[Prix de Lausanne 2024] Rencontre avec la candidate française Natalie Vikner
Après les garçons, place aux filles du CNSMDP candidates au Prix de Lausanne 2024. Et démarrons par Natalie Vikner. Âgée de 17 ans, elle a connu plusieurs écoles avant de trouver sa place au Conservatoire, où elle est aujourd’hui en DNSP3. Elle nous raconte son parcours et ses impressions sur ses premiers jours au Prix de Lausanne.
Vous êtes au Prix de Lausanne depuis plusieurs jours (ndlr : l’entretien a eu lieu le mercredi 31 janvier). Que retenez-vous de ces premiers jours ?
Tout s’est très bien passé pour moi pour l’instant. J’ai tout de suite été dedans, comme tout le monde. Le premier jour, on découvre les studios, le sol, les participants. On essaye de se concentrer sur soi-même tout en découvrant l’extérieur, on visite le théâtre. Nous sommes beaucoup restés ensemble, entre élèves du CNSMDP le dimanche. Depuis lundi, on ne se voit pas énormément avec les garçons, mais on se demande des nouvelles dans les couloirs.
Comment se passent les cours de danse, les coachings ?
J’ai retrouvé dans les cours de danse classique d’Élisabeth Platel des éléments que nous propose ma professeure du CNSMDP Isabelle Ciaravola, notamment dans le travail du milieu avec les pirouettes, la petite batterie. Je ne me suis pas trop sentie dépaysée. Élisabeth Platel a insisté sur le travail du bas de jambe, et sur le fait de rester en avant. Parfois, sous le coup du stress, du jury qui nous regarde et est devant nous, on peut partir en arrière. Pour la danse contemporaine, j’aime beaucoup les cours de Lakey Evans-Peña. Elle nous guide vraiment : elle n’est pas là pour nous juger, elle est là pour nous apprendre. Le style reste clair, précis, et cela ne m’a pas dépaysé par rapport à mon travail au CNSMDP. Enfin le coaching de la variation classique s’est bien passé avec Monique Loudières. Elle a insisté sur des détails, comme le bas de jambe dans les développés seconde, la présentation du bas de jambe pour des lignes de meilleure qualité, la précision dans les épaulements. La variation que j’ai choisie, La Fille du Pharaon de Pierre Lacotte d’après Marius Petipa, est une nouvelle variation au Prix de Lausanne. Je pense que Monique Loudières y posait aussi un nouveau regard et c’était bien d’avoir ses nouvelles impressions sur moi, sans préjugé sur cette variation.
Pourquoi avoir choisi cette variation ?
J’ai regardé plein de variations et j’ai décidé de faire celle-là. Elle me plait dans son caractère, son esprit, j’aime bien sa musique aussi. Le personnage est quelqu’un de très décidé : c’est la fille du Pharaon, elle a du pouvoir. À ce moment-là de la variation, elle s’est enfuie avec son amoureux et elle doit le défendre, elle doit assurer sa place. Ce n’est pas une variation où l’on montre la technique, en tout cas pas de la même façon. Quand on la regarde, on n’a pas l’impression qu’elle est difficile. Mais elle est dure dans la précision et la musicalité.
Comment l’avez-vous travaillée ?
Je l’ai d’abord travaillée avec Isabelle Ciaravola, qui a insisté sur le travail des pieds. On a travaillé sur la précision sur la musique, de ne pas traîner après la musique. mais d’y aller. Sur les deux dernières semaines, j’ai été coachée par notre nouvelle directrice Muriel Maffre. Elle a beaucoup insisté sur l’ampleur du haut du corps, de danser grand et de prendre l’espace. Cette variation a été chorégraphiée par Pierre Lacotte, elle est dans l’école française, mais elle a été créée pour des danseuses du Bolchoï. Il y a donc ce mélange des deux écoles que j’aime bien. J’aime le style Vaganova, le style russe. C’est plus large dans les bras, plus ample.
Vous aviez déjà dansé cette variation lors de la demi-finale parisienne du YAGP cet automne. Que vous a apporté cette expérience, très différente du Prix de Lausanne ?
J’ai eu le deuxième prix et je suis invité à la finale à New York, même si je ne sais pas encore si j’irais. Au YAGP, il n’y a pas de préparation et de cours, on arrive sur scène et si ça passe bien, tant mieux ! Cela m’a appris à être adaptable, à m’adapter à la scène, au sol, à l’éclairage, au plateau, très vite. Je suis habituée à ça.
Et pourquoi avoir tenté le Prix de Lausanne ?
Je le regarde depuis longtemps, cela m’a toujours inspiré et fait rêver. J’ai donc eu envie d’y participer. J’ai fait le stage l’été dernier et j’ai beaucoup aimé. J’aime l’ambiance du Prix et le fait que cela rassemble des gens passionnés du monde entier. J’espère y trouver une compagnie, c’est mon but premier ici.
Votre variation contemporaine à présent, qu’avez-vous choisie et comment l’avez-vous travaillée ?
