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[Biennale de la Danse de Lyon 2021] Danser encore – Ballet de l’Opéra de Lyon

La 19e édition de la Biennale de la danse de Lyon a eu lieu du 1er au 16 juin. Réduite dans sa durée et limitée dans sa capacité d’accueil du public en raison de la situation sanitaire (jauge de 35% la première semaine puis 65% à partir du 9 juin), elle s’est déployée dans 22 lieux de représentation et accueilli 679 artistes de 21 pays. Parmi les spectacles proposés, le programme Danser Encore par le Ballet de l’Opéra de Lyon, dans la continuité de la soirée de septembre dernier imaginée par Julie Guibert, la nouvelle directrice de la compagnie, où des artistes sont invités à écrire un solo pour un.e danseur.euse du Ballet. Pour cette suite estival, cinq créations ont été commandées à cinq chorégraphes : Rachid Ouramdane, Noé Soulier, Marcos Morau, Ioannis Mandafounis et Nina Santes. Présentées aux SUBS, lieu d’expérimentation artistique, ces cinq pièces ont offert un kaléidoscope réjouissant de rencontres entre l’esthétique d’un chorégraphe et un.e interprète.

Self Duet de Noé Soulier

Sous la verrière des Subs, une monumentale tornade en papier gris bleuté transforme le lieu. Au milieu de cette halle, sous cette voûte céleste qui prête à la rêverie, trône une scène autour de laquelle sont répartis les spectateurs et spectatrices. S’y succèdent les deux premiers solos portés par deux interprètes en état de grâce. Katrien De Bakker se coule dans la proposition de Noé Soulier avec une fascinante plasticité. Conçu comme un « pas de deux avec soi-même« , Self Duet demande à l’interprète de convoquer un partenaire imaginaire. Et aussi de partir à la recherche de la mémoire de gestes partagés. Magnifiquement maitrisé, ce solo explore les limites du corps sans cesse en dialogue entre recentrage intérieur et extériorisation.

Interrogeant la question de la transmission, Rachid Ouramdane propose un étonnant renversement des rôles. Un jeune garçon (interprète de la Maitrise de l’Opéra de Lyon) entreprend de ramener à la vie un danseur comme égaré. Tel un convalescent qui devrait réapprendre chaque geste, il fait remonter à la surface cette mémoire enfouie. Porté par l’Adagio pour cordes de Samuel Barber, mille fois écouté mais toujours aussi intense, Leoannis Pupo-Guillen déploie une danse fluide, émouvante par ces tâtonnements. Comme en apesanteur, il semble à deux doigts de se laisser happer par les nuages de papier au-dessus de sa tête.

Jours effacés de Rachid Ouramdane

Pour le deuxième programme, retour à la configuration classique et frontale d’un théâtre. Pour le premier solo, la chorégraphe Nina Santes a demandé à Elsa Monguillot de Mirman ce qu’elle n’avait fait sur scène. « Je n’ai jamais fait peur« , lui a répondu la danseuse. Nina Santes a puisé son inspiration dans La Venerina, petite Vénus, une statue anatomique en cire d’abeille, réalisée au XVIIIe siècle par Clemente Susini conservée dans un musée de Bologne. Travestissant son interprète en être mutant, elle en fait une créature puissante qui se métamorphose sous nos yeux en laissant échapper un cri ancestral qui hérisse le poil. La performance est risquée, déroutante et dérangeante. Elle révèle combien certains interprètes ont besoin parfois de repousser leurs limites pour se prouver des choses à eux-mêmes.

Dans une pénombre qui entretient le mystère, Paul Vezin s’acoquine avec une boîte en carton qui le suit comme une ombre. Se construit un étonnant rapport à l’objet, une relation presque maître-esclave qui repousse les limites du danseur. Dans Love, Marcos Morau semble prendre un malin plaisir à jouer avec les contours de la perception, et à nous déstabiliser comme il le fait avec son interprète. Certains rebondissements prêtent à sourire. L’interprétation parfois proche du mime est une porte ouverte pour l’imaginaire du spectateur qui se perd, hélas, un peu en chemin.

Dernier solo du programme, sur le sixième lieder de L’Amour et la vie d’une femme de Schumann, Komm und birg dein Antliz séduit par son apparente simplicité. Transparent face au processus de création qui s’empare de son corps, Yan Leiva occupe l’espace avec une félinité souriante. Il semble chercher, s’interroger, combiner des propositions pour la première fois. Porté par la voix de Jessye Norman saturant de beauté l’atmosphère, il incarne à lui tout seul cette jubilation de danser. Quel magnifique pied-de-nez à ces mois de paralysie due à la crise sanitaire. !

Komm und birg dein Antliz de Ioannis Mandafounis

Danser encore aux SUBS de Lyon, dans le cadre de la Biennale de la danse 2021. Programme A :  Jours effacés de Rachid Ouramdane avec Leoannis Pupo-Guillen, Self Duet de Noé Soulier avec Katrien De Bakker. Programme B : Komm und birg dein Antliz de Ioannis Mandafounis avec Yan Leiva. Love de Marcos Morau & La Veronal avec Paul Vezin. La Venerina de Nina Santes avec Elsa Montguillot de Mirman. Samedi 5 juin 2021. 

 



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