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Paroles de danseuses et danseurs confinés – Guillaume Côté, Sara Renda et Fauve Hautot

Danseurs, danseuses, chorégraphes… Les artistes de la danse sont comme tout le monde confinés chez eux, depuis maintenant plus d’un mois. Comment vivent-ils cet éloignement des théâtres et ces spectacles annulés ? Quelles routines ont-ils mis en place dans leur entraînement quotidien ? Comment gèrent-ils les questions matérielles ? Comment voient-ils l’après confinement ? Chaque semaine, DALP laisse la parole à quelques danseurs et danseuses d’horizons différents sur leur confinement. 

Cette semaine, nous laissons la parole à Guillaume Côté (Principal Dancer au Ballet National du Canada, chorégraphe, directeur artistique pour la danse du Festival des Arts de Saint-Sauveur), Sara Renda (Danseuse Étoile au Ballet de l’Opéra de Bordeaux) et Fauve Hautot (danseuse, chorégraphe, gagnante des saisons 3 et 10 de Danses avec les stars).

 

Guillaume Côté – Principal au Ballet National du Canada, chorégraphe, directeur artistique

Propos recueillis par Jean-Frédéric Saumont

L’annonce du confinement

Comme tout le monde, nous avons eu le pressentiment que tout était bien plus grave que ce que nous le pensions au début. Il y a eu très vite des mesures assez strictes au Canada, dès que l’épidémie est arrivée chez nous. C’était un peu bizarre, je dansais à ce moment-là Roméo et Juliette dans la version d’Alexeï Ratmansky. Il était venu une semaine avant la première et nous avons travaillé très fort. J’étais vraiment dans ma petite bulle, dans le travail. J’avais dansé la première le mercredi 11 mars. Roméo et Juliette, c’est tellement physique, tu es là sur scène à embrasser ta partenaire… Le lendemain matin, la direction nous a annoncé qu’il fallait annuler le spectacle du soir et ceux de la semaine suivante. Ce fut un petit choc car nous pensions que c’était une affaire de deux ou trois semaines. Mais on nous a annoncé que cela allait se prolonger. Et c’est là que nous avons commencé à prendre des initiatives pour continuer à danser. On ne pouvait pas s’asseoir et attendre pendant deux mois. On a acheté une barre, la compagnie nous a donné du lino de danse. Et petit à petit, les projets se mettent en place. J’en ai de plus en plus que je peux accomplir dans ce contexte particulier du confinement.

Guillaume Côté

Sa routine de travail

Comme j’aime beaucoup m’exercer d’une façon très dynamique, j’ai commencé à faire du cycling chez moi et j’ai acheté une bicyclette. C’est vraiment très physique. J’en fais une heure tous les matins pour me faire suer et me défouler, parce que sans endorphines pendant une semaine, c’est difficile, surtout pour le mental. D’ailleurs dès que je me suis mis au cycling, j’ai commencé à me sentir mieux. Après nous avons la classe du Ballet National du Canada à 11H15, tous les jours. Je la fais souvent mais j’en profite aussi pour faire le cours d’autres compagnies. C’est l’une des choses positives du confinement : il y a des classes partout de plusieurs professeurs que j’adore à San Francisco ou New York. J’ai ainsi fait une barre la semaine dernière avec le New York City Ballet, en Finlande aussi où j’ai un ami qui donne des classes que j’aime beaucoup. C’est drôle, c’est comme si tout d’un coup le monde était un peu plus petit de ce côté là.

J’essaye ainsi de faire une classe par jour et l’après-midi je travaille sur mes projets chorégraphiques. Il y a le Festival des Arts de Saint-Sauveur près de Montréal dont je suis le directeur artistique pour le volet danse. Il se déroule pendant les premiers jours de l’été avec un spectacle par jour. Malheureusement nous avons dû annuler l’édition 2020 mais travaillons sur un projet digital.

