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Il était une fois Casse-Noisette – Rencontre avec Karl Paquette et Philippine Flahault

Après le succès de Mon premier Lac des cygnes, Karl Paquette, ancien Danseur Étoile de l’Opéra de Paris et aujourd’hui professeur à l’École de Danse, est reparti sur un nouveau spectacle : Il était une fois Casse-Noisette Noisette, au Théâtre du Châtelet jusqu’au 30 avril. Une version « réduite, mais pas simplifiée » pour initier le jeune public – et le public néophyte de façon générale – à ce ballet incontournable du répertoire classique. Depuis plus de trois ans et la première date de Mon premier Lac des cygnes, c’est tout une équipe qui s’est mise en place, avec notamment une vingtaine de danseurs et danseuses formant (presque) une véritable petite troupe. Comment ce projet a-t-il émergé ? Comment les artistes abordent-ils ce travail mi-troupe, mi-free-lance ? Quelle pourrait être la suite de l’aventure ? Le directeur artistique Karl Paquette et Philippine Flahault, l’une des danseuses qui est là depuis le début, reviennent sur la genèse et le joli succès de « Mon premier ».

Il était une fois Casse-Noisette

C’est la première chose que montre Karl Paquette quand on entre dans sa loge du Théâtre du Châtelet : « La bible Casse-Noisette ! ». Soit un gros classeur où Fabrice Bourgeois a minutieusement écrit sa chorégraphie, selon son propre système de notation : des petites figurines crayonnées, retraçant page après page la danse de Il était une fois Casse-Noisette. Karl Paquette, ancien Danseur Étoile de l’Opéra de Paris, et Fabrice Bourgeois, maître de ballet de  cette même compagnie, sont le duo fondateur de « Mon premier » : remonter des ballets du répertoire en réduisant un peu pour les adapter au jeune public ou au public néophyte. Mon premier Lac des cygnes a ainsi cartonné au Théâtre Mogador à l’hiver 2019-2020, avant de voir sa tournée en région annulée par le Covid. Malgré la saison morte qui a suivi, le projet a continué et s’est agrandi. Au point de proposer, cette année, une véritable petite saison : plus de 40 représentations de Mon premier Lac des cygnes au Théâtre Mogador s’enchainant avec la création de Il était une fois Casse-Noisette, une plus grosse production portée par le Théâtre du Châtelet.

Et autour de Karl Paquette à la direction artistique et  Fabrice Bourgeois pour la chorégraphie et la mise en scène s’est constituée une équipe soudée : Xavier Ronze pour les costumes, Nolwenn Cleret pour les décors,  Clément Hervieu-Léger pour le livret, auxquels se sont rajoutés Louis Bourgeois pour les lumières et Mehdi Ouazzani pour les tours de magie qui émaille ce Il était une fois Casse-Noisette. Sur scène, une troupe d’une vingtaine de danseurs et danseuses, pour la plupart fidèles depuis les débuts de Mon premier Lac des cygnes. Beaucoup ont été formés à l’École de Nanterre ou dans les CNSM, certain-e-s viennent de l’étranger. Ils ont eu avec « Mon premier » une certaine stabilité dans leur vie de free-lance, aussi bien artistiquement que financièrement pour leur statut d’intermittence. C’est le cas de Philippine Flahault. Ancienne Petit rat, danseuse en Allemagne ou à l’Opéra de Paris, aussi actrice pour la série L’Opéra, elle a trouvé avec « Mon premier » la possibilité de « faire ce que j’aime : danser« . À savoir être sur scène tous les soirs plutôt qu’en coulisse à attendre qu’une titulaire se blesse. « En tant que danseuse classique, c’est très compliqué de trouver une place. Avec Mon premier, je danse, je fais ce que j’aime, je suis sur scène. J’ai tellement progressé !« . Avec même l’expérience des premiers rôles : Philippine Flahault a dansé une dizaine de fois Odette/Odile sur Mon premier Lac des cygnes… avec une prise de tôle prévue quelques heures avant le lever de rideau. « Et toutes les autres danseuses étaient derrière moi, j’avais vraiment l’impression d’être portée par la compagnie. Il n’y a pas de haine ou de jalousie ici. Et on ne voit pas forcément ça dans une compagnie traditionnelle« .

