[Série L’Opéra] Ariane Labed : « Mon challenge ? Arriver à danser le plus possible »
Ariane Labed crève l’écran dans la série L’Opéra, disponible depuis début septembre sur OCS. Elle y joue le personnage de Zoé, Danseuse Étoile sur le déclin, menacée de licenciement et qui veut à tout prix revenir en scène. L’actrice s’est donné corps et âme à ce rôle, replongeant dans ses jeunes années de danse classique et rechaussant les pointes. Une performance saluée par le prix de la meilleure actrice au festival Series Mania. Pour DALP, Ariane Labed nous raconte sa préparation pour entrer dans la peau d’une Danseuse Étoile et son rapport avec la danse.
Dans la série L’Opéra, vous interprétez Zoé, une Danseuse Étoile. Quel était, avant cette série, votre rapport à la danse ?
J’ai fait de la danse classique enfant et adolescente, comme beaucoup de filles. Et j’ai toujours gardé un rapport fort à la physicalité dans mon métier d’actrice. J’adore la qualité de travail des danseurs et danseuses, la présence est immédiate chez eux, c’est concret, ça engage tout le corps. J’essaye de garder cet état d’esprit, même pour une scène de dialogue où je suis assise à table. Nous ne sommes pas des têtes qui parlent et j’essaye de toujours garder mon corps engagé.
Comment vous êtes-vous préparée physiquement au rôle ?
J’ai fait une vraie remise à niveau. Cela faisait 20 ans que je n’avais pas remis les pointes ! J’ai démarré en reprenant des cours de danse chez moi, à Londres, pour me rappeler les bases. Je me rappelle de ma première barre, mon premier plié, je ne me sentais tellement pas à la hauteur ! Cela me semblait insurmontable. Le corps de la danse classique est tellement singulier, avec cette ouverture, ce travail des muscles si particulier.
Un kiné a suivi l’équipe du tournage et m’a indiqué beaucoup d’exercices pour muscler ma cheville, mes doigts de pieds et pour remonter sur pointes. Astride Boitel, la directrice artistique de toute la partie Danse de la série, m’a donné les bonnes clés et les bonnes pratiques. J’ai fait de la gyrotonic, de la barre au sol, des barres tous les jours, du pilates… Tout ce qu’on a pu ! Nous avons travaillé pendant deux mois de façon intensive, huit heures par jour et six jours par semaine, avant le tournage. Puis il y a eu le confinement. Cela a peut-être été une chance pour moi : on a continué à travailler par Zoom, à faire ensemble des barres et des barres au sol. Je voulais que l’on puisse me voir en plan entier sur pointes. On s’est donné toutes les chances pour que ce soit le plus crédible possible et que je puisse danser le plus de choses possible.
On s’est donné toutes les chances pour que ce soit le plus crédible possible et que je puisse danser le plus de choses possible.
Jouer une danseuse classique, c’est travailler la technique, mais aussi la posture, pour que l’on puisse y croire même pendant les scènes de jeu. Sur quoi avez-vous le plus porté d’attention : la technique ou cette posture si spécifique de la ballerine ?.
On n’a pas forcément décidé de privilégier l’un par rapport à l’autre, les deux se portent. Je savais que beaucoup de plans seraient sur le haut du corps, j’ai donc essayé de travailler au maximum le port de tête, de bras, qu’ils soient justes. Il y a après une certaine technique à avoir, notamment sur les scènes du pas de deux du Lac des cygnes. On ne peut bien sûr pas acquérir la technique d’une Danseuse Étoile en deux mois d’entraînement. Je ne pourrais jamais faire 32 fouettés sur pointes, et pour les parties très techniques, une doublure était présente. Mais c’était mon challenge : arriver à danser le plus possible et à utiliser la doublure le moins possible.
Il y a notamment une scène de danse, une improvisation pour une création contemporaine. Vous avez dansé sans doublure pour ce passage, comment l’avez-vous abordé ?