Les aspects positifs du confinement 

J’ai deux enfants de 5 et 3 ans et je n’ai jamais l’opportunité de vraiment vivre avec eux au quotidien. Bien sûr il y a les week-ends et les vacances, mais vivre au jour le jour, leur faire l’école, ça c’est une belle opportunité. Et ça nous force aussi à prendre du recul et à ralentir notre rythme de vie. J’ai commencé un peu de méditation et toutes sortes de choses que j’ai toujours voulues faire sans en avoir jamais eu le temps. Cela m’a aussi donné l’occasion de m’interroger sur ma carrière de chorégraphe. Quand on a du succès, on continue à exécuter la même chose, simplement parce qu’il faut être très productif. Et tout d’un coup, quand tout s’arrête, on commence à se poser des questions : est-ce que les dernières choses que j’ai faites étaient vraiment intéressantes ? Est-ce que c’était cela que je voulais faire ou est-ce que je me suis simplement forcé à être productif ? Cela m’a aidé ces deux ou trois dernières semaines ; j’ai commencé à faire des recherches de mouvements sur moi-même, avec en particulier le kabuki que j’ai toujours voulu approcher parce que cet art me fascine. Et j’ai de bons mentors, comme le metteur en scène Robert Lepage qui me propose un matériel riche.

Cela me force prendre du recul et à ralentir notre rythme de vie. Aussi à m’interroger sur ma carrière de chorégraphe

Les difficultés financières

C’est aujourd’hui une réalité : de nombreuses compagnies qui ont investi dans des spectacles vont devoir fermer et essayer de rouvrir plus tard d’une autre façon. Les grosses compagnies vont pouvoir s’en sortir avec probablement de l’aide gouvernementale. Mais les plus fragiles auront beaucoup de mal, à moins que le gouvernement ne les subventionne davantage. Pour le moment le Ballet National du Canada a une belle santé financière grâce à sa directrice Karen Kain qui fait tout pour nous protéger. Mais on n’exclut pas des coupes salariales.

Les projets et les rôles en suspens 

Je n’ai donc dansé qu’une représentation de Roméo et Juliette sur les cinq dates que je devais avoir. J’avais aussi commencé à répéter la nouvelle production du Lac des Cygnes. Et puis il y a ma création Crypto que je devais présenter à Montréal avec quatre danseurs de Sidi Larbi Cherkaoui. Il y avait 18 dates programmées. Tout a été annulé mais j’espère que l’on va pouvoir reporter à l’année prochaine. Je devais aussi reprendre An American in Paris de Derek Deane qui avait été créé pour moi et Tamara Rojo. J’avais hâte de reprendre ce rôle que je n’avais pas dansé depuis dix ans. Il y avait enfin la tournée à Londres du Ballet National du Canada avec La Belle au Bois dormant de Rudolf Noureev. Mais j’ai des projets, notamment une nouvelle création avec Robert Lepage que l’on va reprendre dès que les restrictions seront levées.

La pièce Frame by Frame de Guillaume Côté avec Robert Lepage à la mise en scène,  créé en 2018 pour le Ballet National du Canada, sera à voir au Théâtre des Champs-Élysées de Paris du 15 au 17 avril 2021 dans le cadre de la saison TranscenDanses.

 

Sara Renda – Danseuse Étoile au Ballet de l’Opéra de Bordeaux

Propos recueillis par Amélie Bertrand

La fin de saison annulée

L’Opéra de Bordeaux vient d’annoncer l’annulation de tous les spectacles de la fin de saison. C’est dur et triste, mais nous nous y attendions, il faut l’accepter. J’étais déjà préparée mentalement. Toutes les troupes du monde sont dans le même bateau. C’est dangereux de se réunir, surtout dans un théâtre. Mais on va être plus fort qu’avant, il faut rester positif. Déjà en mars, alors que nous répétitions le programme Grands classiques d’aujourd’hui Forsythe / Preljocaj / Smith, je me doutais qu’on ne le danserait pas. Ma famille est en Sicile, la famille de mon mari près de Milan… Avant que le confinement ne démarre en France, nous savions que la situation était catastrophique en Italie, nos proches nous racontaient les files d’attente à rallonge dans les supermarchés. On se doutait que cela allait arriver en France, alors on a fait quelques courses en avance, notamment pour notre fille de 14 mois.

Je pense que la direction est en train de voir comment programmer cette soirée ainsi que La Sylphide (ndlr : qui devait avoir lieu en juillet 2020) la saison prochaine. J’espère que nous pourrons les danser en tout cas ! Je n’avais jamais dansé la Sylphide, c’est un super rôle.

