[Prix de Lausanne 2022] Rencontre avec la candidate Félicie Cunat
Dernière interview des candidats et candidates françaises au Prix de Lausanne avec Félicie Cunat (313). Après Dorian Plasse, Julien Fargeon, Manon Baranger et Alice Hidalgo, cette étudiante du CNSMDP âgée de 17 ans nous raconte son parcours, son sentiment après ces quelques jours à Lausanne et ses envies de jeune danseuse.
Le Prix de Lausanne a démarré depuis quelques jours (ndlr : l’interview a été réalisée le mercredi 2 février au soir). Quel est votre sentiment à ce stade de la compétition ?
Au début, je n’arrivais pas à me mettre en avant. Mais j’ai gagné en confiance, je prends beaucoup de plaisir pendant les cours. Maintenant, j’ai hâte de faire mes variations sur scène, devant une salle pleine. Ce n’est pas si souvent que l’on peut partager notre danse avec le public. En me présentant au Prix de Lausanne, je voulais me confronter à d’autres danseuses, cela me fait du bien. J’ai un tempérament plus réservé, c’est comme ça que je me pousse et que je progresse psychologiquement. Je n’aurais pas été capable de faire ça il y a quelques années. Et c’est très inspirant, je prends plein de choses des autres filles. Je sens déjà que ça a un peu changé ma danse. Progresser, c’est mon premier objectif. C’est le sentiment aussi de faire partie du monde de la danse. Et bien sûr, le but est d’être vue par des écoles ou des compagnies. Depuis le début de la semaine, j’ai pris beaucoup de plaisir, je sens que j’ai progressé : donc dans tous les cas, cette expérience est complète, même s’il n’y a pas de finale. Mais j’espère me faire remarquer par une compagnie ou une école.
Où aimeriez-vous aller ?
Je me sens prête pour une compagnie ou une Junior Ballet. Une année dans une école ne me dérangerait pas si c’est à l’étranger : ce serait un nouveau monde à découvrir. J’aime beaucoup l’ABT Studio Company, même si c’est plus compliqué de travailler aux États-Unis. Je trouve tous les artistes qui y sont incroyables, ce serait très inspirant et gratifiant d’être à leurs côtés. Et même si c’est une compagnie de jeunes, ils sont beaucoup sur scène, j’aime leur répertoire. Je pense aussi au Junior Ballet de Dortmund, qui a un répertoire très varié. Je sais que l’une de mes qualités est d’être polyvalente, je suis intéressée par ce genre de compagnie. J’aime beaucoup, si on parle des grandes compagnies, le Royal Ballet, l’English National Ballet ou le Ballet de l’Opéra de Paris.
Pourquoi se présenter au Prix de Lausanne ?
Depuis que je suis au CNSMDP, j’entends parler du Prix de Lausanne. C’est un concours prestigieux, j’ai suivi les éditions précédentes. Cela m’a donné envie de travailler pendant une semaine avec plein de professeurs, de pouvoir travailler à fond des variations, de pouvoir les montrer en scène. C’était maintenant ou jamais.
Quelles sont vos qualités pour vous démarquer ?
Ma polyvalence. Mon sens artistique aussi, ma dynamique, ma tonicité. Danser est ce qui me permet de montrer qui je suis vraiment. Et plus on travaille, plus on peut faire de choses, c’est inépuisable. On peut toujours s’inspirer et ça continue de me maintenir en éveil.
Comment avez-vous choisi vos différentes variations ?
En classique, j’ai choisi Diane et Actéon, avec l’accord d’Isabelle Ciaravola. J’ai hésité entre plusieurs variations mais je pense que je peux plus me démarquer avec celle-là. Il y a un enjeu technique, mais aussi une véritable histoire à raconter, un personnage à jouer. Il y a une dynamique que j’aime bien. En contemporain, j’ai choisi Echo de Kinsun Chan. L’enjeu de cette variation, ce sont les comptes : la musique juste une percussion qui accélère et décélère, il n’y a pas de mélodie, il faut étudier cette structure pour la comprendre. Cela se termine sur une note, il faut espérer l’avoir ! Cette variation est dans une narration sans être trop explicite. Quelque chose va avec le mouvement, elle est très dansée, voyage beaucoup, j’aime son énergie. C’est du contemporain que j’aime bien.
Comment les avez-vous travaillées ?
