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Minimal Maximal – Ballet du Grand Théâtre de Genève

Pour son programme d’automne à domicile (le Grand Théâtre récemment et magnifiquement rénové), le Ballet du Grand Théâtre de Genève propose une soirée mixte contemporaine autour de la musique minimaliste, d’où son appellation Minimal Maximal. Une musique qui peut amener à de magnifiques sensations du mouvement, la danse s’est d’ailleurs emparé depuis longtemps de ce courant musical, y puisant sans cesse de nouvelles inspirations. Pour la troupe suisse, place à deux créations – Fearful Symmetries d’Ioannis Mandafounis, Paron d’Andonis Foniadakis – et l’entrée au répertoire de Fall de Sidi Larbi Cherkaoui. Trois pièces en harmonie avec leur riche partition musicale, respectivement de John Adams, Philip Glass et Arvo Pärt, à la chorégraphie maîtrisée à défaut d’être vraiment surprenante. Et jouant avec intelligence sur la force et la cohésion du groupe.

Paron d’Andonis Foniadakis – Ballet du Grand Théâtre de Genève

Comme cela se voit régulièrement, la soirée début rideaux ouverts, avec la troupe en scène en train de s’échauffer. Ioannis Mandafounis, chorégraphe de 39 ans, est passé par William Forsythe, et cela se sent dans sa volonté de mélanger une partition chorégraphique très construite et une décontraction en scène, où les artistes sortent et viennent se placer sur le plateau comme si de rien n’était, habillés casual en jean et t-shirt de couleurs. Plutôt adepte de l’improvisation, le chorégraphe – qui travaillait pour la première fois avec un groupe important de 22 interprètes – s’est plutôt attelé sur une construction précise. Un parti pris plutôt intelligent face à la construction implacable de Fearful Symmetries de John Adams. Ioannis Mandafounis y montre d’ailleurs un certain savoir-faire dans l’instinct de faire bouger un groupe en scène, de le former, le casser et le reconstruire, s’appuyant sur la rythmique jazz de la partition. Le Ballet du Grand Théâtre de Genève, très soudé, s’y coule avec délice et un bonheur manifeste d’être en scène. C’est d’ailleurs par la joie de danser que le chorégraphe a démarré cette création, comme il l’explique dans le programme : « Je veux que les danseurs et danseuses puissent avoir de la joie dans leur mouvement. C’est une joie simple, celle d’aller au boulot tous les matins et d’être joyeux« .

Dommage cependant que le matériau chorégraphique ne soit pas forcément à la hauteur. Ioannis Mandafounis semble en fait hésiter en permanence entre deux options : soit une gestuelle très technique et une virtuosité assumée, soit un mouvement qui part du quotidien (course, marche, saut…). Il en résulte une impression permanente du mouvement qui ne va jamais au bout, quelque chose de presque brouillon, impression déstabilisante à côté de la rigueur de la construction de la danse. Cela empêche aussi à des individualités de s’affirmer en scène, alors que les occasions ne manquent pas (ni les talents au sein de la troupe). Mais pour une première rencontre entre un chorégraphe et une troupe, le résultat se révèle intéressant et donne envie de voir cette collaboration évoluer.

Fearful Symmetries d’Ioannis Mandafounis – Ballet du Grand Théâtre de Genève

À l’inverse, Andonis Foniadakis est un habitué du Ballet du Grande Théâtre de Genève, Paron (« Le moment présent » en grec) étant sa cinquième pièce pour la troupe. Sur le tube du Concerto pour violon n° 1 de Philip Glass, le chorégraphe propose d’ailleurs la plus belle et aboutie des trois oeuvres du programme, connaissant visiblement bien la troupe.

Là encore, le groupe est au centre de la création, sa force centrique qui rassemble, ou au contraire disloquante et qui exclue. Et loin de n’être qu’une pièce bien construire, Paron est une oeuvre chaude, où l’émotion est dans chaque geste, chaque force du groupe, chaque accélération, chaque tourbillon. Et même si la chorégraphie n’est pas en soi surprenant, elle emporte par ses élans et sa musicalité, d’autant que le très bel Orchestre de la Suisse Romande est dans la fosse. Le titre de la soirée – Minimal Maximal – est ici parfaitement illustré. La pièce ne joue pas sur les effets, et au-delà de la musique dite minimaliste, le décor est épuré et les costumes unisexes sont sans chatoiement, pour laisser toute la place au mouvement et à l’intensité du geste et du groupe.

Paron d’Andonis Foniadakis – Ballet du Grand Théâtre de Genève

L’entrée au répertoire de Fall de Sidi Larbi Cherkaoui était attendue. La danse tellurique et profonde du chorégraphe va bien à la troupe genevoise, qui a déjà dansé l’une de ses pièces. Il s’agit ici d’une création de 2015, montée à l’origine pour le Ballet de Flandre, que dirige actuellement le chorégraphe. Le groupe est au centre de tout, avec cette fois-ci une scénographie plus imposante, la scène étant entourée de grands rideaux blancs en perpétuels mouvements. Sidi Larbi Cherkaoui y montre son savoir-faire indéniable dans la construction d’une pièce et l’évolution du groupe.

Mais contrairement à Paron, le mélange avec la troupe ne se fait pas. La compagnie, pourtant à l’aise dans le répertoire contemporain, manque d’aisance dans tout le travail du haut du corps, gommant les spirales si chères au chorégraphe. La pièce a aussi subi quelques transformations : les pointes ont disparu, seuls 22 interprètes sont sur scène à la place d’une trentaine. Et cette adaptation semble un peu bancale. Rajoutons aussi la partition usée jusqu’à la corde d’Arvo Pärt, tellement utilisée qu’elle ne supporte plus qu’une immense originalité chorégraphique. Et il manque, là encore, la possibilité pour ces personnalités de s’exprimer en soliste, malgré la solide construction autour du groupe. Bref, si la troupe n’a pas à rougir de sa prestation, ni la pièce de sa teneur, tout semble comme dilué et affadi. Dommage pour la compagnie, qui est capable de laisser des souvenirs de scène bien plus marquants que ce final un peu trop attendu.

Fall de Sidi Larbi Cherkaoui – Ballet du Grand Théâtre de Genève

 
Minimal Maximal par le Ballet du Grand Théâtre de Genève à l’Opéra de Genève. Fearful Symmetries d’Ioannis Mandafounis, Paron d’Andonis Foniadakis et Fall de Sidi Larbi Cherkaoui. Avec Yumi Aizawa, Céline Allain, Ornella Capece, Angèle Cartier, Diana Dias Duarte, Léa Mercurol, Tiffany Pacheco, Mohana Rapin, Sara Shigenari, Lysandra van Heesewijk, Madeline Wong, Valentino Bertolini, Adelson Carlos, Zachary Clark, Andrei Cozlac, Armando Gonzalez Besa, Xavier Juyon, Juan Perez Cardona, Simone Repele, Sasha Riva, Geoffrey Van Dyck et Nahuel Vega. Mardi 12 novembre 2019.

Le Ballet du Grand Théâtre de Genève est à voir en tournée en France avec d’autres programmes dès janvier 2020.




 

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