Trisha Brown Dance Company, dernier tour
La Trisha Brown Dance Company est partie pour une dernière et longue tournée, suite à la décision de sa chorégraphe de se retirer. La troupe passe par le Théâtre de la Ville, pour un programme assez représentatif de l’oeuvre de Trisha Brown, dans le très bon comme dans le très ennuyeux.
Newark (créé en 1987), qui conclut le premier programme, fait partie de cette première catégorie. Il y a à la fois une recherche du corps et de l’équilibre, un geste très pur et tranché, mais aussi une énergie collective qui fait ressentir cette danse, pourtant froide au premier abord. Sept danseurs et danseuses y déploient le langage chorégraphique de Trisha Brown dans une scénographie de Donald Judd, visuelle et à l’image de la danse : sans fioriture et efficace.
Le haut du corps est stable, mais les interprètes sont en constant équilibre-déséquilibre. Leur centre de gravité semble bouger à chaque mouvement. C’est une hanche qui se décale, une épaule qui avance, un équilibre qui part dans une autre direction. Tout part de la position debout. Puis l’équilibre bouge, se transforme er évolue avant de revenir à la position debout, puis de repartir dans une autre direction.
C’est aussi un travail d’une haute précision musculaire, où le mouvement évolue par d’infinis détails, un seul muscle faisant toute la différence. C’en est presque un travail chirurgical, mais sans être jamais figé, encore moins sans âme. Car les sept danseurs et danseuses habitent chacun de leur mouvement par une musique intérieure et une force collective qui captivent. Ce travail de groupe prend de plus en plus d’ampleur pour finir par des pas de deux virtuoses, acrobatiques, sans que jamais les danseurs et danseuses ne se départissent d’un grand calme apparent, et d’une certaine évidence dans leur façon de danser. Newark, un résumé éclatant du travail de Trisha Brown, et une signature de la postmodern dance.
For M.G : The Movie, qui ouvre la soirée, a été créé peu de temps après Newark (en 1991). L’ambiance y est pourtant totalement différence, même si le langage chorégraphique est très ressemblant. C’était pour Trisha Brown un autre cycle de travail. Après une période « Valiant » (héroïque) dont Newark en est l’emblème, la chorégraphie est partie dans un cycle « Back to zero », dont a été issu For M.G : The Movie.
Un retour au calme, peut-être, mais surtout une perte de la formidable énergie des débuts. Les pas sont les mêmes, mais dénués de ressenti et de force collective. En voulant revenir aux sources de ses mouvements, Trisha Brown semble avoir perdu le sens de sa danse, ce qui va justement au-delà du geste. Il ne reste plus que le travail corporel et musculaire, presque scientifique. Mais la danse est un peu plus qu’une recherche. Le langage chorégraphique y est très riche ceci-dit, mais il n’y a plus que ça. For M.G : The Movie fait penser à une séance de travail, un workshop nécessaire à la création, mais qui n’a pas encore abouti à quelque chose de sensible. Pour le public, c’est trop loin, trop abstrait, et surtout trop froid pour s’y passionner.
Entre les deux s’est glissé le court solo Homemade (1966), une oeuvre des débuts. Une danseuse projette grâce à un sac à dos-caméra le ballet qu’elle danse, filmé antérieurement. Pas vraiment de fulgurance, mais trop court pour commencer à s’ennuyer.
La Trisha Brown Dance Company au Théâtre de la Ville. Trois ballets : For M.G : The Movie, Homemade (avec Vicky Shick) et Newark. Mardi 22 octobre 2013.
Pink Lady
Correction : un ballet n’est jamais trop court pour commencer à s’ennuyer, j’y ai très bien réussi au bout de 30 secondes (l’effet de surprise passé).
Dommage que Newark ait été programmé en dernier, car à en juger par les discussions entendues à l’entracte, les deux premières pièces de la soirée avaient déjà réussi à faire fuir une partie des spectateurs. Je ne comprends pas tellement ce choix de programmation : comme s’il fallait souffrir 1h d’ennui pour mériter le graal…