Le Ballet du Capitole propose pour les Fêtes de fin d’année Feux d’artifice. Un programme qui porte bien son nom, entre l’inventivité de Sechs Tänze de Jiří Kylián, le brio de Suite en blanc de Serge Lifar et l’humour de The Concert de Jerome Robbins. L’occasion d’une rencontre avec Beate Vollack, la nouvelle Directrice du Ballet depuis septembre. Arrivée après le licenciement de Kader Belarbi, inconnue en France, elle a pleinement pris en main la compagnie. Née en Allemagne, elle passa une grande partie de sa carrière de danseuse au Ballet de Bavière, où elle fut Soliste. Elle dirigea ensuite le Tanzkompanie au Théâtre de Saint-Gall en Suisse, puis le Ballet de l’Opéra de Graz en Autriche, tout en chorégraphiant. Quelle est sa vision de la danse pour le Ballet du Capitole ? Comment va-t-elle construire ses saisons ? Comment s’est déroulée son arrivée dans des conditions compliquées ? Beate Vollack nous raconte ses projets et ambitions pour le Ballet, dans un entretien entièrement réalisé en français, alors qu’elle ne parlait cette langue que depuis quelques semaines.

 

 

Pourquoi avoir postulé à la direction du Ballet du Capitole ?

Le Ballet du Capitole est une compagnie très intéressante. Avec ses 35 danseurs et danseuses, nous pouvons faire du ballet classique et des choses plus modernes. Les artistes y sont très versatiles, ils peuvent danser beaucoup de choses.

 

Quelle a été la force de votre projet artistique au moment de poser votre candidature ? Qu’est-ce qui a pu faire que vous avez été choisie, alors que vous êtes inconnue en France ?

Je suis venue avec toute mon expérience, tout ce que j’ai accumulé. D’abord mon expérience de danseuse classique et contemporaine. Au Ballet de Bavière où j’ai dansé dix ans, j’étais un peu la ballerine moderne : j’ai dansé le rôle-titre dans Giselle de Mats Ek et Myrtha dans la version traditionnelle de Patrice Bart. En tant que chorégraphe, j’ai travaillé pour le Ballet, beaucoup pour l’opéra. Je connais tous les corps de métier d’un théâtre, sur la scène et en coulisse. En tant que directrice, ma première compagnie était contemporaine, en Suisse, puis plus classique en Autriche. Au Ballet du Capitole, je peux rassembler toutes les pièces du puzzle. Ma force, ce sont toutes ces expériences. Chaque premier pas à Toulouse ne sera pas un premier pas pour moi.

 

Quel est votre regard sur la direction de l’Opéra du Capitole vis-à-vis du Ballet ?

Il y a un phénomène plutôt rare : nous avons un Directeur artistique qui est un grand amateur de ballet et qui a de grandes ambitions pour la compagnie. Christophe Ghristi connaît bien la danse. Pendant ses années à l’Opéra de Paris (ndlr : il y fut directeur de la dramaturgie de 2009 à 2014), il a travaillé aux côtés de Brigitte Lefèvre et a beaucoup appris. Et c’est lui qui a invité John Neumeier au Capitole en programmant Le Chant de la Terre en avril prochain. C’est un chef-d’œuvre et un grand investissement pour le Ballet, pour Toulouse. La dernière fois que j’ai travaillé avec John Neumeier, c’était en tant que danseuse. Aujourd’hui je le retrouve en tant que directrice. C’est très spécial pour moi et très excitant.

 

Vous êtes arrivée en début de saison après le départ de Kader Belarbi, le précédent directeur, qui est parti dans des conditions difficiles. Comment avez-vous appréhendé la situation ?

Avant de venir au Ballet du Capitole, je dirigeais le Ballet de l’Opéra de Graz en Autriche. Et la situation était compliquée avec le directeur de l’Opéra. Je sais que c’est difficile pour le théâtre et pour les artistes, ils sont dans une situation inconnue qui n’est pas agréable. J’ai l’expérience de ce phénomène. Mais j’ai aussi l’expérience que, quand la direction est ouverte comme je le suis, positive, qu’elle se met au travail avec les danseurs et danseuses, cela se passe bien. Je suis la directrice, je prends les décisions, mais j’écoute les danseurs et danseuses. Je suis ouverte et sensible à leurs problèmes.

 

Avez-vous senti la compagnie divisée en arrivant ?

Non, je ne sens pas que cela soit un problème. Pour ma part, je regarde chaque personne, c’est ensuite l’ensemble des individus qui font la compagnie. J’ai expliqué aux danseurs et danseuses que s’ils se connaissent tous, je suis nouvelle, que je ne connais personne. Et que je veux connaître chacun. J’ai eu un rendez-vous individuel avec tout le monde et ce fut très intéressant. J’ai senti les artistes du Ballet ouverts envers moi. Mon discours était celui-là : je comprends qu’il s’agit pour eux d’un temps difficile. Mais maintenant, un nouveau temps commence. J’arrive avec de nouvelles idées… et sûrement de nouveaux problèmes (sourires). Je sens que les danseurs et danseuses commencent à comprendre ce changement.

