Kader Attou – Allegria
Créé en 2017, Allegria de Kader Attou, mené par sa troupe Accrorap au CCN de La Rochelle, continue sa tournée un peu partout en France. La pièce rencontre en effet un joli succès, portée par huit talentueux interprètes hip hop et une écriture ciselée. Pas ou peu d’effet scénique, pas de mélange des genres non plus : Allegria met d’abord en avant la danse hip hop et le plaisir de danser. Le rythme ne se maintient pas forcément tout le spectacle, mais l’art de Kader Attou de faire danser des gens ensemble, et l’allégresse communicative des interprètes, font d’Allegria une pièce joyeuse qui fait mouche.
Pendant que Kader Attou se posait à la Maison de la Danse de Lyon, son collègue Mourad Merzouki n’était pas loin, au Radiant, pou Folia. La pièce mélange les genres et les styles et se sert de la scénographie, de décors et costumes marquants pour faire le show. Kader Attou prend lui le chemin inverse avec Allegria : le hip hop à l’état pure, sans artifice, avec un dispositif de scène (une sorte de cadre uni en fond de scène) ou des costumes (pantalon noir et chemise) réduit au strict minimum. Ce sont deux chemins pour faire un spectacle, deux visions qui se complètent et se répondent bien, comme elles s’apprécient tout autant (et montrent par la même occasion la diversité de la danse hip hop en France). Folia aime en mettre plein les yeux, Allegria touche par une simplicité du geste, même si les deux spectacles tendent vers la même chose : la poésie et le plaisir de danser.
Le point de départ d’Allegria est ainsi tout simple, selon les mots de Kader Attou : « L’idée c’est de chercher la poésie partout où elle se trouve, dans les corps des danseurs, dans le burlesque mais aussi dans la violence du monde. J’aime raconter avec légèreté ce qui se passe de grave dans le monde« . Le chorégraphe part ainsi d’un geste banal, comme un haussement d’épaule, pour en faire une phrase chorégraphique qui se répète et se transmet entre les interprètes. Mis à part le cadre blanc en fond de scène sert de contrepoint pour jouer avec différentes hauteurs, la scénographie se fait discrète. Ce qui compte, c’est la danse, le mouvement qui passe de danseur en danseur, une pure danse hip hop mêlée par petite touche d’acrobatie, avant de d’être repris par le groupe.
C’est d’ailleurs dans les ensembles que s’illustre le mieux la danse de Kader Attou, mêlant la précision et la fluidité, la surprise dans les directions, la poésie aussi. Chacun part dans sa direction avant de se retrouver, presque par surprise, à l’unisson. Les moments de duos sont moins percutants ou surprenants, faisant perdre un peu de rythme à la pièce sur son ensemble, qui ne tient pas forcément sur la longueur. Le choix d’une musique qui manque aussi un peu d’aspérités rajoute à cette impression. Mais Allegria a ses moments de magie. Ceux où la danse emporte tout sur son passage, où les interprètes – tous d’une grande virtuosité et sincérité – se dévoilent malicieux et gouailleurs, parfois un peu rêveurs. Une recette efficace et bien menée pour une pièce, au final, bien séduisante.
Allegria de Kader Attou par la compagnie Accrorap/CCN de La Rochelle à la Maison de la Danse. Avec Gaetan Alin, Khalil Chabouni, Hugo de Vathaire, Jackson Ntcham, Artem Orlov, Mehdi Ouachek, Sulian Rios et Maxime Vicente. Mercredi 25 septembre 2019. À voir en tournée les 16 et 17 octobre à Sénart, le 20 novembre à Saint-Germain-en-Laye, du 23 novembre au 5 décembre au Théâtre de Chaillot, dates à suivre en 2020.