Gravity & Other Myths – Backbone ou quand l’Australie fait son cirque!
Ils existent depuis dix ans mais c’est la première fois qu’on les voit à Paris. Gravity and Other Myths, c’est le nom qu’ils ont choisi, résonne comme un défi : croire que la gravité pourrait se dépasser, voire s’annihiler. À défaut de réaliser ce rêve impossible, les dix acrobates de cette compagnie venue d’Adélaïde en Australie repoussent les limites de la voltige dans un spectacle baptisé Backbone. La colonne vertébrale comme une métaphore de « l’intégrité du corps humain ou d’une société », explique Jascha Boyce, co-fondatrice et acrobate elle-même. Dix gars et filles qui vont à toute allure, prennent tous les risques et semblent ignorer le danger.
La proposition était alléchante : un cirque venu d’Australie, comme une promesse d’une autre manière de voltiger, nous qui avons grandi avec les troupes françaises et canadiennes. Y-aurait-il une autre culture circassienne de l’autre côté de la terre ? Oui et non ! Ce que l’on perçoit d’emblée, c’est une incroyable décontraction sur scène. Pas la moindre tension qui n’apparaisse et une manière foutraque de se déplacer sous le chapiteau, comme s’ils improvisaient le show. Et pourtant, quelle virtuosité.
L’acrobatie et la voltige sont leur coeur de cible et c’est dans ce registre qu’ils bâtissent Backbone. Gravity and Other Myths les portent à des sommets rarement vus : une marche en équilibre sur les crânes qui laissent coi, des sauts empruntés à la danse hip-hop et des pyramides de folie où toutes et tous parviennent à tenir en équilibre sans que l’on comprenne comment. Et pour se reposer de ce déluge acrobatique, la troupe se rassemble à l’avant-scène pour un jeu à l’élastique où il s’agit avant tout d’éviter de se prendre une décharge sur le ventre ! Tout cela est joliment accompagné par deux musiciens aux claviers, au violon et aux percussions. La compagnie d’Adélaïde n’utilise aucun agrès. Tout le travail repose sur les portés, l’équilibre, la puissance. Quelques objets s’immiscent malgré tout, comme des seaux de fer qui recouvrent les visages et accroissent la difficulté. Ou encore de longues perches de bois qu’ils tiennent en équilibre dans un halo de lumière bleue.
Il y a une indicible légèreté dans Backbone, de l’humour en permanence et une manière de ne jamais se prendre au sérieux. Le cabotinage n’est pas le genre de la maison. Comment le pourrait-il d’ailleurs quand la plupart de ces jeunes gens se connaissent depuis l’enfance et ont appris ensemble l’art de la voltige. Mais quand on y regarde plus près, le propos est moins anodin qu’il n’y parait. Si la gravité n’est pas un mythe, on ne cesse malgré tout de tenter de s’en affranchir au propre mais aussi au figuré : alléger le poids qui nous leste et nous empêche d’avancer. C’est ainsi qu’ils viennent vers nous, de lourdes pierres dans mains, symboles absolus de la gravité, subitement ralentis par le poids des choses. Ils finiront par lâcher leurs pierres pour reprendre leur envol.
Backbone de et par la compagnie Gravity and Other Myths dirigé par Darcy Grant, à l’Espace Chapiteaux de La Villette. Avec Jacob Randell, Lachlan Harper, Jascha Boyce, Joren Dawson, Christopher Lachlan Binns, Jackson Manson, Kevin Beverley, Jordan Hart, Alyssa Moore et Rachael Boyd (acrobates), Alexey Kochetkov et Nicholas Martyn (musiciens). Vendredi 13 décembre 2019. À voir jusqu’au 29 décembre et en tournée avec d’autres spectacles en région parisienne et en province.