Stephen Sondheim – Retour en vidéo sur cinq de ses grandes comédies musicales
Stephen Sondheim, l’immense compositeur et paroliers de comédies musicales, est décédé le 26 novembre dernier à l’âge de 91 ans. Il était la dernière grande légende de Broadway, laissant derrière lui une oeuvre prolifique. Le public français a pu découvrir une partie dans les années 2000 et 2010 au Théâtre du Châtelet sous la direction de Jean-Luc Choplin, qui a programmé certains hits du compositeurs, dans de superbes mises en scène. Retour en vidéo et quelques moments de danse et mises en scène sur cinq des grandes comédies musicales de Stephen Sondheim, avec les commentaires et explications de Anna Marmiesse, co-animatrice du podcast All That Jazz consacré à la comédie musicale.
West Side Story (1957) – Musique de Leonard Bernstein, paroles de Stephen Sondheim
De West Side Story, l’on note souvent que la musique de Leonard Bernstein et la chorégraphie de Jerome Robbins. Ce serait oublier le travail de Stephen Sondheim, qui a écrit les paroles de cette comédie musical, qui a été son premier succès. « Stephen Sondheim souhaitait écrire paroles et musique de ses projets. Aussi, quand la proposition de travailler sur West Side Story en tant que parolier seulement est arrivée, il a hésité. Mais son mentor Oscar Hammerstein (parolier de grandes comédies musicales comme ‘Oklahoma !’, ‘Carousel’ ou ‘La mélodie du bonheur’) lui a conseillé d’accepter. Il s’agissait quand même de travailler avec des grands : Leonard Bernstein à la musique, Arthur Laurents à l’écriture du livret et Jerome Robbins aux chorégraphies. La pièce a été un succès à Broadway en 1957 (Sondheim avait 27 ans), puis le film de 1961 encore plus. Aujourd’hui encore, ‘West Side Story’ reste une œuvre majeure, comme en témoigne la nouvelle adaptation cinématographique réalisée par Steven Spielberg, dans les salles de cinéma le 8 décembre« .
Company (1970) – Paroles et musiques de Stephen Sondheim
Company fait décoller la carrière de Stephen Sondheim. L’oeuvre est remontée à Broadway cette année et le compositeur, attentif jusqu’au dernier jours à son travail, avait assisté à des répétitions du spectacle quelques semaines avant sa mort. « En 1970, Stephen Sondheim commence à avoir un peu d’expérience et il peut se permettre de tenter des choses. Avec Company, il propose un concept musical (comédie musicale écrite autour d’un thème général plutôt que d’une intrigue suivie) centré sur le personnage de Bobby, un homme célibataire de 35 ans. Dans une succession de saynètes, Stephen Sondheim et le librettiste George Furth explorent la vie intime de trentenaires new-yorkais et se demandent si l’amour et le mariage valent le coup. Les chansons oscillent entre chroniques cyniques et hilarantes (‘The Ladies who lunch’), portraits à la fois drôles et désespérés (la chanson au débit ultra rapide ‘Getting married today’, sur une femme qui panique le jour de son mariage) et moments d’émotion pure (le final avec la chanson ‘Being alive’). Le revival récent de la pièce fait du protagoniste une femme, montrant la modernité du propos« .
A Little Night Music (1973) – Paroles et musiques de Stephen Sondheim
Après plusieurs réussites sur les scènes de Broadway, Stephen Sondheim peut désormais explorer d’autres thèmes. « En 1973, Stephen Sondheim a sorti deux succès, ‘Company’ et ‘Follies’, et il peut presque tout se permettre. Il choisit avec le librettiste Hugh Wheeler d’adapter un film d’Ingmar Bergman, ‘Sourires d’une nuit d’été’ (1955), qui se déroule en Suède au début du XXème siècle. La composition musicale est complexe, sur le plan rythmique et harmonique : on pense au numéro ‘Now / Later / Soon’ qui entremêle les thèmes de trois personnages. Comme toujours chez Stephen Sondheim, cette complexité n’est pas gratuite mais au service de portraits nuancés et émouvants. ‘A little night music’ contient aussi ce qui est sans doute sa chanson la plus célèbre, ‘Send in the clowns’, lamentation d’une actrice en fin de carrière, qui a été reprise de nombreuses fois, notamment par Barbra Streisand et Frank Sinatara ».
Sweeney Todd (1979 – Paroles et musiques de Stephen Sondheim
La jeune génération connaît sûrement le film Sweeney Todd de Tim Burton de Johnny Depp et Helena Bonham Carter. Il s’agit d’une adaptation d’un tube de Stephen Sondheim. « Stephen Sondheim décrit ‘Sweeney Todd’ comme un « opérette sombre ». Au sein d’une ambiance macabre, la tonalité de l’oeuvre est très versatile : par exemple, on passe en un instant d’une morceau terrifiant comme ‘Epiphany’ au duo hilarant ‘A little priest’. Stephen Sondheim a aussi parlé de ‘Sweeney Todd’ comme d’un film pour la scène : la musique est conçue comme une musique de cinéma, elle intervient derrière les dialogues, pas seulement pendant les numéros musicaux. L’œuvre est d’autant plus connue que Tim Burton en a fait une adaptation au cinéma en 2007, son style s’accordant particulièrement bien à celui de la pièce« .
Into the Woods (1987) – Paroles et musiques de Stephen Sondheim
« ‘Into the woods’ est la deuxième collaboration de Sondheim avec le librettiste et metteur en scène James Lapine, après ‘Sunday in the park with George’. L’ouverture du spectacle est particulièrement remarquable : tous les personnages sont présentés successivement, chacun avec un désir (« I wish »), puis leurs voix se mêlent progressivement alors qu’ils décident tous d’entrer dans les bois vers l’inconnu. Encore une fois, Stephen Sondheim innove dans sa manière de faire correspondre musique et paroles. Il y a même un passage de rap interprété par la sorcière. ‘Into the woods’ s’achève sur deux chansons en forme de berceuses émouvantes : ‘No one is alone’ et ‘Children will listen’, qui donnent les deux morales de la pièce, sur la place de la communauté et le pouvoir des récits« . La comédie musicale a eu droit à plusieurs adaptations, dont une au cinéma en 2014 avec un casting de luxe (Meryl Streep, Emily Blunt, Johnny Depp ou Christine Baranski).
Merci à Anna Marmiesse, co-animatrice du podcast All That Jazz, premier podcast en français consacré à la comédie musicale, sur scène et à l’écran, qu’elle a créé en 2017 avec Fanny Beuré.