Sara Renda dans Cendrillon

Le confinement

J’aurais voulu rentrer en Sicile, où nous avons un appartement face à la mer, mais tous les vols ont été annulés. Nous sommes dans notre appartement à Bordeaux, sans balcon ou jardin, ce qui est un peu compliqué avec notre fille qui commence à marcher un peu partout. Elle est trop petite pour comprendre la situation, même si elle commence à sentir qu’il se passe quelque chose de différent. C’est compliqué d’avoir le temps de faire autre chose avec un bébé. Avec mon mari, nous essayons de regarder un film depuis trois jours, on le fait morceaux par morceaux mais ce n’est pas sûr que l’on arrive à le terminer (rires !). Alors je mets de la musique, de la musique classique comme Tchaïkovski ou Mozart… ou les tubes de reggaeton pour s’amuser et danser avec ma fille.

Son entraînement

J’ai toujours été motivée pour m’entraîner. En fait, je fais comme lorsque j’étais enceinte, avec une barre chez moi. J’ai commencé à faire du stretching, une barre tranquillement. Maintenant, je m’entraîne quasiment tous les jours, parce que ce n’est pas toujours évident avec ma fille qui veut faire tout ce que je fais !

Au Ballet de l’Opéra de Bordeaux, il a fallu s’organiser et petit à petit les choses se sont mises en place. Nous avons une réunion toutes les semaines. Désormais, nous avons un cours de danse tous les jours à 11h par Zoom, donné par notre directeur Éric Quilleré ou notre maîtresse de ballet Eve Lawson. Nous avons aussi un cours de Pilates deux fois par semaine avec Aline Bellardi, une ancienne danseuse de la troupe. C’est bien se savoir que nous avons un rendez-vous fixe quotidien, surtout pour le mental, pour avoir une motivation quand la journée commence. Les techniciens et notre directeur ont tout de suite cherché à nous aider dans notre vie de danseur-se. L’Opéra nous a fait parvenir il y a une dizaine de jours du lino de danse et ça change les choses ! J’ai du parquet chez moi, ça glisse beaucoup, c’est très compliqué pour les pointes. Nous pouvons ainsi faire le cours jusqu’aux petits sauts mais on ne fait pas les grands sauts, ce n’est pas non plus un sol de danse, c’est trop dur. En tout cas moi j’évite, je trouve ça trop dangereux.

Je fais ce que je peux faire, mais je n’ai pas peur de perdre mon niveau ou mes capacités. Le cardio sera ce qui sera compliqué pour la reprise. En vacances, on bouge, on nage, on marche, ce n’est pas pareil. Il faut travailler le physique, mais aussi le mental. Si on travaille mentalement, avec de la méditation et la pensée positive par exemple, si on est fort dans sa tête, même si c’est compliqué, on va y arriver. Je sais que, quand je vais revenir, je vais donner le maximum pour être mieux qu’avant.

Quand nous reviendrons, être sur scène va être encore plus fort et émouvant qu’avant.

Son état d’esprit

Tout me manque. Le théâtre, les répétitions… la routine en fait, se réveiller et avoir une journée de répétition devant soi, le spectacle le soir. Mes collègues me manquent, même si on prend des nouvelles, les danseurs et danseuses tout comme l’équipe du théâtre… On est nombreux à travailler à l’Opéra de Bordeaux. Pour la suite, pour l’instant, nous sommes dans le flou. Nous espérons pouvoir reprendre au moins la classe avant l’été, par petit groupe.

Et après ?

La première chose que je veux faire à la fin du confinement, c’est d’aller voir mes parents et les prendre dans mes bras. Pour la danse, quand on va revenir, on va comprendre l’importance de se toucher, de se prendre dans les bras. Rien que se donner la main sera quelque chose de fort. Alors quand nous allons être de nouveau sur scène avec la compagnie, devant le public, cela va forcément être différent. Être sur scène va être encore plus fort et émouvant. Personnellement, quand je serai de retour sur scène, je sais que je donnerai mon maximum pour arriver encore plus à toucher le public. Et pour faire comprendre que la danse et l’art sont des choses si importantes, pour moi, pour les autres danseurs et danseuses, mais aussi pour le public. La danse, c’est ce qui fait rêver.

