Cirque Le Roux – La Nuit du Cerf
Ils ont parcouru le monde avec leur premier spectacle An Elephant in the Room. Et ils se posent à nouveau à Paris pour leur nouvelle création La Nuit du Cerf. Deux filles et quatre garçons, tous acrobates hors pair mais aussi comédiens, qui allument la salle du beau Théâtre Libre/Comédia avec un déluge d’humour et de virtuosité. Fidèle à son inspiration première, le Cirque Le Roux montre un show scénarisé et impeccablement mis en scène par Charlotte Saliou, refusant la succession factice de numéros circassiens et recourant aussi bien à la musique inspirée des années 1970 qu’au cinéma. Un spectacle singulier pour une jeune troupe qui s’impose déjà parmi les plus grandes.
Un travelling nous plonge dès le début du spectacle dans la campagne profonde. Tout commence ainsi sur un grand écran. Et comme au cinéma, un générique nous présente ces acteurs-acrobates et nous emmène au coeur de l’hiver, dans une drôle de maison peuplée de curieuses créatures, deux frères et la compagne de l’un d’entre eux. Mais tout d’abord à l’avant-scène, un beau gosse frimeur se la joue et nous annonce qu’il est déjà mort et que nous allons comprendre comment, en revenant 24 heures en arrière. Le rideau s’ouvre… et débute une danse acrobatique, parfaitement chorégraphiée où les artistes s’emmêlent, se démêlent, passent d’un côté et de l’autre en prenant tous les risques. Ils sont parfois à quelques centimètres du sol, démontrant une précision constante durant tout le spectacle.
Le motif de cette réunion familiale, c’est la mort de leur mère Miss Betty dont on prépare les funérailles. Elles ne seront pas tristes ! L’arrivée de la soeur, puis d’un étrange inconnu, fait basculer ce moment dans une loufoquerie indescriptible nourrie de gags et d’acrobaties virtuoses. Bien qu’ils ne soient que six sur scène, le Cirque Le Roux a tout d’une grande compagnie. Ils occupent la scène avec un savoir-faire qui bluffe. Et à l’exception du final, ils n’utilisent que très rarement les agrès traditionnels. C’est ainsi le plus souvent avec leurs corps – et leurs corps seuls – qu’ils s’expriment. Le Cirque Le Roux montre l’identité d’une troupe à part, totalement déjantée mais qui sait conduire le public dans un récit singulier. Tous les personnages sont ainsi caractérisés avec précision : le doux dingue, le costaud toujours en retard, la soeur nymphomane et son boy flambeur.
C’est là tout le charme de La Nuit du Cerf, spectacle composé de défis physiques permanents et une scénographie léchée qui sied parfaitement au Théâtre Libre. Ce lieu fut l’un des plus célèbres cafés-concerts de Paris et dégage aujourd’hui une atmosphère qui oscille entre Art Nouveau et esthétique des années 1970, en cohérence avec l’esthétique du spectacle. Quant au geste, l’on semble souvent à la limite des univers artistiques de la danse et du cirque, tant ces acrobates se déplacent toujours dans une chorégraphie soignée. Le Cirque Le Roux en seulement cinq ans d’existence s’est hissé au niveau des plus grands. Longue vie à leur splendide voltige qui miraculeusement nous allège.
La Nuit du Cerf de Charlotte Saliou par le du Cirque Le Roux au Théâtre Libre/Comédia. Avec Mason Ames, Lolita Costet, Yannick Thomas, Gregory Arsenal, Valérie Benoit et Philip Rosenberg. Vendredi 29 novembre 2019. À voir jusqu’au 2 février puis en tournée.