 

Vous avez démarré avec La Sylphide, puis en décembre la soirée mixte Feux d’artifice, deux programmes très exigeants. Comment avez-vous vécu ce début de saison ?

J’étais très heureuse de démarrer avec La Sylphide. Ce ballet était le premier ballet sur pointes de l’histoire de la danse et a été le départ de quelque chose de nouveau… Et nous aussi, nous démarrons ensemble un nouveau temps. J’ai demandé à Dinna Bjørn, qui était en charge des répétitions, de choisir les distributions. Elle a pris cinq castings très différents. Il y a beaucoup de fortes personnalités, c’est l’un des marqueurs du Ballet du Capitole. Feux d’artifice est totalement différent. La compagnie peut explorer d’autres choses, le public aussi, et moi aussi. Je peux ainsi voir la compagnie dans différents styles sur une courte période.

 

 

Deux postes d’Étoiles sont disponibles depuis la saison dernière, un homme et une femme. C’est une question cruciale pour la compagnie. Comment va se faire votre choix ?

Nous décidons ensemble avec le Directeur artistique du Capitole Christophe Ghristi et la Directrice générale Claire Roserot de Melin. J’ai regardé chaque spectacle de La Sylphide. Nous verrons ensemble si nous nommons quelqu’un ou si nous attendons un peu. Je prends mon temps pour cette décision. Mais j’ai fait ma carrière au Ballet de Bavière, une compagnie qui a une hiérarchie. Je connais cette question très sensible, je comprends l’enjeu que cela représente pour les danseurs et danseuses.

 

Parlons maintenant de la suite. Quelle serait votre saison idéale ?

On se concentre sur la prochaine saison à programmer. Ce sera ma première et nous voulons un feu d’artifice pour les danseurs et danseuses, un cadeau pour Toulouse, pour le public, le Capitole et les artistes. Dans l’idéal, j’aimerais qu’une saison se divise ainsi. D’abord une création sur pointes et une création contemporaine, qui pourrait être dans un même programme, pour mettre en avant la force de la compagnie. Puis un grand ballet classique du répertoire.J’aimerais aussi une soirée contemporaine, avec des grands maîtres comme Hans van Manen, Jiří Kylián, Mats Ek, Nacho Duato, les grands noms du siècle, en les associant à un pari, un ou une jeune chorégraphe. Enfin un programme danseurs et danseuses chorégraphes, pour que les artistes de la troupe qui veulent chorégraphier puissent se lancer. Et puis j’aimerais monter un ballet spécial pour le jeune public, pour un petit effectif qui pourrait voyager facilement.

 

Quel-le-s chorégraphes aimeriez-vous inviter ? Quels sont vos goûts chorégraphiques ?

J’aimerais inviter Christian Spuck, qui écrit avec le langage classique tout en étant très moderne. Aussi Edward Clug, Johan Inger, Alexander Ekman, Andreas Heise, Bridget Breiner… Je voudrais inviter des chorégraphes étrangers, mais aussi français, et je connais peu ces derniers pour l’instant.

 

Vous avez chorégraphié lors de votre ancien poste de directrice. Cela fait partie de vos ambitions à Toulouse ?

Par pour les deux ou trois premières années. Après, peut-être. Mais j’ai postulé pour le poste de Directrice de la Danse, pas de chorégraphe.

 

Mon ambition : que tous les Toulousains et Toulousaines connaissent et aiment leur Ballet.

 

Quelles sont vos ambitions pour le Ballet du Capitole, à l’échelle de quelques années ?

Aujourd’hui, la troupe est très bonne. Je voudrais qu’elle soit excellente. Que ses qualités se développent, dans le répertoire classique comme moderne. Que ce soit une compagnie ouverte sur le monde. Et que tous les Toulousains et Toulousaines connaissent et aiment leur Ballet.

 

Pourquoi avoir voulu devenir directrice après votre carrière de danseuse ?

Quand je dansais, je n’ai pas tout le temps été une danseuse heureuse avec ma direction. J’ai voulu un jour être la directrice, et prouver que l’on peut être une directrice avec une vision, et aussi avec beaucoup d’empathie envers ses danseurs et danseuses, avec un grand coeur, un grand esprit et l’amour du ballet. Je suis née à Berlin-Est en 1968. Cela pouvait être dur étant enfant. Quand le Mur est tombé, cela a été un choc. Le monde était ouvert, tout était différent. Les choses devenaient possibles. Ce sentiment de liberté m’inspire.

 

Feux d’artifice par le Ballet du Captiole, à voir au Théâtre du Capitole du 21 au 31 décembre 2023.