. Nous sommes dans un salon. Rideaux rouges, sol en damier. Nous sommes chez une créatrice. Écrivaine, réalisatrice, peintre… Cela n’a pas d’importance, le tout est qu’elle invente des personnages. En ce moment, elle crée la vie d’une soprano très connue et très angoissée. Et comme toutes les artistes, la créatrice se laisse parfois envahir par ses personnages.
Très vite, la soprano fait son apparition dans le beau salon, tout comme son mari et sa horde de fans. Il y a en fait le monde réel, la scène, et ce qu’il y a derrière les portes qui longent toute la scène, le monde de la fiction. Par les vitres, on y voit de la lumière, de la vie, on y entend des cris. Parfois, une porte s’ouvre, et les personnages de fiction viennent parler à la créatrice, ou plus simplement lui casser les pieds.
Pour mélanger ces deux univers en permanence, Peeping Tom se sert de la lumière et de la musique, s’inspirant sûrement des réalisateurs hollywoodiens d’aujourd’hui. la musique qui se tord quand la fiction prend le dessus fait ainsi penser à Inception. Mais pour les corps, comment fait-il ? Les metteurs en scène ont à leur disposition moult effets spéciaux, Peeping Tom, lui, n’a que des danseurs. Et c’est encore mieux.
Le chorégraphe a en effet créé toute une gestuelle, reproduisant avec les muscles ce que font les ordinateurs à l’image, quand les corps se tordent par les failles spatio-temporelles. Celle d’A louer, c’est le majordome de la créatrice. Il lui sert son thé, dans un geste tout ce qu’il y a de plus anglais, puis d’un coup part en vrille. Il n’a plus de genoux, il n’a plus de cheville, son corps n’est qu’un grand chewing-gum. Il se tord à toute vitesse, comme cela semble humainement impossible. C’est l’élément perturbateur de ce décor rangé. Dès qu’il se met à se désarticuler, c’est un signe, la fiction va venir chambouler la réalité.
Et ce n’est pas toujours de tout repos pour la créatrice. Voyez-vous, elle n’aime pas les histoires qui finissent bien. Sa soprano perd sa voix, perd ses fans, perd son âme. Mais plus ça va mal, plus la créatrice semble débordée par ce qu’elle a créé. Ça rentre, ça sort par toutes les portes, ça crie et ça coupe la parole. A tel point que l’on se demande si l’on ne s’était pas trompé au début, et si la réalité n’est pas plutôt derrière les portes, et la fiction dans ce salon. Comme dans tout bon film de science-fiction, le public repartira avec le doute.
A louer n’échappe pas cependant à quelques longueurs. Parfois, même si un procédé visuel marche diablement bien, il est bon de ne pas trop l’utiliser. Mais les nombreuses trouvailles chorégraphique et visuelles rendent le tout plutôt séduisant. Voilà une pièce qui, si elle manque parfois de rythme, charme par son originalité et son humour tout en finesse. J’aurais voulu en parler plus tôt, c’est curieusement toujours en période d’inter-contrat que je trouve le moins de temps pour bloguer. A louer n’est donné que jusqu’au 2 juin au Théâtre de la Ville. S’il vous reste du temps pour la dernière samedi, n’hésitez plus.
Pink Lady
Un peu trop intellectuel pour moi, je crois que je vais attendre la saison prochaine pour me risquer au TdV…
Sinon j’ai hâte de lire tes impressions sur les Certificats classique / contemporain du CNSMDP 😉
Amélie
@Pink Lady:Ah voilà, maintenant que tu écris tes résumés à l’heure, j’ai la pression ;)) Je viens de mettre en ligne celui de danse classique.