Il était une fois Casse-Noisette

Ce petit groupe se forme il y a trois ans. « Je partais de zéro« , raconte Karl Paquette, « avec juste mon nom de Danseur Étoile et je ne considère pas que c’est ce qui va faire venir les foules« . Et l’envie de faire découvrir ce répertoire à un public qui n’a pas l’habitude des ballets classiques. Il monte alors le projet Mon premier Lac des cygnes et se lance alors dans plein de choses qu’il n’avait encore jamais faites, comme mener une audition. Il diffuse une annonce sur Facebook, reçoit 500 vidéos, puis sélectionne des artistes pour une audition. Philippine Flahault est embauchée comme une quinzaine d’autres. « Ce contrat devait durer trois mois. Puis il y a eu des prolongations au Théâtre Mogador, puis le projet ‘Il était une fois Casse-Noisette’ est arrivé« . Pour ces artistes, il s’agit de l’apprentissage d’un rythme de travail auquel leur formation ne leur a pas forcément préparé : assurer 40 fois le même spectacle, avec la même motivation. « Les fins de séries sont très dures physiquement. Artistiquement, l’on arrive toujours à y arriver, en se trouvant des petits challenges chaque jour« . Karl Paquette et Fabrice Bourgeois veillent aussi au grain. « Nous sommes dans le studio chaque matin, en scène chaque après-midi. Je vois tout ce qui se passe et il n’y a pas la liberté de se relâcher. Cela fait partie du spectacle vivant : il y a des jours où l’on a plus ou moins envie. Mais c’est à nous de toujours recadrer les choses« .

C’est aussi pour ces danseurs et danseuses la rencontre avec un autre type de public : les enfants, forcément moins calmes et silencieux qu’un public adulte. « Il faut l’accepter qu’il y ait du bruit dans la salle« , explique Philippine Flahault. « C’est assez amusant, ils posent plein de questions à voix haute à leurs parents pendant que nous dansons. ‘Mais pourquoi elle n’a plus son tutu blanc ?’, ‘Mais elle est méchante maintenant ?’. Ils ont parfois peur, ou ils sont tout excités et commencent à danser sur leur fauteuil. Mais c’est tellement beau de les voir« . Sans compter les applaudissements, souvent très courts… mais intenses et bruyants. 

 

La « Paquette compagnie »

Au printemps 2020, la Covid 19 met le projet « Mon premier » à l’arrêt pendant 18 mois, après une première série de représentations. Cette longue pause n’a cependant pas cassé cette dynamique de groupe soudé. En janvier 2022, Karl Paquette met en place deux cours de danse par semaine à Paris, pour les membres du groupe Mon premier Lac des cygnes, « pour permettre à ces jeunes artistes que j’allais reprendre dans six ou sept mois de rester en forme, aussi de voir comment ils évoluent« . Mais aussi ouverts à des artistes extérieurs, pour éventuellement intégrer le groupe. Au moment de reprendre pour la deuxième saison en 2022, toutes celles et ceux de la première série qui souhaitaient continuer ont été repris. Quelques nouvelles têtes sont apparues, l’équipe a aussi été agrandie pour Il était une fois Casse-Noisette qui demande plus d’interprètes. « C’est important pour moi d’intégrer les nouveaux« , explique Karl Paquette. « Il y a quelque chose de très fusionnel dans ce groupe, j’avais peur que de nouveaux éléments ne puissent pas forcément s’intégrer à 100% C’est un vrai travail des directions pour arriver à vraiment mélanger ces personnalités« . Le groupe a un noyau solide avec des mouvances. Donovan Delis-McCarthy, qui dansait Siegfried, est parti en cours de série pour intégrer une compagnie. Certain-e-s artistes vont et viennent en fonction des projets, même si le fait d’avoir six mois de contrat cette saison n’aide pas à multiplier les projets. « On peut parler avec Karl Paquet, essayer d’ajuster un peu notre emploi du temps, de mettre en place un roulement. Mais c’est vrai que ça prend beaucoup de temps et c’est compliqué de faire autre chose à côté« , résume Philippine Flahault.

