[Biennale de la Danse 2023] Mycelium de Christos Papadopoulos – Ballet de l’Opéra de Lyon
Top départ pour la Biennale de la Danse de Lyon 2023 ! Une édition placée forcément sous le signe de la création, avec 21 nouvelles pièces présentées pendant les trois semaines du festival. C’est d’ailleurs l’une d’entre elles qui démarre les festivités : Mycelium de Christos Papadopoulos par le Ballet de l’Opéra de Lyon. La compagnie en reconstruction croisait pour la première fois la route du chorégraphe grec. Le groupe, avec pas mal de nouvelles têtes, s’est toutefois plongé avec beaucoup de cohésion dans la danse exigeante et répétitive du chorégraphe, qui s’inspire ici du réseau de communication des… champignons. L’œuvre hypnotise, lasse parfois, va aussi là où on ne l’attend pas. Si Mycelium ne semble pas forcément pleinement aboutie, elle marque néanmoins le début d’une rencontre artistique qui pourrait être prolifique.
La Biennale de la Danse de Lyon 2023 est une édition de transition, façonnée par son ancienne directrice Dominique Hervieu et son nouveau directeur Tiago Guedes. Et c’est une compagnie tout autant entre deux temps, le Ballet de l’Opéra de Lyon, qui a ouvert le bal. Les trois années précédentes ont été compliquées pour la troupe sous la direction de Julie Guibert, arrivée juste avant le Covid et qui n’a jamais trouvé le ton juste, même si les beaux projets n’ont pas manqué. La création Mycelium de Christos Papadopoulos est l’une de ses dernières programmations. Mais c’est Cédric Andrieux, nouveau directeur du Ballet en poste depuis quelques semaines, qui la défend. Le groupe a subi de nombreuses transformations, avec plusieurs départs et arrivées, des artistes revenant aussi après une année sabbatique. Un challenge de plus quand il s’agit de travailler avec Christos Papadopoulos – une première pour la troupe, là encore un défi – qui aime tant travailler sur le collectif.
Après le mouvement des vagues dans Elvedon (2017), les murmurations des oiseaux avec Ion (2018), Christos Papadopoulos se plonge dans un autre phénomène naturel : le mycelium, qui a donné le nom à la pièce. Soit le réseau de communication souterrain des champignons, qui leur permettent de s’envoyer des nutriments ou des signaux. Ambiance The Last of us ? Pas vraiment. Le chorégraphe grec ne veut à aucun moment évoquer le procédé formel dans sa danse. Mais plutôt l’idée qui la sous-entend : le principe d’écoute et de partage absolues résolvant de la simple nécessité de survivre. La danse de Christos Papadopoulos repose sur la répétition mêlée d’infinies petites variations. Sur scène, les vingt danseurs et danseuses doivent être dans l’écoute totale les uns des autres pour réagir et faire évoluer ces si petits écarts. Les mouvements de chacun et chacune sont guidés non pas par le bas du corps, mais par le regard. Et tout se passe de face. Personne ne peut ainsi frontalement regarder son voisin-sa voisine. Le groupe ne peut fonctionner ensemble que par une attention constante aux autres, captant de multiples de détails qui ne sont qu’entraperçus.
Mycelium démarre cependant par un danseur seul en scène. Dans une sorte de pénombre stylisée, ses pieds glissant sur le plateau restent dans la pénombre, lui donnant cette impression étrange de flottement, d’avancer sans toucher le sol. Une danseuse le rejoint, un autre danseur, et le groupe tout entier, toujours dans ce noir-obscur. C’est presque le deuxième acte de Giselle qui se rejoue, entre l’arrivée spectrale de Myrtha nous plongeant d’office dans un univers étrange, rejointe par ses Willis. C’est en tout cas hypnotique et enjôleur. La lumière redevenant plus brute casse cette ambiance si particulière pour se concentrer sur le geste, le groupe et son évolution. Mais l’on guette le cheminement. L’exploit physique est impressionnant, il semble cependant comme manquer, en tout cas pour moi, d’un point d’appui nécessaire pour se laisser emporter. La danse contemporaine répétitive peut être un merveilleux vecteur de voyage, de lâcher-prise, de transe même. Il faut pour cela un point d’appui, ce quelque chose qui m’a, à moi, manqué.
Et il y a presque l’attente qu’il se passe quelque chose, comme une grande explosion salvatrice. Cette déflagration ne vient pas, mais ce n’est pas grave. Christos Papadopoulos part là où on ne s’attend pas à aller. Au lieu de forcer encore plus l’énergie du collectif, le groupe se scinde et se met à se mouvoir comme d’immenses vagues, puissantes mais aussi apaisantes. Elles se croisent et dialoguent, disparaissant dans la pénombre de nouveau revenue mais l’on devine que leur cheminement ne s’arrêtera pas. Est-ce que ce n’est pas là, dans les dernières minutes, que Mycelium démarre vraiment ? Il y a un peu de cette impression. Comme si l’on prenait un peu trop de temps pour prendre ses marques sans oser se lancer. Et qu’il est presque trop tard quand l’énergie s’amorce. Cette création marquait le premier rendez-vous entre le Ballet de l’Opéra de Lyon et le chorégraphe. Si sa haute technicité est admirablement défendue par la compagnie, peut-être faut-il un peu plus de temps pour que le dialogue s’amorce pleinement. Mycelium peut ainsi laisser sur sa faim. Mais ne donne pas moins envie de voir cette rencontre perdurer.
Mycelium de Christos Papadopoulos par le Ballet de l’Opéra de Lyon, dans le cadre de la Biennale de la Danse. Avec Marie Albert, Jacqueline Bâby, Edi Billoshmi, Eleonora Campello, Noëllie Conjeaud, Katrien De Bakker, Abril Diaz, Jade Diouf, Alvaro Dule, Bredan Evans, Paul Grégoire, Jackson Haywood, Amanda Lana, Marco Merenda, Albert Nikolli, Leoannis Pupo-Guillen, Anna Romanova, Raùl Serrano Núñez, Giacomo Todeschi et Kaine Ward. Samedi 9 septembre 2023 à l’Opéra de Lyon. À voir jusqu’au 14 septembre, puis en tournée les 22 et 23 septembre au Théâtre de Liège en Belgique.
La Biennale de la Danse de Lyon continue jusqu’au 30 septembre.