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[Nuits de Fourvière] Pure Dance – Natalia Ossipova

Pendant plusieurs saisons, le festival Les Nuits de Fourvière avait pris l’excellente habitude d’inviter Sylvie Guillem sur la belle scène di Théâtre antique. L’Étoile ayant pris sa retraite, le festival s’est tourné cette saison vers l’une des danseuses les plus brillantes de la nouvelle génération : la charismatique Natalia Ossipova. Comme la danseuse française, la ballerine russe a fait preuve d’une maturité et d’un charisme étonnant, devenant très jeune l’une des figures de proue d’une grande compagnie (le Bolchoï). Mais n’y trouvant pas assez de liberté, elle a préféré claquer la porte et trouver refuge au Royal Ballet de Londres. Natalia Ossipova y interprète depuis les grands rôles du répertoire, d’Odette/Odile à des créations contemporaines, sans oublier le répertoire néo-classique anglais, spécialement à l’aise dans les rôles demandant une forte dimension dramatique. En parallèle, l’Étoile de 33 ans monte ses propres spectacles. Comme Sylvie Guillem, elle n’y est pas chorégraphe mais créatrice et directrice artistique, commandant des pièces à de jeunes chorégraphes, sachant s’entourer du bon casting. Pure Dance est le résultat de ce travail : un savant mélange de pièces néo-classiques et contemporaines, parfois très réussies. Et dominée par le talent fou et la fabuleuse générosité scénique de cette danseuse hors normes.

The Leaves are Fading d’Anthony Tudor – Natalia Ossipova

Pure Dance démarre par une véritable curiosité pour le public français : un pas de deux extraits de The Leaves are Fading d’Antony Tudor. Chorégraphe britannique souvent dansé outre-Manche et outre-Atlantique, il n’a plus été dansé en France depuis des années. Et les personnes du Théâtre antique de Fourvière familiarisées avec ses chorégraphies devaient se compter sur les doigts d’une main. Pas de deux néo-classique d’une belle facture et d’une grande musicalité, The Leaves are Fading est l’écrin parfait pour découvrir Natalia Ossipova, aussi bien dans sa merveilleuse technique que dans son talent pour prendre immédiatement possession de la scène. Le plateau est nu (il le restera, ou presque, pour les pièces suivantes), les costumes au plus simple. Ce qui est important, c’est la danse, le geste, et l’expressivité qui mettent la danseuse et les danseurs qui l’accompagnent. Pour cette pièce, il s’agit de Matthew Golding, venu en dernière minute suite à la blessure du partenaire d’origine. Si le danseur canadien est resté le sosie de Brad Pitt, sa technique comme ses lignes se sont quelque peu fait la malle. Il reste toutefois un très bon partenaire et a à coeur de mettre en avant sa ballerine. Un beau pas de deux pour commencer la soirée, et le plaisir de voir des pointes sur la scène de Fourvière. Mais la pièce n’était peut-être pas assez familière du public français pour être apprécié pleinement sortie de son contexte du ballet.

La suite du spectacle est composée de pièces récentes, créées ou réadaptées pour la personnalité de Natalia Ossipova. Et la danseuse a su exprimer aux quatre chorégraphes ses envies, comme elle a su trouver les bons partenaires. Plus qu’être conçues pour elle, les quatre pièces ont toutes une valeur propre, un style particulier, une façon différente d’appréhender le geste. Et c’est par sa direction artistique que Natalia Ossipova devient ainsi véritablement une créatrice, et non une muse comme il est facile d’enfermer les ballerines qui inspirent les chorégraphes. Flutter d’Iván Pérez est une pièce efficace, tranchée, qui permet à Natalia Ossipova de montrer toute sa dextérité technique dans la danse contemporaine. Son partenaire Jonathan Goddard sait lui faire face, véritable alter ego et non partenaire uniquement là pour mettre en avant la star de la soirée. Autre superbe duo – peut-être la meilleure pièce de la soirée – avec Jason Kittelberger sur Dance Six Years Later de Roy Assaf. Le quotidien du couple, les Je t’aime moi non plus, a été vu et revu dans la danse. Mais le chorégraphe arrive à surprendre, à y donner une dimension nouvelle et très actuelle – aucun doute sur le fait que le couple en scène est un couple d’aujourd’hui. Sa danse mélange gestuelle contemporaine et culture pop, tout comme la musique, pour des échappés surprenantes non dénuées d’humour. Ça danse, ça swinge, ça se déhanche, ça se titille, ça se rejette. Et ça se retrouve dans la banalité. Une danse originale et intrigante portée par deux interprètes expressifs et à la forte personnalité.

Six Years Later de Roy Assaf – Jason Kittelberger et Natalia Ossipova

Jonathan Goddard évoqué plus haut à droit à un solo, l’efficace In Absentia de Kim Brandstrup sur la musique de Bach. La danse est moins novatrice que le duo évoqué ci-dessus, mais la pièce n’en reste pas moins très bien construite, donnant à danser à un interprète à la grande dimension physique et constamment habité, donnant à voir et émouvoir jusqu’en haut des gradins du Théâtre antique. Autre solo, celui de Natalia Ossipova, de retour en scène et sur pointes, avec Ave Maria de Yuka Oishi. Un solo néo-classique sur cette célèbre musique de Schubert , voilà qui s’annonçait comme une belle tarte à la crème. Mais la chorégraphe évite l’écueil en proposant un solo sur-mesure pour l’Étoile russe, avec une danse pas gnangnante pour un sou. Au contraire, elle met en avant ses formidables qualités de sauts avec quelques pas réservés traditionnellement aux danseurs – comme les coupés jetés ou les doubles assemblées. Et y insuffle un élan dramatique où la danseuse peut y glisser toute sa fougue et son charisme.

Pour le final, Natalia Ossipova propose une courte mais superbe création : Valse Triste d’Alexei Ratmansky. C’est en partie suite au départ de ce chorégraphe que la danseuse a quitté le Bolchoï, préférant le Royal Ballet. Leurs routes artistiques se sont souvent croisées et le chorégraphe lui a proposé ce duo, composée pour elle et son partenaire fétiche David Hallberg (Matthew Golding fait bonne figure en remplaçant). L’on peut parler de la folle technique de la danse de Natalia Ossipova à qui rien ne semble résister, à son ballon, ses lignes, sa grâce, son sens inné du mouvement et de la musicalité qui emplit toute la scène. L’on peut aussi parler de son sens théâtral, de son art de raconter une histoire et d’instaurer une ambiance particulière en quelques minutes, de son intensité à mettre toute son âme dans ses quelques pas. Tout ce qui fait la richesse de la danse est là. Preuve en est : le public a tenu malgré la pluie qui s’est intensifié au fil du spectacle. En espérant y revoir l’Étoile russe l’année prochaine.

Flutter d’Iván Pérez – Natalia Ossipova et Jonathan Goddard

 

Pure Dance de Natalia Ossipova au Théâtre antique de Fourvière, dans le cadre des Nuits de Fourvière. The Leaves are Fading d’Anthony Tudor avec Natalia Ossipova et Matthew Golding ; Flutter d’Iván Pérez avec Natalia Ossipova et Jonathan Goddard ; In Absentia de Kim Brandstrup avec Jonathan Goddard ; Six Years Later de Roy Assaf avec Natalia Ossipova et Jason Kittelberger ; Ave Maria de Yuka Oishi avec Natalia Ossipova ; Valse Triste d’Alexei Ratmansky avec Natalia Ossipova et Matthew Golding. Vendredi 14 juin 2019. Le festival Les Nuits de Fourvière continue jusqu’au 30 juillet.

 

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