Il était une fois Casse-Noisette

Cette vingtaine de free-lances, qui s’appellent entre eux-elles la « Troupe Mon premier » ou la « Paquette compagnie », fonctionne dans les faits comme une véritable troupe.  Karl Paquette assure le cours de danse du matin, ainsi que les répétitions avec Fabrice Bourgeois l’après-midi. « On commence à 8h, on termine parfois à 19h, on a investi le Théâtre du Châtelet« , continue Philippine Flahault. « On est tout le temps ensemble, on se connait bien« . Entre le début des répétitions de Mon premier Lac des cygnes fin 2022 et la dernière date de Il était une fois Casse-Noisette, les artistes ont travaillé ensemble pas loin de six mois. Certaines compagnies américaines ne font pas mieux. Les chaussons sont pris en charge comme dans une compagnie… Mais pas le suivi médical, situation habituelle pour les free-lance, même si Karl Paquette fait marcher ses réseaux de médecins quand l’un des danseurs ou danseuses se blesse.

Un entre-deux qui pourrait évoluer vers une véritable compagnie, avec une saison complète ? Pas vraiment pour Karl Paquette, qui tient à rester professeur à l’École de Danse de l’Opéra de Paris, où il s’occupe de la quatrième division et des petits stagiaires garçons, un poste qui reste sa « priorité ». Cette saison de six mois est d’ailleurs plus due aux aléas des théâtres qu’à une véritable volonté. « Nous avons terminé les 48 représentations du Lac des cygnes le 5 mars. Le 6, nous démarrions la création de Casse-Noisette« , résume le danseur et professeur qui n’a connu que deux jours de repos depuis janvier, entre la semaine à l’École de Danse et le week-end en scène (il dansait Rothbart dans Le Lac des cygnes, il se glisse dans la peau du Roi des rats et de Drosselmeyer dans Casse-Noisette).

Il était une fois Casse-Noisette

Les projets, néanmoins, ne manquent pas, même s’ils se heurtent parfois à la réalité du paysage culturel français. La tournée en région, prévue au printemps 2020 et annulée par la Covid, est ainsi toujours en suspens. « Cette annulation, elle est sans regret aujourd’hui parce qu’elle devait se faire dans les Zéniths, et ça n’aurait pas été le cocon idéal pour Mon Premier Lac des cygnes« , analyse Karl Paquette. Et les portes des théâtres plus intimistes sont compliquées à ouvrir. « Nous sommes considérés comme un spectacle pour enfants, et c’est une catégorie de spectacles qui se vend moins bien. Mais plein d’adultes peuvent venir voir ces spectacles« , s’insurge l’Étoile, qui indique d’ailleurs qu’il présente des versions « réduites, et non simplifiées«  de ces grands ballets du répertoire. Et c’est à peine le cas pour Il était une fois Casse-Noisette, plus court de 10 minutes de la version traditionnelle. « On peut voir Mon premier enfant… ou à à 35 ans, ou à 50 ans« .

À défaut de tournée, de nouvelles créations sont en réflexion du côté de Karl Paquette et Fabrice Bourgeois. Leur rêve ? « Alice au pays des merveilles !« , lance le danseur, qui a déjà en tête un découpage musical, et même pourquoi pas d’une création. Et de trouver un équilibre entre ses trois espaces : son poste de professeur à l’École de Danse de l’Opéra, l’aventure « Mon premier » et une association qu’il a créée une semaine avant la crise du Covid, dans l’idée d’amener des enfants éloignés de la culture vers la danse. « J’ai toujours eu la vocation de transmettre. Je n’ai pas la prétention de dire que ‘Mon premier’ a révolutionné la danse. Mais il participe à mettre une pierre à l’édifice d’amener certains gamins à découvrir la danse. Et à aimer la danse« .  

Il était une fois Casse-Noisette de Karl Paquette et Fabrice Bourgeois, jusqu’au 30 avril au Théâtre du Châtelet.

 



Commentaires (1)

  • Très bonne interview! j’aime Karle Paquette et tout ce qu’il fait pour que les nouveaux publiques connaissent la danse.

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