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Théâtre Zingaro – Cabaret de l’exil, Femmes persanes de Bartabas

Bartabas poursuit l’aventure du Cabaret de l’exil avec un vibrant hommage Femmes persanes. Après nous avoir transportés dans le Yiddishland et le monde des voyageurs nomades irlandais, il propose un manifeste résolument féministe conviant au Théâtre Zingaro musiciennes et chanteuses persanes. Cavalier majuscule, et metteur en scène de génie, Bartabas nous enchante et nous émeut avec un spectacle tout à la fois poétique et politique, exprimant cette intime osmose entre le cheval et ses cavalières. Spectacle total qui conduit l’art équestre à des sommets artistiques sans pareil.

Cabaret de l’exil, femmes persanes de Bartabas – Théâtre Zingaro

Le rite reste inchangé. Vers la fin du mois d’octobre, Bartabas ouvre son théâtre et ses chapiteaux au public du côté du Fort d’Aubervilliers où il a posé ses écuries et ses caravanes depuis 1989. C’est à chaque fois une expérience unique, joyeuse, conviviale comme il n’en existe peu. Seule lui et Ariane Mnouchkine et son Théâtre du Soleil perpétuent ce souci scrupuleux de l’accueil du public. Et au Théâtre Zingaro, comme à la Cartoucherie de Vincennes, on vient bien avant le début de la représentation dans le vaste chapiteau qui fait office de bar et de restaurant, où l’on partage un moment hors du temps afin d’oublier la fureur du monde. L’entrée dans le chapiteau où se déroule le spectacle est encore un moment magique. Éclairée à la bougie, la piste est plongée dans une semi-pénombre. Et pour ce Cabaret de l’exil – Femmes persanes, les fauteuils des spectateurs et spectatrices entourent des tables recouvertes de nappes aux couleurs chatoyantes empruntées à des motifs persans, sur lesquelles sont posés une théière et des biscuits.

Impression étrange et délicieuse d’être ainsi plongé dans un monde hors du temps dans ce coin de la banlieue populaire de Paris. Couleurs chaudes, tapis persans et costumes flamboyants convergent à nous immerger dans cet univers de l’antique civilisation scythe. Et on ne raterait ce rendez-vous pour rien au monde. Car 40 ans après son tout premier spectacle, Bartabas n’en finit pas de creuser le sillon du théâtre équestre, renouvelant son approche, élargissant son champd’exploration. Ce troisième volet du Cabaret de l’exil prolonge le travail entamé il y a deux ans sur les peuples nomades qui ont en commun de se déplacer à cheval. Cette fois, il fait résonner le spectacle avec une actualité brûlante en nous parlant des femmes persanes, qu’elles soient iraniennes ou afghanes. « Il me plaît de bâtir des spectacles de contrebande où la pensée se glisse par effraction  et sème le trouble dans la conscience émerveillée du spectateur », revendique Bartabas.

Cabaret de l’exil, femmes persanes de Bartabas – Théâtre Zingaro

« Il fut un temps, poursuit-il où (dans cette civilisation scythe) la force physique de l’homme et de la femme se mesurait à l’âpreté de leur monture, où la femme régnait et dirigeait les affaires de la communauté, où les poétesses chantaient toujours le visage découvert« . L’affaire est entendue : le spectacle sera résolument féminin et féministe. Ce sont ainsi des cavalières qui enfourchent les montures, rivalisant de virtuosité, sautant d’un flanc à l’autre du cheval lancé au galop. Il y a là une technique implacable, un talent majuscule, mais jamais d’esbroufe et une bonne dose d’humour. En leitmotiv, une danseuse au centre de l’arène se fait derviche tourneuse quand ce savoir-faire est habituellement une affaire masculine.

Les femmes, c’est bien le thème central du spectacle. Elles mènent la danse du début à la fin avec des scènes d’une force inouïe dans lesquelles Bartabas a glissé ses mots qui tapent fort. Quand en Afghanistan les jeunes filles sont privées d’éducation, quand en Iran les femmes se révoltent au risque de leur vie contre les mollahs et ôtent leur voile, Bartabas nous fait entendre les mots extraits du Cri des femmes afghanes : « Mon visage découvert ne me dénude pas. Pourquoi porterais-je sur ma tête le poids de tes faiblesses ? ». Dans une autre scène puissante, une cavalière déboule le corps et la tête enfouis et presque étouffés dans un drap bleu interminable qui se déplie à mesure que le cheval galope. Cette image est plus puissante que n’importe quel plaidoyer. Et avec un humour féroce, les hommes sont gentiment moqués, comme lorsqu’une caravane de bédouins traverse le chapiteau clopin-clopant, drôles mais ridicules.

Bartabas n’assène rien. Il nous transporte dans un univers presque clandestinement car on vient le voir pour son art qui atteint l’excellence. L’on sait que l’on découvrira au Théâtre Zingaro des territoires nouveaux et inconnus. C’est un artiste essentiel.

Cabaret de l’exil, femmes persanes de Bartabas – Théâtre Zingaro

 

Cabaret de l’exil – Femmes persanes de Bartabas assisté d’Emmanuelle Santini. Avec Bartabas, Sahar Dehgan (danseuse), Stéphane Drouard (fildefériste) – Marion Duterte, Johanna Houé,Camille Kaczmarek, Perrine Mechekour, Alice Pagnot, Tatiana Romanoff, Emmanuelle Santini et Alice Seghier, Eva Szwarcer (capillotraction), et les musiciennes  Firoozeh Raeesdanaee, Shadi Fathi, Farnaz Modarresifar, Niloufar Mohseni et Catherine Pavet. Dimanche 22 octobre 2023 au Théâtre Zingaro du Fort d’Aubervilliers. À voir jusqu’au 31 décembre 2023.   

 



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