West Side Story est de retour en France, sur la scène du Théâtre du Châtelet pour une longue série et une tournée en région en 2024. Cette nouvelle production internationale, qui fait le tour du monde, est habilement mise en scène par Lonny Price alors que Julio Monge fait revivre les chorégraphies de Jerome Robbins. Le chef-d’œuvre écrit par Arthur Laurents et Stephen Sondheim, et génialement mis en musique par Leonard Bernstein, est un chef-d’œuvre universel. La troupe est excellente avec une distribution de solistes qui, à défaut d’un jeu d’acteur accompli, chantent merveilleusement, soutenus dans la fosse par un orchestre remarquable dirigé par Grant Sturiale. 66 ans après sa création, West Side Story conforte à chaque nouvelle production son statut de classique absolu de la comédie musicale.

West Side Story

Même si le genre de la comédie musicale n’a pas en France le même écho qu’aux États-Unis ou en Grande Bretagne, bien que les choses changent grâce notamment à l’ancien directeur du Théâtre du Châtelet Jean-Luc Choplin, West Side Story est un incontournable. Peu de spectacles jouissent d’un tel alignement de planètes : un livret superbement écrit, inspiré de Roméo et Juliette et transposé dans le New York des années 1950, une musique qui ne compte que des tubes composée par Leonard Bernstein et une chorégraphie signée par l’un des maîtres du New York City Ballet, Jerome Robbins. À cela s‘ajoute le film de Robert Wise sorti en 1961, grand succès au box-office mondial. L’œuvre conserve sa force de frappe émotive sur des chansons que presque tout le monde connaît.

Certains se sont essayés à en proposer de nouvelles versions. L’australien Barrie Kosky, ex-directeur du Komische Opera de Berlin, a imaginé une vision très sombre et superbe, entrée au répertoire de l’Opéra de Strasbourg et du Ballet de Rhin. Steven Spielberg s’est risqué à faire un remake du film en 2021, modifiant très marginalement l’histoire tout en conservant l’esprit de West Side Story. Pari artistique plus que réussi avec une cinématographie exceptionnelle. On n’avait jamais vu sur écran des ballets filmés avec une telle maestria, où la caméra nous emmène au cœur du mouvement. Le cinéaste américain avait habilement fait appel à Justin Peck, chorégraphe résident du New York City Ballet qui a su rester fidèle à l’esprit de la danse de Jerome Robbins.

West Side Story

Pour cette nouvelle production, Lonny Price revient pour sa part à la version originelle et a fait appel à Julio Monge pour régler les chorégraphies. L’artiste portoricain fut un collaborateur de Jerome Robbins et c’est un gage de fidélité aux ballets écrits par le chorégraphe américain, et qui paraissent toujours aujourd’hui d’une totale modernité. Rien ne vieillit dans West Side Story : ni le livret, ni la danse, ni la musique. Lonny Price a conçu avec la décoratrice Anne Louizos un décor mobile, comme une vaste boîte qui s‘ouvre et se referme, permettant instantanément les changements de lieux et de scène. Et qui a aussi l’avantage de pouvoir se transporter aisément, puisque ce West Side Story est fait pour voyager longtemps et partout.

Rien ne manque à l’appel. L’orchestre fait un sans-fautes, les danseuses et les danseurs incarnant les deux bandes rivales des Jets et des Sharks ont l’excellence anglo-saxonne, capables à la fois de danser et de chanter avec un même talent. Les solistes qui assurent la totalité des représentations ont des voix  splendides. Jadon Webster dans le rôle de Toni et Melanie Serra dans celui de Maria forment un couple crédible dans les parties chantées. On est plus réservé sur les qualités d’acteur lors des dialogues parlés. C’est là le point faible de cette production, qui aurait mérité plus de finesse sur ce travail du jeu. En revanche, Kyra Sorce est une actrice formidable et endosse avec cran le rôle central d’Anita, interprété dans le film de Robert Wise par l’inoubliable Rita Moreno, qui fut la première femme hispanique à remporter un Oscar à Hollywood.

Et il y a enfin le paradoxe que provoque West Side Story. La tragédie, la violence, le meurtre, l’amour impossible, tout cela devrait en principe nous anéantir. On aura peut-être même versé une larme à la mort de Toni et au désespoir de Maria. Mais porté par le génie de ses créateurs qui transcendent toutes ces émotions et ces sentiments pour en faire un corpus universel d’humanité, on ressort du spectacle presque joyeux. Et immanquablement, on ne résiste pas à fredonner l’un des tubes de West Side Story. À chacune et chacun le sien, il n’y a que ça !

West Side Story

West Side Story, mise en scène de Lonny Price et chorégraphie de Jerome Robbins réglée par Julio Monge. Orchestre dirigé par Grant Sturiale. Avec Jadon Webster (Toni), Melanie Sierra (Maria), Kyra Sorce (Anita), Antony Sanchez (Bernardo) et Taylor Harley (Riff). Mardi 31 octobre 2023 au Théâtre du Châtelet. À voir jusqu’au 31 décembre 2023, puis en tournée à Bordeaux du 9 au 18 février, à Lyon du 21 au 25 février, à Rouen du 1er au 3 mars et à Nantes du 5 au 10 mars.