Si à l’écran cela est joué comme une improvisation, la variation était entièrement écrite par Julien Ramade, qui s’est chargé de toutes les chorégraphies contemporaines. C’était pour moi la partie la plus jouissive : un moment de danse pleinement inscrit dans ma corporalité, avec des choses qui m’allaient bien. C’était très agréable de faire ce petit solo.
Comment s’est passé le tournage des scènes de danse ?
Tout se qui se passe en scène a été filmé pendant le premier mois de tournage, d’un bloc. Même si nous tournions dans un théâtre, ce n’était pas vraiment le même vertige que la scène : cela se passait sans public, avec la caméra, etc. Mais cela restait puissant et agréable, notamment sur le passage des Liaisons dangereuses, monté par Marc-Emmanuel Zanoli qui s’est occupé de toutes les chorégraphies classiques. Nous étions nombreux en scène, on sentait les énergies, on se portait les uns les autres. Nous avons démarré le tournage avec toutes ces scènes dansées sur scène, et c’était bien : il y avait cette montagne devant nous, et une fois passée, l’on pouvait pleinement se concentrer sur les scènes de jeu. Même si par la suite, il restait encore quelques scènes de cours et de répétitions, compliquées elles aussi parce qu’elles mêlent le jeu et la danse, c’est un autre exercice.
Comment décrire votre personnage de Zoé ?
Zoé doit refaire ses preuves et remonter sur le ring : c’est un peu une Rocky Balboa ! Elle a une grande exigence envers elle-même et c’est ce qui lui fait perdre pied. Et puis sa chute dans sa carrière s’est aussi accompagnée d’un drame amoureux, son corps et sa vie sont liés. Elle m’a énormément touchée. Zoé n’est pas un personnage manichéen. Elle est en difficulté, elle a une part d’auto-destruction, mais elle a aussi quelque chose qui s’accroche très fort à la vie. Elle a du mal à exprimer ses sentiments mais peut faire beaucoup de choses : si elle aide au départ le personnage de Suzie pour des raisons d’intérêt, elle est prête aussi à beaucoup sacrifier pour elle. Zoé peut nous toucher à beaucoup d’endroits.
Comment évolue-t-elle dans la deuxième saison, actuellement en tournage ?
La danse est toujours au centre de la vie. Peut-être qu’il y aura enfin une forme de maturité chez elle. Mais elle va devoir de nouveau se confronter à des retours de fantômes. Elle reste toujours en construction et en évolution, c’est ça qui est intéressant.
Certains acteurs de la série ont rencontré des artistes de la danse pour s’en inspirer, cela a été votre cas ?
Non, je n’avais pas vraiment ce désir. Je ne voulais pas prendre un modèle. J’étais très impressionnée à l’idée d’incarner une Danseuse Étoile et je voulais plutôt ramener le scénario à mois et à ce que je pouvais faire plutôt que de me projeter sur quelqu’un. Mes meilleurs outils sont restés l’entraînement et ma préparation physique.
Ce rôle vous a donné envie de vous remettre à la danse ?
Oui ! J’ai toujours eu besoin d’entretenir mon corps, j’ai souvent eu des rôles physiques et j’ai besoin de me dépenser. Mais j’ai très envie de reprendre la danse, je ne sais pas encore sous quelle forme. Ce ne sera pas forcément la danse classique, mes chevilles ne me le permettent plus, mais pourquoi pas la danse contemporaine. Certaines chantent sous la douche, moi j’aime beaucoup danser seule dans mon salon ! (rire). J’aimerais le faire de façon plus régulière et plus encadrée. En tant que spectatrice, j’ai toujours beaucoup aimé voir de la danse sur scène, peut-être même plus que le théâtre. J’habite à Londres, pas trop loin du Sadler’s Wells ! J’adore l’univers de Dimitris Papaioannou, dont je vois toutes les pièces, le travail de Peeping Tom ou d’Angelin Preljocaj.
L’Opéra – Série écrite par par Cécile Ducrocq (Showrunner) et Benjamin Adam, réalisée par Stéphane Demoustier, Laïla Marrakchi, Inti Calfat et Dirk Verheye. Saison 1, huit épisodes. Diffusion dès le 7 septembre sur OCS Max et en intégralité à la demande sur OCS.