[Documentaire Disney +] On Pointe de Larissa Bills
Nichée au cœur de Manhattan, sur la place dédiée aux arts du Lincoln Center, l’American Ballet School accueille plusieurs centaines d’enfants entre 8 et 18 ans. C’est dans cette institution créée par George Balanchine que la réalisatrice Larissa Bills a posé ses caméras pendant une saison. Une plongée au cœur d’une des plus prestigieuses écoles de danse du monde, légataire de la danse de George Balanchine, avec cette série documentaire en six épisodes de 45 minutes intitulée On Pointe, à découvrir sur la nouvelle plateforme Disney + depuis mi-décembre. Un résultat volontairement grand public et posant un regard admiratif sur cette école, parfois un peu lisse, mais qui sait laisser place à l’émotion avec, en filigrane des six épisodes, quelques portraits d’apprenties danseuses et danseurs passionnés et très attachants. Une série qui a tout pour séduire le public de la danse.
Le Ballet de l’Opéra de Paris a son École de Danse à Nanterre, le New York City Ballet a son American Ballet School, SAB pour les intimes. Une institution aussi mythique que son homologue française, créée en 1934 par George Balanchine avant même la création du New York City Ballet. Et depuis pourvoyeuse des talents de la compagnie (la plupart des artistes du NYCB sont issus de la SAB), aussi lieu d’apprentissage de la méthode, la technique et du répertoire du maître américain. Les documentaires sur cette école sont plutôt rares en France. C’est donc avec un certain intérêt que l’on peut découvrir la saison On Pointe, diffusée sur la plateforme Disney + depuis mi-décembre, série en six épisodes qui suit la vie de l’école pendant l’année scolaire 2019-2020. Une saison interrompue à mi-parcours par la crise sanitaire, l’école se retrouvant fermée dès le mois de mars. La production s’est adaptée et On Pointe se concentre ainsi surtout sur le premier trimestre : la préparation de Casse-Noisette d’un côté pour les jeunes élèves, la projection dans une future vie professionnelle pour les plus grands, entre 15 et 17 ans.
Et c’est à la fois une délicieuse plongée dans les coulisses du monde de la danse – préparation d’un spectacle, vie quotidienne d’une grande école – que le portrait de jeunes artistes passionnés ou un vrai focus sur la technique si spécifique de George Balanchine. Un mélange fait pour séduire à la fois le public néophyte comme plus connaisseur. On passe sur la réalisation hachée (on n’est pas là pour faire de la grande réalisation ni pour perdre le jeune public en cours de route), la doublure-voix souvent gnangnan des jeunes enfants ou le regard volontairement admiratif posé sur cette école. La SAB a ouvert ses portes à Larissa Bills, mais elle est là avant tout pour montrer le quotidien – et peut-être aussi démystifier un peu cette institution – plutôt que de pointer ses paradoxes (qui en a forcément) et y projeter un regard journalistique. Ce mélange peut parfois un peu lasser lors du premier épisode, un peu trop dégoulinant de superlatifs sur l’institution. Néanmoins, On Pointe se laisse voir avec plaisir. D’abord parce que l’on s’attache à ces jeunes espoirs de la danse, les yeux brillants quand ils parlent de leur passion pour le ballet. Ensuite, parce que la caméra nous emmène partout : les studios, les auditions, les coulisses, les cours de danse, les moments de doute en l’internat, les cris de joie et les larmes à l’annonce d’une audition réussie, l’excitation derrière le rideau. Et quel plaisir de se glisser, telle une petite souris, dans le quotidien de la SAB et du NYCB, d’autant plus quand le manque du spectacle vivant se fait sérieusement sentir.
