[Retransmission] The Gift – Le programme en ligne de Noël du Boston Ballet autour de Duke Ellington
Pour les Fêtes de fin d’année, le Boston Ballet – privé de spectacle pendant plus d’une saison comme toutes les compagnies américaines – propose plusieurs programmes en ligne autour de Casse-Noisette, ballet incontournable de Noël. Dont The Gift, une belle proposition artistique sur la réjouissante Nutcracker Suite du compositeur jazz Duke Ellington, le tout chorégraphié par des danseurs et danseuses de la compagnie. Après un début de saison en ligne un peu inégal et pauvre en contenu, le Boston Ballet propose enfin un vrai programme nouveau et réussi. De quoi se plonger dans l’esprit de Noël.
Pianiste, compositeur et chef d’orchestre, Duke Ellington, décédé en 1974, reste une figure majeure du jazz aux États-Unis. En 1960, il a enregistré The Nutcracker Suite, une savoureuse adaptation jazz de la célèbre musique de Tchaikosvki en neuf morceaux, organisés comme le serait une soirée de jazz sont aujourd’hui. C’est cette pièce qui est au centre de The Gift, la proposition artistique en ligne du Boston Ballet pour Noël, chorégraphiée par des membres de la troupe. Et si le premier programme en ligne du Boston Ballet, disponible cet l’automne, laissait sur sa faim, cette nouvelle proposition réjouit, vraiment adaptée au visionnage depuis son canapé, sans temps mort. La vidéo, enchaînant des courtes chorégraphies de quelques minutes, est dynamique et de très bonne qualité. Sa construction comme une soirée jazz rend un bel hommage à l’œuvre de Duke Ellington comme au célèbre ballet de Noël de Marius Petipa. Et c’est d’autant plus agréable de voir la compagnie utiliser ses ressources propres et laisser la scène libre à ses danseurs et danseuses pour chorégraphier et danser en totale liberté.
Mais parce qu’il ne faut pas perdre le public des Fêtes qui a ses habitudes, The Gift s’ouvre sur le Grand pas de deux de Casse-Noisette, dans sa version classique et traditionnelle chorégraphiée par Mikko Nissinen, le directeur du Boston Ballet, sur la musique de Tchaïkovski adaptée pour piano seul. Viktorina Kapitonova et Tigran Mkrtchyan, deux Principals de la troupe, interprètent avec prestance le célèbre duo entre la Fée dragée et le Prince Orgeat. Si elle laisse place à quelques rigidités dans le haut du corps, son travail de bas de jambe est excellent et cette entrée en matière est très réussie. Détail d’actualité : le duo danse masqué. Cela peut paraître exagéré, mais c’est aussi un message politique que le Boston Ballet veut faire passer dans cette Amérique tourmentée où le port du masque n’est pas une habitude partout.
Cependant, le cœur du programme se trouve dans la création The Nutcracker Suite de Duke Ellington par des membres de la compagnie, tour à tour chorégraphes et danseurs/danseuses. Le premier morceau, « Overture », chorégraphié par Chyrstyn Fentroy, emprunte beaucoup à l’univers de William Forsythe, qui constituait d’ailleurs le programme précédent de la compagnie. Des mouvements néoclassiques désaxés, jusqu’au décor où un paquet cadeau suspendu au-dessus de la scène n’est pas sans rappeler les cerises au même emplacement dans In the Middle, Somewhat Elevated. La chorégraphie est amenée tout doucement au jazz, avec des mouvements plus libres et des en-dedans. C’est une belle entrée en matière.
Le second morceau, « Toot Toot Tootie Toot » (la danse des mirlitons), est chorégraphié par Gabriel Lorena pour des artistes du Boston Ballet II (la compagnie junior) et les étudiant.e.s diplômé.e.s de l’école de danse du Boston Ballet. Les robes rouges et les talons des danseuses évoquent une scène de cabaret. L’impression laissée reste malheureusement un peu vague, comme si la danse manquait de détermination. Il y avait cependant de bonnes idées et on ne peut qu’apprécier que la compagnie laisse dans son programme une place de choix aux jeunes artistes pour s’essayer et s’exprimer, ce n’est pas si fréquent. C’est ensuite une salle de danse qui s’ouvre dans « Peanut Brittle Brigade » (la marche), signé d’Haley Schwan. Les danseurs et danseuses s’y donnent à cœur joie et Patrick Yocum, pour n’en citer qu’un, se régale tout particulièrement et se laisse aller à quelques mouvements de swing, tout en fluidité et décontraction.
