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Voice Noise – Jan Martens

Jan Martens, artiste associé de la Comédie de Clermont-Ferrand, à l’invitation de sa directrice Céline Bréant y a présenté en avant-première sa nouvelle création Voice Noise. Pièce pour quatre danseuses et deux danseurs bâtie à partir du livre d’Anne Carson Le Genre du son dans lequel elle analyse l’invisibilisation – ou plutôt devrait-on utiliser le néologisme inaudibilisation – de la voix des femmes dans l’histoire dominée là-aussi par le patriarcat. Une oeuvre résolument politique, mais qui se refuse à être déclamatoire, et cherche le chemin étroit pour mettre en scène et en danse cette problématique passionnante. Jan Martens a collaboré étroitement avec ses six interprètes pour construire le mouvement et trouver le geste juste vers la traduction chorégraphique des recherches d’Anne Carson. S’éloignant des formes larges de ses derniers spectacles, le chorégraphe innove avec cette pièce de chambre singulière et joyeuse.

 

Voice Noise de Jan Martens

 

Ne jamais se répéter ! C’est le mantra des artistes qui refusent de labourer des terres qu’ils ont déjà parcourues avec succès. Fort d’un doublé remarquable et remarqué au Festival d’Avignon (Any attempt will end in crushed bodies en 2021 et Futur Proche en 2022), Jan Martens a voulu explorer, avec sa nouvelle création Voice Noise, d’autres esthétiques et revenir à une forme réduite, plus modeste, mais qui se présente comme un défi. Comment mettre en scène et chorégraphier une invisibilité, celle de la voix des femmes ? Il y a presque une contradiction dans les termes, une forme d’oxymore. Le chorégraphe belge a donc procédé de manière presque systématique en recensant des centaines de voix féminines, célèbres ou inconnues, pour en éliminer la plupart et conserver un corpus d’une quinzaine de titres. Ils couvrent différentes époques et abordent plusieurs styles : lyrique, jazz, country, pop. « Dès mon plus jeune âge, les voix de femmes chantantes ont eu une importance vitale pour moi« , explique Jan Martens. Il y a comme souvent un fort aspect autobiographique dans cette nouvelle création.

Il est passionnant de voir ce travail en mouvement, déjà presque terminé mais qu’il faut encore peaufiner. À l’issue de ces deux représentations à la Comédie de Clermont-Ferrand, Jan Martens confiait qu’il voyait ce qu’il faudrait revoir et couper avant la première. Ce que l’on découvre sur scène est néanmoins déjà très structuré. Pas de décor, les murs nus du plateau. Et au centre, comme un ring sans cordes, une estrade où tout va se jouer. Les interprètes sont déjà là et d’emblée on est ébloui par leur diversité. Aucune, aucun ne ressemble à l’autre et ces corps dissemblables sont la première porte d’entrée dans ce voyage musical abstrait qui se joue devant nous. Chaque morceau, chaque musique produit un mouvement : solo, unisson ou en groupe. Mais la danse ne s’arrête jamais, évitant le piège de l’illustration. Le son provoque une vibration des corps qui prennent différentes directions.

 

Voice Noise de Jan Martens – Mamadou Wagué

 

Jan Martens se réfère pour cette pièce à deux chorégraphes cultes qui ont agi dans des spectres très différents : Raimund Hoghe, le dramaturge de Pina Bausch, et Dominique Bagouet qui révolutionna la danse contemporaine dans les années 1980. Une manière de se situer aux marges comme ces deux figures tutélaires de la danse et de la danse théâtre. Les séquences du spectacle, scandées par la playlist de Jan Martens, n’altèrent pas l’unité du propos. Chacune et chacun a trouvé le geste juste, celui qui lui semblait convenir le mieux pour incarner ces musiques. Et c’est en grande partie dans le haut du corps que tout se joue, quand les bras s’étirent, s’allongent ou se replient et que le buste se penche. Il faut encore affiner les coutures et les passages d’une chanson à l’autre mais l’essentiel est déjà là. À certains passages très dansés succède une performance sans à-coup. S’il n’avait pas prévu à l’origine de faire chanter ses danseurs, leur participation vocale s’est imposée au fur et à mesure des répétitions. À six, regroupés, leur chant se déploie magnifiquement et évite leur propre invisibilisation vocale.

Avec ce nouveau projet, Jan Martens confirme qu’il est un artiste indispensable. Il nous a fait découvrir une autre manière d’entendre le clavecin et de le voir danser avec Futur Proche, a développé des géométries implacables dans Any attempt Will end in cruche bodies. Il aborde avec Voice Noise un chapitre plus cérébral, plus intime aussi, mais sans abdiquer la poésie. Ce faisant, il se livre encore un peu plus en nous invitant portes grandes ouvertes dans cet univers composé de voix féminines qu’il donne à entendre comme jamais.

 

Voice Noise de Jan Martens

 

Voice Noise de Jan Martens, avec Elisha Mercelina, Steven Michel, Courtney May Robertson, Mamadou Wagué, Loeka Willems et Sue-Yeon Youn. Vendredi 8 mars 2024 à la Comédie de Clermont-Ferrand en avant-première. Première mondiale à Anvers le 21 mars 2024. À voir du 27 au 29 mars à la Maison de la Danse de Lyon, les 3 et 4 avril à la Comédie de Valence, en tournée européenne

 

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