La Fugue en question… de Béatrice Massin et Pierre Rigal – Soirée Talents Adami Danse
La Fugue. Voilà le thème imposé par l’Adami qui ne se contente pas de défendre les artistes, mais est aussi à l’origine de projets de création originale et de découverte de jeunes talents. Pour cette édition 2018, huit jeunes interprètes – quatre danseuses et un danseur sélectionnés parmi 200 candidatures – ont ainsi travaillé avec deux chorégraphes français majeurs, Béatrice Massin et Pierre Rigal. Le résultat prend la forme d’un spectacle en deux parties. Deux chorégraphes et deux manières différentes d’entendre et de décliner ce thème de la fugue. Mission accomplie même si tout n’est pas d’un niveau égal.
Le travail en amont de La Fugue en question était titanesque, comme la sélection des jeunes interprètes. « Nous avons Pierre Rigal et moi lu les 200 candidatures avec les CV, les lettres de motivation et surtout la vidéo afin de pouvoir sélectionner celles et ceux que nous allions auditionner. Et nous n’avions pas toujours les mêmes choix », confie ainsi Béatrice Massin. A l’issue de deux jours d’audition, quatre danseuses et un danseur ont été retenus pour relever ce défi : 15 jours de travail avec chacun des chorégraphes pour ce groupe éphémère avec l’objectif d’offrir un spectacle cohérent.
La fugue est un terme polysémique que l’on peut entendre de diverses façons. C’est bien sur une forme musicale à qui Jean-Sébastien Bach donna ses lettres de noblesse. Béatrice Massin, spécialiste de la danse baroque, ne pouvait pas ne pas s’arrêter sur cette acception. Mais la fugue, c’est aussi plus prosaïquement la fuite et la clandestinité. C’est aussi cette direction que Pierre Rigal a empruntée sans réussir toutefois à nous capter. La pièce qu’il a créée se divise en séquences inégales et qui ne font pas vraiment un récit. Les glissades du début sont trop banales pour surprendre. En revanche, dès qu’il construit et déconstruit des ensembles, le chorégraphe retient l’attention. Il joue un thème et variations avec la répétition de la même phrase chorégraphique où chacune et chacun a sa partition. L’ensemble n’est pas déplaisant mais on est très loin de la densité artistique à laquelle nous a habitué Pierre Rigal, auteur de quelques spectacles mémorables. Ces deux semaines de répétition avec un groupe inconnu n’ont ainsi pas engendré autre chose qu’un exercice d’école.
La tâche était sans doute plus simple pour Béatrice Massin, pour qui ce thème de la fugue semblait aller de soi et se conjuguer parfaitement avec l’univers de la danse baroque dont elle est la première représentante. En toute logique, sa chorégraphie s’appuie sur des musiciens qui sont des maîtres de l’art de la fugue et du contrepoint : Marin Marais, George Friedrich Haendel et Jean-Sébastien Bach. Quand Pierre Rigal se réinvente à chaque création, Béatrice Massin creuse un sillon stylistique qu’elle a fait partager au groupe : la gestuelle baroque qui prend tout sens. Et une première séquence superbe où les interprètes sont au sol, ne formant plus qu’un seul corps dont on ne distingue plus les individualités et qui réalisent un manège sur la scène. D’autres séquences sont plus anodines mais l’ensemble est toutefois très réussi.
ll faut citer ces cinq jeunes artistes se lançant dans la vie professionnelle : Karine Dahouindji, Alizée Duvernois, Marion Jousseaume, Anaïs Vignon et Damien Sengulen, qui sont allés au bout de la compétition et qui livrent sur scène une prestation de grande qualité, passant avec facilité d’un univers chorégraphique à l’autre. On leur souhaite bonne chance !
La Fugue en question… de Pierre Rigal etBéatrice Massin au Théâtre de Chaillot. Avec Karine Dahouindji, Alizée Duvernois, Marion Jousseaume, Anaïs Vignon et Damien Sengulen. Jeudi 8 novembre 2018. À voir en tournée le 16 novembre au Centre Culturel Le Rive Gauche à Saint-Etienne-du-Rouvray, le 24 novembre au 13 Arches à Brive, le 13 décembre au Théâtre des Mazades à Toulouse.