Une large partie des six épisodes est consacrée à Casse-Noisette. Véritable institution, ce ballet de George Balanchine est présenté chaque année par le NYCB au Lincoln Center, pendant six semaines (son annulation en 2020 pour cause de crise sanitaire était une première depuis sa création en 1954). Et les enfants y ont une place prépondérante : ils tiennent les deux rôles principaux, ils sont de la fête (tout le premier acte), la bataille des rats contre les soldats, participent aussi au deuxième acte pour certains tableaux. En tout, plus de 70 enfants sont en scène chaque soir, avec deux distributions alternant et dansant chacune 25 représentations. L’on y suit toute la préparation, des castings à la dernière. Certain.e.s ont tout juste 9 ans, ne se projettent pas dans un avenir professionnel, mais doivent être comme tels sur scène. D’autres ont 12 ans, dansent dans Casse-Noisette depuis plusieurs années (chaque tranche d’âge a son type de rôle), sont dans les coulisses comme chez eux. Et l’on ne peut qu’être impressionné par le parcours de ces jeunes artistes, gauches et hésitants à la première répétition, assurant comme des pros le jour de la première. Cela fait aussi comprendre l’importance de Casse-Noisette au NYCB : c’est un moment où la compagnies et l’école se retrouvent, où élèves et Principals dansent et répètent ensemble. C’est ce ballet qui, en grande partie, crée la cohésion entre ces deux institutions. La Clara de 11 ans de cette année sera peut-être la nouvelle Principal du NYCB dans 15 ans.
Car on ne peut parler de la SAB sans évoquer le NYCB, le rêve de chaque adolescent.e.s de l’école. Jonathan Stafford, le directeur de la troupe, est régulièrement présent à l’image pour y donner des cours, tout comme certaines Principals. Surtout, On Pointe s’attache à montrer que la SAB n’est pas juste une école de danse de haut niveau, mais aussi là où l’on apprend à danser du George Balanchine, dans sa musicalité, son esprit, comme son répertoire. L’œil exercé du Balletomane verra ainsi la différence des cours chez les plus grands avec ce que nous voyons à Paris : la rapidité des enchaînements, la façon si particulière de mêler les pas, l’énergie si différente. Nous connaissons le quotidien d’une école de danse pro, le documentaire nous en montre justement plus : la différence de mentalité, l’état d’esprit particulier de la SAB. L’on est ainsi frappé par la maturité des plus grands élèves de 16-17 ans, déjà responsables comme des adultes. Ici, le recrutement au NYCB ne se fait pas par concours : ce sont Jonathan Stafford et les équipes du NYCB qui les observent pendant des années, puis décident de les recruter tout au long de la saison (l’une a ainsi son contrat d’apprenti en novembre, les autres savent en janvier qu’un contrat les attendra en juin).
On Pointe montre aussi cette école sous son meilleur jour, soucieuse de la diversité. Le casting des élèves parlant à la caméra est ainsi parfait, varié ethniquement et sociologiquement parlant, même si l’on devine en voyant les cours que ce n’est pas forcément le cas de l’ensemble des élèves. L’on note les bonnes pratiques de la SAB dont certaines écoles françaises pourraient s’inspirer. Ce n sont ainsi pas les élèves qui vont à la SAB, mais la SAB qui va à ses futures élèves, en organisant auditions et Démonstrations aux quatre coins de New York, des quartiers cossus de Manhattan aux écoles du Queens ou du Bronx, plus populaires. Le reportage évite toutefois la question douloureuse du coût très élevé d’une scolarité à la SAB, tout comme l’énorme investissement des parents (aussi bien financier que du temps passé à amener leurs enfants en cours). On Pointe ne montre que les familles et les élèves qui le vivent bien, qui y sont heureux, qui réussissent et décrochent un contrat. L’on peut regretter un ton globalement aseptisé. Mais le documentaire sait rendre ces élèves attachants. Et c’est le cœur serré que l’on regarde les dernières images du sixième épisode, avec les cours en ligne et les contrats en suspens par la crise sanitaire.
On Pointe de Larissa Bills – Série documentaire en six épisodes à voir sur la plateforme Disney +.