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Gradiva, celle qui marche – Stéphanie Fuster

Début octobre, Stéphanie Fuster présentait au Théâtre Monfort sa dernière création Gradiva, celle qui marche. Une pièce dans laquelle elle se met à nu, mais dépouille aussi son art, le flamenco, de tous les clichés. Un solo introspectif qui trouve sa place dans le travail initié par la danseuse et chorégraphe depuis sa collaboration avec Aurélien Bory en 2008 pour Questcequetudeviens ?. Avec la complicité cette fois-ci de la metteuse en scène et chorégraphe Fanny de Chaillé, elle livre une pièce très personnelle qui surprend, émeut et donne à réfléchir sur la figure de la danseuse, notamment de la danseuse de flamenco.

Gradiva, celle qui marche – Stéphanie Fuster

Celle qui donne le nom au spectacle Gradiva, celle qui marche est la figure féminine à partir de laquelle tout a commencé. Gradiva, ce personnage qui surgit de l’Antiquité, un bas-relief représentant une femme en train de marcher pour ne plus quitter les pensées de Stéphanie Fuster jusqu’à l’obsession. Il faut dire que depuis qu’elle pratique son art, le flamenco, la danseuse ne cesse de s’interroger, de radiographier cette danse si codifiée dans laquelle elle a d’abord mis ses pas avec application pour mieux prendre ses distances. Dans cette pièce, elle pousse très loin l’introspection et la quête de sens sur le féminin, ses représentations, les projections fantasmées qu’inspire la danseuse flamenca, cette tension entre Eros et Thanatos qui irrigue chaque braceo.

Au début de la pièce, elle s’avance sur le devant de la scène et prend la parole. Pas de robe à volants aux couleurs vives, mais un pantalon et  une chemise près du corps, ainsi que des chaussures dont la blancheur tranche avec le noir de l’ensemble. La danseuse se fait d’abord conteuse. Elle évoque la genèse de son spectacle, cette figure de Gradiva qui la poursuit depuis longtemps. Et lâche ce mantra de la pièce qui devrait saisir et résonner au cœur de chaque danseuse ou danseur : « Je ne savais pas marcher alors j’ai appris à danser« .

Gradiva, celle qui marche – Stéphanie Fuster

Après cet incipit parlé, le spectacle se poursuit avec celle redevenue danseuse debout en fond de scène dans une lumière qui la transforme en silhouette. Elle évolue latéralement. Sa gestuelle géométrique évoque les postures des frises égyptiennes. C’est très beau graphiquement et chargé symboliquement. En quelques mouvements, elle parvient à faire surgir un puissant kaléidoscope d’images.

Puis la voilà en pleine lumière. Stéphanie Fuster rejoint le carré de parquet installé au centre. Et elle endosse l’habit de danseuse-conférencière, s’emparant du micro et alternant claquement de talons et prises de parole. Elle dissèque le flamenco en espagnol puis en français. Et dresse un intéressant glossaire où chaque partie du corps est questionnée.  Au-delà de la qualité du mouvement sobre et précise, mais d’une virtuosité rythmique impeccable, ce qui séduit dans sa quête c’est le dépouillement vers lequel la danseuse tend. Elle démaquille son flamenco des fards trop outranciers pour proposer une palette originale.

Si elle s’attache à déconstruire cet art complexe en choisissant d’en malaxer la langue, les mots mais aussi les gestes, le mouvement et les rythmes, Stéphanie Fuster livre une partition dans laquelle la passion demeure intacte. Et lorsqu’elle termine pieds nus, délestée du puissant symbole de la féminité flamenca, l’émancipation de Gradiva, celle qui marche, n’en apparaît que plus belle.

Gradiva, celle qui marche – Stéphanie Fuster

Gradiva, celle qui marche de Stéphanie Fuster. Mise en scène : Fanny de Chaillé. Mardi 4 octobre 2022 au Théâtre Monfort à Paris. À voir le 1er décembre à Fleurance (32), les 17 et 18 janvier 2023 à la Scène nationale de Saint Quentin en Yvelines (78).

 



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