 

 

Fauve Hautot – Danseuse, chorégraphe, gagnante des saisons 3 et 10 de Danse avec les stars

Propos recueillis par Claudine Colozzi

Le confinement

J’ai appris que nous devions rester confinés alors que de nombreux événements pour lesquels j’étais engagée commençaient à être repoussés. Je devais notamment partir pour un gala à Abidjan, puis à New York et Valence pour participer à des masterclass. Et soudain, tout s’est arrêté. J’ai fait le choix de rester à Paris. On a vite compris qu’on partait pour plusieurs semaines, mais cela ne m’a pas inquiété. Je suis assez casanière finalement, je sors peu. J’aime rester chez moi. Et puis comme je travaille souvent sur différents projets à la fois, je me suis dit que ça me permettrait de faire une pause.

Fauve Hautot

Son état d’esprit

Déjà en temps « ordinaire », je trouve que le temps file à une vitesse incroyable. Mais là, j’ai l’impression de ne pas avoir vu passer les semaines. Je m’estime chanceuse. Au début, j’ai quand même pris comme un coup de massue physiquement. Puis, progressivement, je me suis remise en mouvement dans mon corps et dans ma tête. J’écris tous les jours. Je me suis lancée dans un travail introspectif pour identifier les nouvelles orientations que je veux donner à ma vie d’artiste. En fin d’année dernière, j’ai collaboré avec Pauline Bression en tant que chorégraphe sur la dernière pièce d’Alexis Michalik, Une histoire d’amour qui était à l’affiche de la Scala à Paris. J’ai beaucoup aimé être associée à cette aventure, regarder ces formidables comédiens travailler sur le plateau.

Son quotidien, sa routine

Mon corps réclame de danser. Mais la taille de mon appartement ne me permet pas de prendre des cours. Je ne peux pas bouger comme je le souhaiterais et je n’ai pas le sol approprié. Alors je cours une heure tous les matins, entre 9h et 10 h. Cela me maintient en forme et me permet de me dépenser. Je fais aussi des étirements. Impossible de ne pas maintenir une certaine hygiène corporelle. En règle générale, je fréquente le Studio Harmonic, participe à des stages. Et surtout, je pars à New York tous les ans, durant une à deux semaines pour prendre des cours au Brodway dance Center. J’adore l’anonymat que j’y trouve qui n’existe plus à Paris. Je m’inscris toujours dans des disciplines où j’ai besoin de progresser, en hip hop, floorwork dance par exemple, avec toujours l’envie de repousser mes limites.

Ses vidéos de confinement

L’idée des vidéos (ndlr : de courtes chorégraphies postées sur ses réseaux sociaux) est venue avec l’envie de danser, de partager. Mais avec la configuration de mon appartement et et cette histoire de confiance en soi, je ne savais pas trop si j’allais savoir faire. Et puis même si je suis présente sur les réseaux sociaux (ndlr : + de 705.000 abonnés à son compte Instagram), ce n’est pas une habitude que j’ai. C’est ton travail qui te met dans la lumière, pas ta manière de te mettre en avant sur les réseaux sociaux. Je ne voulais pas poster des chorégraphies trop techniques. J’ai donc fait le choix de quelque chose d’accessible au grand public, pas réservé uniquement aux danseurs et danseuses. Et quand je vois que les gens refont les choré, les postent en story, ça me fait plaisir. Je ne me suis pas fixée de planning. Mine de rien, ça prend beaucoup de temps, au minimum quatre heures pour tout filmer. Mais au moins, pendant cet après-midi-là, je m’éclate !

 

 
 
 
 
 
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Choré 4 🏡🕊 Zik: Dance with me Henry. #ettajames 🎶 BONNE DANSE & BON WE! 💃🏻🌞

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Les projets, DALS saison 11

Je me suis mise en veille, mais quand tout va repartir, l’énergie sera intacte. Peut-être même n’aurais-je pas eu le temps de faire tout ce que je m’étais fixée de regarder ou de lire. Je ne sais pas où me porteront mes pas après le confinement mais comme j’adore la scène, je ne suis pas prête de raccrocher la danse pour n’être que chorégraphe. Mais j’aime le théâtre, jouer, peut-être pourrais-je allier danse et théâtre. Normalement à cette époque-là de l’année, l’équipe de DALS commence à être en pleine ébullition. Pour l’instant, je ne peux rien dire sur ma participation à la nouvelle saison. Les choses se dessinent vers le mois de juin en général. La saison 10 a été riche en émotions. Je l’ai adorée.

 




 

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