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[Sortie ciné] Carmen de Benjamin Millepied

Dans son très attendu premier film, Benjamin Millepied a choisi de revisiter l’opéra de Georges Bizet. Très loin de Séville, il situe l’action de son Carmen entre le Mexique et les États-Unis et raconte la rencontre entre une migrante (Melissa Barrera) et un ex-marine (Paul Mescal). Entre road movie romantique, film musical et récit initiatique où l’héroïne se révèle à elle-même, cette nouvelle version croule sous les références cinématographiques. Malgré des scènes de danse percutantes et un intéressant rapport à la musique cher au chorégraphe, ce Carmen s’essouffle progressivement et échoue à nous séduire. La faute à un scénario, et des personnages, pas assez fouillés. Et à des incises chorégraphiques un peu plaquées. Trop ambitieux ou un brin mégalo ? Chacun.e se fera son idée.

Carmen de Benjamin Millepied

En plein désert, une danseuse de flamenco (superbe Marina Tamayo) fait claquer ses talons sur un plancher de bois alors que des individus semblent à sa recherche. Plus les hommes s’avancent vers elle et la menacent, plus elle accélère son zapateo jusqu’au dénouement fatal. Seule référence évidente au Carmen qui sert de point de départ au film de Benjamin Millepied, cette scène d’ouverture, tournée en Australie, comme la totalité du film, est d’une impressionnante beauté. Elle scelle la décision de la jeune héroïne, désormais orpheline, de quitter sa maison et son pays, franchir la frontière pour tenter sa chance dans « la Cité des anges », Los Angeles. 

Alors qu’elle entre clandestinement aux États-Unis, Carmen est sauvée de la patrouille anti-migrants par Aidan, un ancien Marine victime de stress post-traumatique. Ils s’enfuient tous les deux et trouvent refuge à la Sombra Poderosa, un cabaret tenu par Masilda, la tante de Carmen. Mais cette quête de liberté a un prix

Carmen de Benjamin Millepied

En choisissant de situer son histoire aux États-Unis et de lui donner une dimension plus politique, Benjamin Millepied revendique sa liberté de créateur par rapport à une œuvre culte, porté par la partition musicale puissante du compositeur de musiques de films Nicholas Britell. Sur le papier, l’intention est bonne. Mais le scénario ne tient pas la route de cette transposition contemporaine. Bourré de références cinématographiques, défaut de jeunesse que l’on retrouve souvent dans les premiers films, Carmen souffre de cette cinéphilie trop envahissante. Où est la patte de l’impétrant cinéaste ?

Alors oui, évidemment, elle se trouve dans la danse. Mais sur un film de presque deux heures, celle-ci n’est pas assez présente. Portées par les danseurs et danseuses de la Sydney Dance Company, les séquences sont certes filmées avec beaucoup d’emphase et d’esthétisme. Seul souci : elles semblent parfois plaquées et un peu déconnectées de la narration. Au hasard d’une fête foraine, d’un club un peu suranné dirigé par une Rossy de Palma (incroyable, mais à la limite de la caricature) ou dans un fight club, la danse surgit sous la forme d’incises, souvent oniriques, pas toujours faciles à comprendre. Elle ne réussit pas à pallier les faiblesses d’un scénario qui part dans des directions multiples, avec des personnages pas assez creusés. Qui est vraiment cette Carmen ? A quoi aspire-t-elle vraiment ?

Même si les deux jeunes comédiens forment un beau duo, à la jeunesse solaire, crédibles dans les scènes dansées alors que ni l’une ni l’autre n’est danseur, leur attraction n’est pas à la hauteur de ce que l’on escomptait. C’était un défi de s’attaquer à pareille figure ! Carmen s’accommode mal d’un mélo mal maitrisé qui veut trop en dire et en montrer, mais nous laisse cruellement sur notre faim en matière de danse.

Carmen de Benjamin Millepied

 

Carmen de Benjamin Millepied – 1h56 – En salles le 14 juin 2023.

 



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