TOP

La Fille mal gardée de Frederick Ashton par le Ballet de l’Opéra de Paris – Léonore Baulac et Guillaume Diop

Avec l’arrivée des beaux jours, le Ballet de Opéra de Paris reprend deux feel good ballets : l’inusable Don Quichotte de Rudolf Noureev d’après Marius Petipa et La Fille mal gardée du britannique Frederick Ashton. Cette pastorale comique sur la musique de Louis-Joseph-Ferdinand Hérold est un délicieux divertissement qui ravit le public et que la compagnie prend beaucoup de plaisir à danser, si l’on en juge par la qualité du spectacle. Léonore Baulac et Guillaume Diop, seule distribution étoilée, ont inauguré la série avec autorité, soutenus par Simon Valastro qui a rechaussé les sabots de Mère Simone et Antoine Kirscher, irrésistible de maladresse et de naïveté dans le rôle d’Alain. Bonne humeur garantie !

 

La Fille mal gardée de Frederick Ashton – Ballet de l’Opéra de Paris – Léonore Baualc

 

La Fille mal gardée est une affaire franco-britannique. Le ballet fut créé sous forme de pantomime par Jean Dauberval au Grand Théâtre de Bordeaux, quelques jours avant la prise de la Bastille en 1789. Mais c’est Frederick Ashton qui assura la pérennité de l’œuvre en la chorégraphiant pour le Royal Ballet de Londres en 1960. D’aucuns s’étonnèrent que Brigitte Lefèvre, alors Directrice de la Danse, fit entrer en 2007 cette version au répertoire près de 50 ans après sa création. Elle venait pourtant combler plusieurs manques : il y avait peu de grands ballets narratifs comiques à Paris et aucune œuvre majeure de Frederick Ashton, l’un des grands maîtres britanniques de la danse académique unique dans son approche théâtrale du ballet. La Fille mal gardée a trouvé fort opportunément son chemin dans le répertoire de nombreuses compagnies.

Cela tient aussi à l’atmosphère bucolique et solaire des décors et costumes d’Osbert Lancaster. C’est une vision enchantée, presque paradisiaque que proposent Frederick Ashton et ses collaborateurs. Les rideaux de scène stylisés dépeignent une nature riche et flamboyante. Ses paysans portent des tenues immaculées, les paysannes des robes à carreaux sans tache. La basse-cour brille et l’intérieur de la ferme est vaste et cossu. C’est un réalisme de dessin animé qui réjouit l’enfant qui sommeille en nous tous. Cet univers sublimé d’une campagne imaginaire n’est pas pour rien dans la réussite de La Fllle mal gardée qui narre l’histoire ressassée des amours contrariés par une mère qui choisit l’argent d’un beau parti au mépris des sentiments. N’est-ce pas là aussi le destin de Kitri dans Don Quichotte ?

 

La Fille mal gardée de Frederick Ashton – Ballet de l’Opéra de Paris – Guillaume Diop

 

Léonore Baulac reprend le rôle de Lise qu’elle avait abordé lors de la série précédente en 2018. Elle y fait preuve de qualités dramatiques incontestables et campe avec finesse ce personnage mutin, rebelle, léger. Sa technique est sûre et elle maîtrise cette esthétique si particulière de Frederick Ashton. Léonore Baulac sait nuancer ses expressions du visage essentielles dans l’incarnation de Lise avec la juste mesure et sans risquer la caricature. Sa connaissance du ballet et de ses pièges est évidemment un atout important pour la prise de rôle de Guillaume Diop. Il s’en acquitte sans accrocs, brillant dans ses variations, développant une hauteur de sauts remarquables avec des réceptions impeccables. C’est aussi un partenaire irréprochable quand il s’agit d’exécuter des portés complexes et exigeants physiquement. On aurait aimé un peu plus de complicité dramatique ici et là qui viendra assurément au fil des représentations.

Mais La Fille mal gardé, ce sont aussi deux rôles comiques majeurs. Simon Valastro qui a troqué ses habits de danseur pour ceux de chorégraphe – il vient de triompher avec sa dernière création Memento à la Scala de Milan – revient au Palais Garnier pour cet emploi de Mère Simone. Pour un peu, il volerait le show ! Quel abattage dans cette incarnation d’une mère acariâtre mais aimante, avec le clou de la danse des sabots où il excelle en drôlerie et virtuosité. Ce trio est magnifiquement complété par Antoine Kirscher qui danse une nouvelle fois dans cette série le personnage d’Alain, jeune niais promis à Lise par son père. Paradoxalement, c’est le seul rôle qui ait une profondeur psychologique. Maladroit, tête en l’air, lunaire, il est l’objet des railleries incessantes, ce qu’on appellerait aujourd’hui du harcèlement. Antoine Kirscher apporte toute une gamme de nuances dans son jeu pour dépeindre un personnage plus complexe qu’il n’y paraît, tout en prenant à son compte l’arsenal comique du rôle avec une technique éprouvée. Il pourra se venger de ces humiliations en faisant ses débuts dans le rôle de Colas !

 

La Fille mal gardée de Frederick Ashton – Ballet de l’Opéra de Paris – Simon Valastro et Léonore Baualc

 

On a vu également un corps de ballet splendide. Alors que les premières représentations le montraient depuis le début de la saison un peu à la peine, tout était en place, donnant le sentiment d’un groupe joyeux prenant beaucoup de plaisir à danser cette comédie. Un regret tout de même ! Exit le poney du premier acte. Sans doute n’est-il plus possible aujourd’hui de montrer des animaux sur scène. Pour le reste, c’est un sans faute !

 

La Fille mal gardée de Frederick Ashton par le Ballet de l’Opéra de Paris. Avec Léonore Baulac (Lise), Guillaume Diop (Colas), Simon Valastro (Mère Simone) et Antoine Kirscher (Alain). Vendredi 15 mars 2024 au Palais Garnier. À voir jusqu’au 1er avril. Et à voir en replay sur France TV jusqu’au 20 septembre

 

Vous avez aimé cet article ? Soutenez la rédaction par votre don. Un grand merci à ceux et celles qui nous soutiennent. 

 

 




 

Comments (1)

  • JACQUELINE

    Vu sur France 4 CultureBox transmis en direct sur le Web. Je peux passer avec câble SDMI image et son sur l’écran du téléviseur.

    J’ai passé une agréable soirée, cela fait du bien, surtout en ce moment !

    C’est frais, joyeux, bien dansé par le corps de ballet et les solistes Léonore Baulac, Guillaume Diop, Simon Valastro (invité) et le premier danseur Antoine Kirscher.

    Pour « Don Quichotte » retransmis sur le site Web de l’Opéra et cinéma UGC, le sera-t-il aussi sur Culture Box ? Pas d’UGC dans ma localité.

    reply

Post a Comment