Au CNSMDP, nous sommes trois candidates de DNSP 3 à passer le Prix de Lausanne. Nous avons eu le soutien de la Fondation Lazard Frères Gestion – Institut de France. Cela a permis d’avoir des heures de répétition en plus, ils nous ont payé le voyage et les costumes, réalisés par la costumière du CNSMDP. Mon costume de Diane et Actéon est en tulle rouge avec un peu de doré, et bien sûr un arc ! En plus de nos cours et des projets du CNSMDP, on avait des répétitions avec Isabelle Ciaravola pour le classique et Raphaëlle Delaunay pour le contemporain. Isabelle Ciaravola a fait une variation à partir de plusieurs versions, il y a eu ce travail de regarder beaucoup de vidéos. Elle m’a aussi montré des photos de guerrières et de déesses, pour que je m’imprègne de ce personnage. A suivi le travail d’apprentissage et de la technique, puis tout celui des intentions, de l’artistique, de la narration et la logique de chaque mouvement.
Pour la variation contemporaine, je l’ai d’abord apprise seule, avec la vidéo, ce qui a été l’étape la plus longue. Après, on a peaufiné les détails, les énergies. Parfois, je dansais tout en parlant pour exprimer mes intentions, ça m’a beaucoup aidé. En séance de coaching au Prix de Lausanne, Aurélie Gaillard m’a donné comme conseil d’avoir toujours une cohérence narrative dans mes mouvements. On a aussi revu la musicalité et l’intention. On est censé être comme dans une cathédrale, comme si on manipulait le son.
Quel est votre parcours dans la danse ?
J’ai commencé à Toulouse, dans une toute petite association. Puis mes parents ont déménagé à Nantes et je suis rentré au CRR de cette ville. C’est là que j’ai rencontré Nathalie Quernet, ma professeure qui m’a soutenu et la première qui a cru en moi. J’ai passé le Prix Nijinsky en 2017, ma première expérience qui m’a fait sortir de ma bulle et découvrir qu’il y avait plein d’autres danseuses de très bon niveau. J’ai vu que j’avais encore beaucoup de travail devant moi, mais ça m’a donné envie de progresser pour être à leur niveau. Un an plus tard, j’ai passé le concours pour le CNSMP. Pour l’anecdote, j’étais malade depuis une semaine en passant l’audition, je n’avais pas pu m’entraîner. Pourtant, ça s’est très bien passé, peut-être parce que je ne m’étais pas du tout mis de pression, je n’y croyais pas trop.
Comment se sont passées vos années au CNSMDP ?
J’ai été prise en DNSP 1 directement. J’ai démarré dans la classe de Nolwenn Daniel. Ça a été encore la découverte de voir qu’il y avait plein de danseuses en France qui étaient très douées. Au début, je ne me suis pas du tout sentie à ma place, j’avais du mal à me situer, je n’avais pas confiance en moi en venant de mon « petit » conservatoire. J’ai beaucoup progressé, mais je ne voyais pas trop mes progrès au début. Au conseil de classe, les commentaires positifs m’ont fait ouvrir les yeux, c’était mieux que ce que je pensais. J’ai beaucoup travaillé le travail des pointes pour rentrer dans quelque chose de pré-professionnel, j’ai aussi découvert tout le travail de la préparation physique et de la récupération que je ne faisais pas du tout avant. Nolwenn Daniel allait dans un travail plus détaillé et personnel, elle m’a fait prendre confiance en moi. À la fin de l’année, je sentais que je ne dansais plus du tout de la même façon qu’en arrivant. Il y a aussi eu la période de confinement, où je me suis prouvé à moi-même ma détermination. Cela m’a conforté dans mon choix.
En DNSP 2, j’ai travaillé avec Anne Salmon. Avec elle, j’ai évolué mentalement. Elle me faisait confiance sur la technique et elle m’a poussé dans mes retranchements psychologiques, ce qui m’a aidée à être plus forte. Elle a vu ma sensibilité et comment je pouvais la contrôler pour m’en servir. Enfin en DNSP 3, actuellement, je suis dans la classe d’Isabelle Ciaravola. Et c’est ma plus belle année. On n’a plus le statut d’élève, on est considéré un peu comme des professionnels. Son travail mélange la technique avec l’artistique, elle nous fait découvrir notre propre danse.
Qu’aimeriez-vous danser comme répertoire une fois professionnelle ?
Un peu de tout, honnêtement ! L’école française et Rudolf Noureev, George Balanchine, William Forsythe, Crystal Pite, Auguste Bournonville… j’aime plein de choses ! J’aimerais danser un peu de tout.
Et quelles sont les Étoiles qui vous inspirent ?
Je pense à ma professeure Isabelle Ciaravola, qui est tellement inspirante, sur scène ou en cours par son sens artistique. Je dirai aussi Viviana Durante (ndlr : qui est dans le jury), l’on voit sa personnalité artistique rien qu’à son visage, ses ports de bras… Je trouve sa danse magnifique.
Quel est votre état d’esprit au Prix de Lausanne en quelques mots ?
Enthousiaste, déterminée, et toujours en apprentissage.