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Bilan 2022 de la Danse – Le Top 5 de la rédaction

2022 est terminé : place au traditionnel bilan de cette année danse ! Chaque membre de la rédaction propose ainsi son Top 5 des spectacles les plus marquants de cette année écoulée. Des surprises, des créations, des grandes oeuvres du répertoire… Une sélection marquant aussi toute la diversité des propositions artistiques de 2022. Et vous, que retenez-vous de cette année danse ?

 

Le Top 5  d’Amélie Bertrand

1 – La Bayadère de Rudolf Noureev d’après Marius Petita – Dorothée Gilbert, François Alu, Bianca Scudamore et le Ballet de l’Opéra de Paris

2 – West Side Story de Barrie Kosky et Otto Pichler – Ballet du Rhin

3 – Daphnis et Chloé de Thierry Malandain – Natalia de Froberville, Ramiro Gómez Samón et le Ballet du Capitole

4 – Giselle d’Akram Khan – Tamara Rojo et l’English National Ballet

5 – Out of the blue de Frederi Vernier et Sébastien Davis VanGelder + La Boîte de Pandore de la Compagnie Attention fragile

La Bayadère de Rudolf Noureev – François Alu et Dorothée Gilbert

2022, une année un peu étrange ! Elle a démarré entre deux eaux, avec un Covid traînant avec ses menaces d’annulation et sa surcharge de spectacles qui trépignaient depuis plus d’un an de voir la scène. La rentrée de septembre, ceci dit, a retrouvé un rythme un peu plus serein. Pour ma part, avec deux petits bouts à la maison, je n’ai pas multiplié les propositions. Et les créations m’ont souvent un peu déçue, donnant régulièrement le sentiment d’avoir été trop ressassées. La faute aux 18 mois de confinement et aux multiples reports, qui se sont fait sentir en ce début d’année 2022.

La raison peut-être de trouver beaucoup de valeurs sûres dans ce Top 5. Un Top 5 qui n’est pas indiqué dans l’ordre de préférence, mais de façon chronologique. Commençons d’abord en avril avec La Bayadère de Rudolf Noureev d’après Marius Petita à l’Opéra de Paris, avec Dorothée Gilbert, François Alu et Bianca Scudamore. La production avait montré des faiblesses en ce début de série. Mais avec ce trio de feu, tout fut oublié. Une reine de la danse au sommet de son art et de sa carrière, un danseur explosif avec une nouvelle maturité, une jeune star qui n’attend que sa nomination : les trois protagonistes étaient à des stades différents de leur carrière, mais ont su associer toutes leurs qualités pour proposer un magnifique spectacle, avec tous les seconds rôles comme le corps de ballet au diapason. Et dans la salle, une ambiance à chavirer les cœurs d’un public montrant sa soif de représentations exceptionnelles. Depuis combien de temps Bastille n’avait pas vibré comme ça ? Je me serais par contre bien passé du drama qui a entouré ces représentations et sa conclusion bien amère, laissant un goût de gâchis pour tout le monde.

Puis à la fin du printemps, West Side Story au Ballet du Rhin dans la superbe production de Barrie Kosky et Otto Pichler. Si l’on peut regretter que la compagnie, en soi, n’y était pas suffisamment en valeur, le spectacle en soi était d’une force incroyable, en “dé-newyorkisant” la trame pour en tirer tout ce qu’elle a d’universel. Un peu plus tard, Daphnis et Chloé de Thierry Malandain pour le Ballet du Capitole fut la grande création classique de cette année. Une pièce profondément humaine et musicale, d’une grande puissance intérieure, et sachant se servir de la technique pour construire des personnages sortant des lignes. Non, la technique de la danse classique n’est pas intrinsèquement genrée : elle est ce que l’on en fait et ce que l’on a envie de mettre en scène. Giselle d’Akram Khan par l’English National Ballet – enfin vue ! – fut l’uppercut de cet automne. Une relecture magistrale, profondément respectueuse du ballet originel mais sachant l’amener ailleurs. Et Tamara Rojo en Reine pour ses derniers pas sur scène… Le temps de quelques soirées, Paris a semblé redevenir capitale de la danse.

