Bells and spells – Victoria Thierrée Chaplin/Aurélia Thierrée
Créé en 2018 au Festival des deux mondes à Spoleto en Italie, puis repris au Théâtre des Célestins à Lyon en décembre dernier, Bells and Spells est actuellement à l’affiche du Théâtre de l’Atelier à Paris. Un écrin tout trouvé pour un trésor de spectacle dont le duo mère-fille Victoria Thierrée Chaplin et Aurélia Thierrée ont le secret. Comme dans Murmure des murs, en 2011, l’étonnante Aurélia a pour partenaire Jaime Martinez avec lequel elle compose un tandem burlesque et émouvant. Que l’on ait gardé son imaginaire d’enfant, ou pas, on se laisse happé.e.s par ce spectacle visuel usant d’effets de surprise, parsemé de moments de poésie pure où les porte-manteaux se mettent à déambuler et les robes à prendre vie.
Cela commence comme une pièce de boulevard. Cinq personnages assis en rang d’oignons dans une salle d’attente fictive. Rapidement, le rythme s’impose dans un jeu de chaises musicales déjà vu, mais toujours efficace. Cette sorte de préambule n’est peut-être là que pour présenter ceux qui, durant tout le reste du spectacle, vont disparaître. Pour jouer les petites mains de l’ombre qui aident Aurélia Thierrée à donner libre aux fantaisies imaginées par sa mère. Des fantaisies artisanales où l’on devine parfois les trucs, comme on perçoit les ficelles du marionnettiste, mais qui n’en perdent à aucun moment cette saveur surannée qui en font tout le charme.
Faut-il vraiment raconter l’intrigue, sorte de point de départ prétexte ? L’histoire d’une kleptomane audacieuse qui ravit les biens d’autrui, plus par joie enfantine que par réelle nécessité. Plus que de les dérober, le secret de cette divine comtesse aux pieds nus consiste à donner vie à des objets inanimés dans des vitrines auxquels personne ne prêtait vraiment plus attention. Ils apparaissent et réapparaissent au gré des péripéties du spectacle et prennent le contrôle de leur voleuse. Rien d’ostensiblement spectaculaire. Plutôt des clins d’œil bien imaginés comme des petits cailloux qui aident à ne pas se perdre en chemin.
Si le spectacle parvient à nous prendre dans ses filets, c’est incontestablement par la présence magnétique de son héroïne, Aurélia Thierrée. Qu’elle se laisse aller à quelques pas de tango un peu désaccordé ou joue les filles de l’air transformiste, elle est l’âme palpitante de Bells and Spells, cette ensorceleuse dont on ne parvient pas à défaire nos yeux. On appelle cela la grâce. Une élégance de ballerine, un charisme de clown qui rendent chaque situation – même bricolée – magique. A côté d’elle, Jaime Martinez est un compagnon attentif et prévenant, drôle aussi dans cette manière unique de jouer des claquettes avec une étonnante désinvolture. Leurs pas de deux, un peu déjantés, sont irrésistibles.
Finalement, cette pièce singulière peut être vue comme une déclinaison d’Alice au pays des merveilles où les personnages disparaissent derrière des draps tendus ou se prennent pour des passe-murailles. Une plongée dans un monde étrange, envoûtant, fascinant où les tableaux de maîtres s’animent d’une désopilante manière. Comme au cirque, on laisserait presque échapper parfois un petit cri de surprise. Il faut se laisser entraîner par la magie bienfaisante de Bells and Spells. S’y rendre avec des enfants est plus que recommandé !
Bells and Spells de Victoria Thierrée Chaplin au Théâtre de l’Atelier à Paris. Avec Aurélia Thierrée et Jaime Martinez. Chorégraphie Armando Santin. Mardi 12 mars 2019. À voir jusqu’au 12 mai.