On s’enfonce petit à petit dans la nuit sur les notes de « Sugar Rum Cherry », un joli détournement de la Fée Dragée. L’atmosphère est plus douce, mielleuse et langoureuse, le saxophone résonne et les lumières sont tamisées. Paul Craig est à la chorégraphie et propose une très belle pièce. Il arrive à manipuler différentes intensités au sein du groupe de huit interprètes, les séparant pour créer des balances et les recombinant à loisir. « Entr’acte » est ensuite cette petite pause dans la soirée de divertissement, chorégraphié par My’Kal Stromile. Le retour au spectacle se fait avec « The Volga Vouty » (la danse russe) inventé par par John Lam, où le groupe est parfaitement calé. S’en suit « Chinoiserie » (la danse chinoise), chorégraphié par Arianna Hughlett pour les jeunes danseurs et danseuses. C’est toujours un petit peu délicat de mettre en regard de tout jeunes talents face à des artistes plus aguerris, mais ils s’en sortent très bien sur une musique qui est loin d’être évidente. Les petits accents sur les contretemps sont bien rendus par des légers pliés des danseurs et danseuses.
Jusqu’à lors les chorégraphies étaient pour des groupes, mais la danse arabe, intitulée « Arabesque Cookie », met en scène cinq solos chorégraphiés par Haley Schwan, John Lam, Chyrstyn Fentoy, Paul Craig et My’Kal Stromile, dansés par ces cinq mêmes artistes… mais dans un ordre différent ! Chyrstyn Fentoy impressionne par une danse extrêmement puissante et précise, un vrai plaisir. Le grand finale « Dance of the Floreadores » (la Valse des fleurs) recombine tous les différents éléments et groupes déjà introduits dans la soirée. Il se termine hors de la scène dans une danse en extérieur, devant le théâtre du Boston Ballet. Comme pour rappeler que, malgré les fermetures, ils sont toujours là. Et ce spectacle en ligne l’a bien prouvé.
The Gift par le Boston Ballet.
Grand pas de deux de Casse-Noisette de Mikko Nissinen d’après Lev Ivanov, avec Viktorina Kapitonova et Tigran Mkrtchyan.
Nutcracker Suite sur la musique de Duke Ellington’s. « Overture » de Chyrstyn Fentroy avec Tyson Clark, Viktorina Kapitonova, Sun Woo Lee, Tigran Mrktchyan, Ao Wang et Nations Wilkes-Davis ; « Toot Toot Tootie Toot » de Gabriel Lorena avec Nikolia Mamalakis, Alainah Grace Reidy, Aviva Gelfer-Mündl, Arianna Hughlett, Anna Murray, Kyra Muttilainen, Julia Pasquale, Johanna Sigurdardottir et Mikaela Stewart ; « Peanut Brittle Brigade » de Haley Schwan avec Emily Entingh, Madysen Felber, Emily Hoff, Abigail Merlis, Alec Roberts et Patrick Yocum ; « Sugar Rum Cherry » de Paul Craig avec María Álvarez, Lia Cirio, Daniel Durrett, Ryan Kwasniewski, Molly Novak, Lawrence Rines, Irlan Silva et Paulina Waski ; « Entr’acte » de My’Kal Stromile, avec Dawn Atkins, Ekaterine Chubinidze, Sage Humphries, Lasha Khozashvili, Chisako Oga, Gearóid Solan et Junxiong Zhao ; « The Volga Vouty » de John Lam avec Daniel Cooper, Louise Hautefeuille, Lauren Herfindahl, Graham Johns, Nina Matiashvili, Benji Pearson, Lily Price et Addie Tapp ; « Chinoiserie » d’Arianna Hughlett, avec Nikolia Mamalakis, Alainah Grace Reidy, Aviva Gelfer-Mündl, Pierson Hall, Brooks Landegger, Leighton Taylor, Paul Zusi, Joseph Boswell, Tristan Toy et David West ; « Arabesque Cookie » : partie 1 de Haley Schwan avec My’kal Stromile, partie 2 de John Lam avec Haley Schwan, partie 3 de Chyrstyn Fentroy avec Paul Craig, partie 4 de Paul Craig avec Chyrstyn Fentroy, partie 5 de My’Kal Stromile avec John Lam ; « Dance of The Floreadores » de Chyrstyn Fentroy, Haley Schwan, Paul Craig, My’Kal Stromile, Gabriel Lorena, Arianna Hughlett et John Lam avec toutes la compagnie.
À voir en ligne (40$) du 17 au 27 décembre 2020.