Enfin je cite deux spectacles de cirque vus au festival Circa à la Toussaint. Je suis décidément impressionnée, année après année, de voir comment le cirque arrive à prendre à bras-le-corps et très frontalement des sujets de société, ce que la création en danse contemporaine et classique en France semble incapable de faire jusqu’à présent. Out of the blue de Frederi Vernier et Sébastien Davis VanGelder épate sur la forme – le spectacle se déroule dans un aquarium – et aborde de façon originale comme saisissante le drame du réchauffement climatique. Sans en oublier la poésie et la drôlerie ! La Boîte de Pandore de la compagnie Attention fragile revient de façon autobiographique sur le silence autour du viol et le lent chemin de la reconstruction. Pas de pathos ou de paroles toutes faites, mais un récit poignant, vibrant, dans une mise en scène efficace et intimiste.

Giselle d’Akram Khan – Tamara Rojo et l’English National Ballet

 

Le Top 5 de Claudine Colozzi 

1 – Les yeux fermés de Mickaël Le Mer

2 – De Françoise à Alice de Mickaël Phelippeau

3 – Se faire la belle de Leila Ka

4 – Deeliranza de Patricia Guerrero

5 – Kaléidoscope de Mourad Merzouki

Les yeux fermés de Mickaël Le Mer

Difficile de jeter un regard sur cette année 2022 sans une pointe d’amertume. Celle d’avoir dû la clôturer un peu plus tôt que prévu en raison d’une vilaine fracture à la jambe. Pas de Lac des cygnes avec ses distributions tentantes. Privée aussi de Kontakthof dont il semble que ce cru 2022 dégage une saveur particulière qui s’affine représentation après représentation. Trop vite refermé aussi ce Portrait du Festival d’Automne consacré à la géniale Marlene Monteiro Freitas… Comme un goût d’inachevé, mais qui n’empêche pas de se prêter au rituel de la rétrospective de mon année de danse.

Si je procède chronologiquement, c’est la pièce de Mickaël Le Mer qui me revient en mémoire, découverte dans la très riche 30e édition du festival Suresnes Cités Danse. Se remémorer Les yeux fermés est d’autant plus émouvant que le peintre Pierre Soulages auquel elle rend un très bel hommage est décédé dans le courant de cette année. Si je triche un peu en évoquant De Françoise à Alice vue la première fois à l’Atelier de Paris en décembre 2021, c’est que cette pièce de Mickaël Phelippeau m’a habitée pendant des mois et que je compte bien profiter de sa reprise à la Maison des Métallos en janvier pour retourner la voir. Ce travail avec Françoise et Alice Davazoglou est une histoire de filiation, de transmission et d’émancipation très puissante qui prouve une fois de plus, que la force de la danse transcende largement le pouvoir des mots.

Il faut bien des coups de cœur dans une année et pour moi, la danseuse et chorégraphe Leila Ka est bien celle qui a visé juste, même si elle n’était pas une complète inconnue pour moi. Il est aussi question d’émancipation et de quête d’identité dans Se faire la belle qui clôt le triptyque initié avec Pode Ser. On pourra d’ailleurs revoir les trois pièces lors de la 31e édition de Suresnes Cités danse. On fonce assurément ! 2022 a aussi prouvé qu’il se tramait des choses fort intéressantes du côté des chorégraphes féminines flamenca. Ce n’est pas un scoop, plus une confirmation, que je livre là mais l’identité artistique de Patricia Guerrero s’affirme de création en création. Deliranza présentée en ouverture du festival Arte flamenco et coproduite par le festival landais étonne par sa fougue et son inventivité.

Enfin, 2022 marque la fin du mandat de Mourad Merzouki au CCN de Créteil. Histoire de rendre ces adieux festifs et marquants, le chorégraphe a imaginé un spectacle en forme de Kaléidoscope pour jeter un regard mouvant sur vingt-cinq ans de créations. Une danse généreuse où chacun.e est connecté.e à l’autre pour produire la plus spectaculaire des combinaisons. Une belle soirée dans la grande salle de la Mac de Créteil pleine à craquer !

