Sommet de l’amitié – John Neumeier et le Bundesjugendballett
Organisé à l’occasion du troisième anniversaire du traité d’Aix-la-Chapelle, le Sommet de l’amitié réunit trois institutions musicales et chorégraphiques franco-allemandes composées de jeunes talents prometteurs : le Bundesjugenorchester, l’Orchestre Français des jeunes et le Bundesjugendballett. Le programme mêle musique et danse autour des compositeurs Maurice Ravel et Richard Strauss. Leur petite tournée, allant de Ludwigshahen à Hambourg, les a amené à la Seine Musicale. Le hasard du calendrier a fat que leur date coïncidait avec le 35ème anniversaire du programme Erasmus. Un joli symbole pour cette soirée placée sous le signe de l’amitié et de la jeunesse européenne. La danse était donc assurée par le Bundesjugendballett, petite compagnie fondée par John Neumeier, réunissant huit jeunes danseurs et danseuses de diverses nationalités. Ils ont proposé une pièce du maître et leur propre création : deux moments propices à montrer leur technique comme leur personnalité artistiques.
La principale attraction du Sommet de l’amitié, en tout cas pour les passionné-e-s de danse, était la présentation de la dernière pièce de John Neumeier pour son jeune ensemble, le Bundesjugendballett. Une création du maître hambourgeois est toujours un petit événement tant sa carrière et ses œuvres suscitent l’admiration. Pour l’occasion, il s’attaque à la suite orchestrale Le Bourgeois Gentilhomme de Richard Strauss. Une belle opportunité pour les jeunes artistes de la troupe de pouvoir faire démonstration de leurs talents dans cette pièce créée sur mesure par un grand nom de la danse. Malheureusement, pour des raisons de santé, deux des huit interprètes ont dû déclarer forfait pour la soirée. Les six jeunes danseurs et danseuses restant ont dû adapter la chorégraphie dans la journée pour un effectif réduit. On ne peut que saluer leur professionnalisme !
Car malgré ces aléas, il en résulte un ballet très agréable à regarder. Rien qui révolutionne l’histoire de la danse, mais tous les ingrédients sont là pour passer un bon moment. La patte de John Neumeier est ici très reconnaissable : la chorégraphie y est très fluide et musicale, dans un pure langage néo-classique. Dommage cependant que, si tout est très beau, rien ne retient réellement l’attention. Le final est même un peu décevant, compte tenu du climax musical qui monte crescendo sans que la chorégraphie ne décolle. Mais cette pièce a l’esprit de la jeunesse. Par sa candeur et la joie de vivre qu’elle dégage, elle fait beaucoup penser à Spring and Fall, qui est d’ailleurs souvent dansée par les écoles des grandes compagnies de ballet. Un cadre idéal, donc, pour une compagnie Junior. Les interprètes y trouvent d’ailleurs, et malgré les longueurs, une belle partition pour montrer leur technique. Malgré quelques petites hésitations sur les pas de deux, compréhensibles vu le contexte, ces jeunes artistes s’épanouissent dans cette chorégraphie loin d’être évidente, enchaînant avec enthousiasme les multiples solos, duos, quatuors et autres danse d’ensemble. Chacun.e trouve sa place dans cette pièce qui permet à tou.te.s de briller. João Vitor Santana se distingue particulièrement par sa présence solaire.
Les six danseuses et danseurs reviennent lors de la deuxième partie, cette fois-ci pour présenter leur propre chorégraphie sur le Trio pour orchestre de Maurice Ravel. La pièce a un peu les défauts des chorégraphes débutants : l’influence de John Neumeier est très présente, ainsi que celle de Jiří Kylián ou encore de Benjamin Millepied, à défaut d’une véritable originalité. Mais le résultat n’en reste pas moins plaisant. La structure musicale, en quatre mouvements aux tonalités différentes, aide à apporter du relief et des nuances à la chorégraphie. Certes on n’évite pas les écueils des ballets néo-classiques actuels et ça court beaucoup en traversant la scène. Mais le tout est très efficace et il est facile de se laisser embarquer, notamment par le travail artistiques des interprètes. Ils y paraissent en effet plus matures et les personnalités se dessinent plus clairement que dans la première pièce. Justine Cramer, qui se démarquait déjà dans la première partie, fait preuve d’une belle autorité naturelle sur scène et il est difficile de détacher son regard d’elle pendant les mouvements d’ensemble. Pepjin Gelderman et Thomas Krähenbühl s’illustrent également dans un très beau pas de deux lors du troisième mouvement.
Le reste du programme est complété de deux autres morceaux de Ravel et de Strauss. La Valse pour le premier (qui n’est pas sans rappeler le ballet éponyme de George Balanchine sur ce morceau) et Les Joyeuses Facéties de Till l’Espiègle pour le second, brillamment interprété par le Bundesjugenorchester et l’Orchestre Français des jeunes, sous la baguette d’Alexander Shelley. La soirée s’est conclue avec l’ouverture de Candide (Leonard Bernstein) en guise de rappel. De quoi quitter la Seine Musicale de très bonne humeur.
Le Sommet de l’amitié avec le Bundesjugendballett, le Bundesjugendorchester et l’Orchestre Français des Jeunes à la Seine Musicale. Le Bourgeois Gentilhomme de John Neumeier ; Trio pour orchestre par les artistes du Bundesjugenballett. Jeudi 20 janvier 2022.