TOP

[Sortie ciné] Houria de Mounia Meddour

Deuxième film de la réalisatrice franco-algérienne Mounia Meddour, après le très remarqué Papicha, Houria suit une jeune ballerine à Alger qui, à la suite d’une agression, voit ses rêves de carrière s’envoler. Profondément traumatisée, la jeune fille va trouver dans la danse un outil de reconstruction et une boussole face aux épreuves. Illuminé par la présence incandescente de l’actrice Lyna Khoudri, très investie dans ce rôle de danseuse aphasique, Houria est un magnifique portrait de femme. Si son argument fait inévitablement penser à En corps de Cédric Klapisch, il s’en détache par sa vision d’une sororité réparatrice. Que reste-t-il à Houria quand tout s’écroule autour d’elle, sinon ses sœurs de combat ? À l’heure où, de l’Iran à l’Afghanistan, les droits des femmes sont encore régulièrement bafoués, cette quête d’émancipation grâce à la danse délivre un puissant message.

Houria de Mounia Meddour

Casque sur les oreilles, justaucorps et jupette noirs, une jeune fille répète une chorégraphie sur le toit-terrasse au lever du soleil, avec la mer en arrière plan. Les conditions sont précaires, le sol en béton pas adapté à ses déplacements sur pointes, mais elle danse portée par une musique que les spectateurs et spectatrices n’entendent pas. Une danse exutoire, promesse d’une vie meilleure. Car, quand elle ne prend pas de cours de danse classique dans la modeste école de quartier tenue de main de maître par sa mère Sabrina (touchante Rachida Brakni), Houria travaille comme femme de ménage. Elle se prépare pour une audition. Peut-être la perspective de changer d’horizon. Mais le drame couve…

Alors qu’elle participe à des paris clandestins nocturnes pour arrondir ses fins de mois, Houria est victime d’une agression par un islamiste repenti. Contrainte de renoncer à ses projets, elle va se reconstruire entourée d’autres femmes blessées rencontrées dans un centre de rééducation. Comment reprendre pied dans la vie quand on a vu ses rêves s’envoler ? Au contact de ses sœurs de silence, Houria, qui a perdu l’usage de la parole à la suite de l’agression, va se remettre en mouvement.

Houria de Mounia Meddour

Silencieuse, Lyna Khoudri n’en est pas moins très expressive. Filmée au plus près par la caméra de Mounia Meddour, elle impressionne par son charisme. Si les rôles de danseuse sont toujours un peu risqués pour les comédiennes, la jeune femme se glisse dans celui de Houria avec beaucoup de hardiesse. Quand on sait le travail nécessaire pour atteindre ce niveau de liberté dans l’acte de danser (sans être doublée ou presque pour quelques passages sur pointes), on prend pleinement la mesure de la performance. Coachée par la danseuse Hajiba Fahmy, qui signe aussi les chorégraphies du film (un mélange de danse contemporaine et de langue des signes très convaincant), elle donne corps et âme à cette jeune femme tourmentée mais solaire. Elle est l’étoile la plus brillante de cette constellation féminine.

Les scène les plus réussies sont les scènes de danse où la complicité féminine éclate : les répétitions sur la terrasse, la danse champêtre où les femmes communient entre elles dans une liberté de mouvement… Oui, la danse peut tout : nous aider à parler aux défunts, trouver la force d’aller de l’avant, nous consoler des plus profonds chagrins. Mounia Meddour ne cherche pas forcément à saisir les mouvements d’ensemble, elle veut capter les peaux frémissantes, le souffle qui s’accélère, la sueur qui perle les corps. Elle ne filme pas la danse, mais des femmes qui dansent, qui relèvent la tête et puisent leur force dans la liberté du mouvement collectif et une sororité bienveillante.

Houria de Mounia Meddour

Choisir, c’est renoncer. Mounia Meddour a sans doute voulu dire trop de choses dans ce beau film qui, dans le sillage de Papicha, dégage une énergie vitale, furieuse et émouvante. À côté du thème de la danse, le film aborde beaucoup de sujets, les maux de l’Algérie contemporaine de l’inertie administrative aux dangers des migrations clandestines au point qu’il nous perd un peu parfois. La réalisatrice aurait dû faire davantage confiance à la force de la danse et s’en servir pour des ellipses de narration. Malgré ces imperfections, difficile de ne pas défendre absolument ce film au casting impeccable. Difficile aussi de quitter Houria après cette magistrale scène de clôture, sublime acte de résistance, à rajouter au florilège des plus belles scènes de danse au cinéma. Le regard final de Lyna Khoudri, entre sérénité retrouvée et combativité intacte, vous poursuivra longtemps.

Houria de Mounia Meddour

 

Houria de Mounia Meddour – 1h38 – En salles le 15 mars 2023.

 



Post a Comment