Se faire la belle de Leila Ka

Le Top 5 de Jean-Frédéric Saumont

1 – Marlene Monteiro Freitas

2 – Pina Bausch

3 – Marco da Silva Ferreira

4 – Le Lac des cygnes du Royal Ballet de Londres

5 – Onéguine de John Cranko par le Staatsballett Berlin

Les Bacchantes de Marlene Monteiro Freitas

C’est chaque année un exercice délicat : choisir les meilleurs spectacles de l’année qui s’achève. Dans le foisonnement de cette saison, la première qui ne fut pas entravée par la pandémie, il est encore plus difficile d’en extraire cinq de cette profusion.

Pourtant, certains spectacles, certaines et certains chorégraphes s’imposent à nous. Assurément, Marlene Monteiro Freitas s’inscrit en lettres majuscules dans ce panthéon annuel. Le Festival d’Automne lui a consacré un portrait décliné en huit étapes de son parcours : théâtre, danse, opéra, installations. Et l’artiste Capverdienne s’impose comme la cheffe de file de l’indiscipline au croisement des genres et des styles. Des reprises bienvenues telle que le Pierrot Lunaire d’Arnold Schoenberg, un des chocs de ce portrait, tout comme la reprise des Bacchantes, prélude pour une purge (2017), carnaval grandguignolesque construit sur la pièce d’Euripide et se concluant par un Boléro de Ravel irrésistible. C’est par un mano a mano entre Marlene Monteiro Freitas et Israel Galvan que s’est refermée l’invitation du Festival d’Automne, RI TE comme un jeu entre deux interprètes exceptionnels s’emparant mutuellement des savoir-faire, des techniques et du style de son/sa partenaire. Marlene Monteiro Freitas est dans la cour des grandes.

Pina Bausch y est depuis longtemps mais cette saison a vu deux grandes compagnies faire entrer à leur répertoire les pièces de la chorégraphe allemande. Le Ballet de Lyon a restitué magnifiquement Auf dem Gebirge hat man ein Geschrei gehört (Sur la montagne, on entendit un hurlement, 1984). Et l’Opéra de Paris a proposé une version passionnante de Kontakthof (1978), la pièce qui installa le génie de Pina Bausch dans la trajectoire de la danse-théâtre, un style étranger à ces deux compagnies d’excellence. Mais la force de l’écriture de Pina Bausch s’impose dès lors que les danseuses et let les danseurs veulent s’en emparer. Ce furent deux grands rendez-vous de cette saison.

La saison France-Portugal nous a offert à deux reprises le chorégraphe Marco da Silva Ferreira : à June Events tout d’abord avec Fantaisie Minor, irrésistible duo de poche pour couple et danses urbaines sur la musique de Schubert. Puis avec la Ballet National du Portugal sur un format plus large : Corpos de Baile, pièce survitaminée pour neuf danseurs et danseuses et sur des percussions en direct. Marco da Silva Ferreira s’impose comme un chorégraphe de talent à revoir très vite.

Dans un tout autre style, le Lac des cygnes du Royal Ballet dans la version de Liam Scarlett est un enchantement : scénographie et costumes de luxe, récit chorégraphique lumineux et interprètes somptueux. La compagnie britannique est en mesure d’afficher une palette des plus grandes stars du moment. Le cygne de Marianela Nunez est immanquable. Enfin, comment ne pas être transporté par l’Onéguine de John Cranko (1965) ? Le chef-d’œuvre du chorégraphe sud-africain qui a construit le répertoire du Ballet de Stuttgart s’est imposé depuis 20 ans sur toutes les grandes scènes internationales. Le Staatsballett de Berlin donnait cet automne la centième représentation depuis son entrée au répertoire. À Berlin aussi, la troupe peut aligner des solistes d’exceptions : Iana Salenko, Polina Semionova, Daniil Simkin pour ne citer qu’eux illuminent l’un des meilleurs ballets narratifs.

Polina Semionova et Alejadro Virelles – Oneguine de John Cranko

 



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