J’ai pris Traces de Cathy Marston, une variation que l’on connaît bien au Prix de Lausanne. Elle m’a toujours touchée, j’aime ce côté folklorique, très joueur, j’aime beaucoup la musique aussi, elle est très agréable… et elle reste dans la tête. J’ai travaillé avec Raphaëlle Delaunay, ma professeure au CNSMDP, on a beaucoup travaillé sur le fait de baisser mon centre de gravité pour être plus ancrée, plus dans le plié. Muriel Maffre m’a aussi fait travailler. Elle a insisté sur le fait d’emmener le public dans mon imaginaire. Cette pĥrase m’a beaucoup parlé.
Comment avez-vous abordé la préparation mentale ?
On a eu une séance de coaching mental une ou deux semaines avant de venir, cela m’a aidé. On s’est préparé en réfléchissant sur ce que l’on devait garder en tête pendant cette semaine. Et la chose la plus importante qui en est ressortie, c’est l’identité : garder son identité, montrer qui on est, ne pas se comparer aux autres.
Quel est votre parcours dans la danse ?
J’ai commencé vers 7 ans. Et j’ai tout de suite adoré, la découverte de la scène a été incroyable. J’en ai fait de plus en plus, puis j’ai continué chez Monique Arabian qui m’a vraiment construite. Elle m’a donné un bon mental. Je suis restée deux ou trois ans avec elle. Je suis ensuite entré à l’École de Danse de l’Opéra de Paris, j’y ai fait mon petit stage de six mois et ma sixième division. J’y ai appris à travailler par moi-même, à être autonome. Je ne viens pas juste en cours : je prends les corrections du professeur et j’apprends à travailler de mon côté. Mais à la fin de la sixième division, je n’ai pas été invitée à y continuer ma scolarité. Ce fut dur sur le moment mais je me suis vite reprise, la vie continue. À la rentrée suivante, je suis allé à l’école Stanlowa, en sport-étude, où je suis resté un an. Puis je suis partie à l’école de la Palucca, à Dresde, en Allemagne, pendant un an. J’avais 13 ans.
Qu’est-ce qui vous a amené à partir vivre ainsi en Allemagne ?
Je n’ai aucune famille là-bas ! J’ai juste fait un stage d’été à la Palucca, avec des professeurs qui venaient de la Vaganova, une école que j’aime beaucoup, et d’un peu partout. À la fin du stage, il y avait une audition pour entrer dans l’école, je l’ai passée et j’ai été prise. Ma mère est venue avec moi et j’ai appris l’allemand. J’ai eu une professeure de danse russe, Olga Melnikova. Elle était dure, mais elle m’a beaucoup appris. Elle m’a appris le style Vaganova, à être forte mentalement. Elle était très exigeante. Cela m’a aussi appris à m’adapter rapidement à un nouvel environnement. Il y avait des professeurs très différents, cela allait d’Olga Melnikova à d’autres qui nous considéraient plus comme leurs égaux. Le Covid est tombé pendant cette année. L’école était fermée, on a travaillé à la maison pendant deux mois. Mais le confinement était moins strict qu’en France, on pouvait sortir.
Pourquoi être revenu en France ?
J’ai passé l’audition pour le CNSMDP pendant mes vacances, alors que j’étais rentrée à Paris. Je l’ai un peu passée sur un coup de tête. J’ai été prise et je me suis décidée à rentrer à Paris. Il y a vraiment une construction au niveau de l’enseignement. On démarre avec Isabelle Riddez en AP, qui nous apprend à être carré, très propre dans le placement. Puis Nolwenn Daniel en DNSP1. Elle nous a fait beaucoup progresser. On a abordé la grande technique, on a dû faire 16 fouettés à l’italienne aux portes ouvertes ! Ensuite Anne Salmon en DNSP2, très exigeante, nous a beaucoup fait progresser sur la technique. Il n’y a pas le choix avec elle, il faut apprendre à faire les 32 fouettés ! Enfin avec Isabelle Ciaravola en DNSP3, on apprend à danser et à montrer notre personnalité. Elle utilise tout ce que l’on a appris les années précédentes comme base et elle construit dessus pour nous faire développer notre personnalité artistique. Nous sommes le même petit groupe de cinq-six filles à être dans la même classe depuis quatre ans, il y a une bonne ambiance entre nous.
Qu’est-ce que vous aimez dans la danse ?
La danse, cela m’a toujours plus, toujours fait rêver. J’adore donner mon âme, partager ma joie avec le public.
Quels sont vos rêves pour votre carrière ?
J’aimerais aborder les grands rôles classiques : Odette/Odile, Aurore, pourquoi pas la Fille du Pharaon. Je ne pourrais pas dire ce que je voudrais pour toute ma carrière, parce que je fais sur ce que je sens dans le moment présent. Aujourd’hui, j’ai envie d’être dans une compagnie plutôt classique, ouverte avec un répertoire néo-classique et contemporain, mais je veux commencer par travailler le répertoire classique. Je n’ai pas de nom particulier de compagnie à donner : j’irai là où la vie me mène.
Vous êtes enfin très active sur les réseaux sociaux. Qu’en recherchez-vous ?
Je ne me suis jamais dit que je voulais avoir de nombreux followers. J’ai juste commencé pendant le confinement en 2020, à poster mes vidéos, juste comme ça, parce que je voulais partager ma danse. J’ai continué à poster mais cela est venu tout seul. Et je suis très contente d’avoir cette communauté !