[Photos] La Fille mal gardée de Frederick Ashton par le Ballet de l’Opéra de Paris – Mars 2024
Le Ballet de l’Opéra de Paris a terminé une courte – mais intense – série de La Fille mal gardée de Frederick Ashton. On a regretté Mathias Heyman, mais l’on a applaudi chaleureusement Marcelino Sambé venu de Londres pour le remplacer. On a suivi de nombreux jeunes talents, mais aussi des plus anciens qui retrouvaient les devants. Et on a fini par applaudir la nouvelle Étoile Bleuenn Battistoni. Après la chronique, retour en images sur toutes les distributions de cette série, et un focus plus particulier sur trois d’entre elles.
Retour en images sur les différentes distributions de La Fille mal gardée de Frederick Ashton par le Ballet de l’Opéra de Paris :
En 2015, Marine Ganio décrochait son premier grand rôle avec Lise de La Fille mal gardée, sous la direction de Benjamin Millepied. Quel plaisir de l’y retrouver, presque dix ans plus tard. Ces années passées n’ont pas forcément été des plus simples pour la ballerine, qui n’était pas dans les plans d’Aurélie Dupont. Pourtant, la danseuse n’a rien perdu de son aisance naturelle en scène, ni de sa capacité à s’approprier un rôle. On est sous le charme de sa Lise très drôle et délurée, que je préfère personnellement à une vision plus romantique. Marine Ganio a le sens du jeu et du timing comique, associant à sa technique claire un jeu enlevé et beaucoup de complicité avec ses partenaires. Décidément : une âme de soliste !
Son partenariat fonctionne d’ailleurs très bien avec Jack Gasztowtt, le Colas du soir. Oublié ses performances gâchées par le stress ! Le danseur paraît d’emblée à l’aise et assuré, au jeu clair et se glissant avec charme dans ce rôle de demi-caractère. On croit tout de suite à son personnage facétieux et bonhomme, amoureux et farceur à la fois. Le stress au moment d’une difficulté technique se voit encore un peu trop, gâchant parfois ses fins de variation. Le danseur a cependant montré, au final, une nouvelle maturité. Ce joli duo était accompagné par Hugo Vigliotti en Mère Simone. On connaît les talents comiques de ce danseur, qui se glisse avec humour et entrain dans ce rôle pas évident. Le danseur y est dans l’outrance, peut-être parfois un peu trop, oubliant la tendresse du personnage pour sa fille. Mais son sens du jeu et du comique emporte le tout. Aurélien Gay est pour sa part plus potache que poète en Alain. Plus farceur que harcelé. Et il a envie de mettre un peu de bazar dans ce mariage arrangé qu’il n’apprécie pas plus que Lise ! Une vision que le danseur assume avec prestance et beaucoup d’entrain, sans oublier une certaine émotion lors du dénouement.
Une certaine Fille mal gardée de 2012, avec Myriam Ould-Braham, Josua Hoffalt, Stéphane Phavorin et Simon Valastro, reste l’une de mes plus belles représentations à l’Opéra de ces dernières années. La représentation de ce soir ne me l’a pas fait oublier, mais m’a rappelé le bonheur de voir ce ballet, petit bijou de fantaisie, que ce quatuor de 2024 a servi avec les honneurs.
Représentations du mardi 19 mars 2024
Amélie Bertrand
Hortense Millet-Maurin et Antoine KIrscher ne devaient avoir qu’une seule date ensemble et évidemment cette double prise de rôle ne pouvait que susciter notre curiosité. Tout particulièrement celle de la toute jeune Sujet âgée seulement de 19 ans, à peine plus que Lise à laquelle elle prête ses traits. La blessure d’Éléonore Guérineau vendredi 30 mars, qui l’a contrainte à quitter la scène au milieu du premier acte, a rajouté deux représentations au duo. Et Hortense Millet-Maurin a ainsi déjà su faire la démonstration qu’elle avait le cran d’assumer les remplacements au pied levé.
Dans le rôle de Lise, la jeune danseuse se révèle très à l’aise dès les premières minutes. Très expressive, elle a la candeur qui sied au rôle. Ingénue mais aussi coquine. Sa technique est sûre. Elle habite la scène avec aisance. Ces arabesques et pirouettes sont magnifiques et dans les portés, elle domine avec beaucoup d’aplomb. Elle le fait sans fanfaronnade avec une humilité bienvenue. De la graine d’Étoile assurément. Le partenariat avec Antoine Kirscher est fructueux. Tous deux s’approprient ce ballet, jalonné d’une foultitude de difficultés techniques mine de rien ! Dès le premier pas de deux du ruban, ils arrivent à nous faire croire que cette histoire d’amour a été écrite pour eux. La prudence de l’une tempère l’impétuosité de l’autre. Hortense Millet-Maurin excelle dans cette hésitation à céder aux avances de cet amoureux tout en le maintenant à distance quand il se révèle trop entreprenant. Ils forment un couple très assorti et l’expérience du Premier danseur, même s’il s’agit aussi d’une prise de rôle pour lui, se remarque. S’il demeure quelques fragilités techniques notamment dans la réception des sauts, certains solos sont très inspirés.
Cette représentation était aussi la dernière de Simon Valastro en Mère Simone. Son personnage est vraiment bien composé, ses mimiques irrésistibles. Chacune de ses apparitions déclenche l’hilarité. La complicité avec Hortense Millet-Maurin est bien réelle. Là aussi avec intelligence, la jeune danseuse sait s’appuyer sur l’expérience de son aîné, sans toutefois s’effacer. A eux d’eux, ils donnent un coup de fouet à l’éternel conflit des générations. Enfin, dans le rôle d’Alain, Théo Ghilbert insuffle quelque chose de très lunaire et poétique. Il n’est pas uniquement ce prétendant manipulable et ridicule. Joue-t-il l’idiot pour s’extraire de cette union dont il ne veut pas non plus ? Le doute demeure. Décidément, ce ballet fait du bien. Parce qu’on rit, ce n’est pas si courant dans les œuvres du répertoire classique. Les accents presque comédie musicale (la danse des sabots), la danse « venant du cœur », la vivacité des situations nous entraînent bien plus loin que cette bluette champêtre, énième variation autour des mariages arrangés, pourrait laisser augurer.
Représentation du lundi 25 mars 2024
Claudine Colozzi
Bleuenn Battistoni se souviendra éternellement de ce mois de mars 2024 qui fut moins un alignement miraculeux de planètes – ou d’Étoiles ! – qu’un scénario minutieusement écrit par José Martinez. À la veille du début de la série, on apprend que la Première danseuse a été choisie pour danser avec un invité surprise de toute dernière minute, le portugais Marcelino Sambé, Principal du Royal Ballet et l’un des meilleurs titulaires actuels du rôle de Colas. Ce sont en principe les Étoiles qui partagent l‘affiche avec les invités. Et c’est à Londres, dans l’antre de la danse ashtonienne, que Bleuenn Battistoni répète le rôle de Lise dans lequel elle a été programmée pour trois représentations.
Nommée Etoile lors de la seconde, elle étrenne son nouveau titre sur la scène du Palais Garnier le 31 mars sans trembler et sans aucune pression apparente. Droite sur ses pointes, elle déploie une danse naturelle, toute en maîtrise et en aisance technique, ce qui lui permet de développer de belles nuances dramatiques. La nouvelle Étoile semble déjà en totale possession de ses moyens qui sont immenses. Sa toute première variation est impeccable et on comprend que Bleuenn Battistoni va nous régaler d’une danse riche, pleine, nuancée, campant une Lise espiègle, délicate, drôle. Cette séquence de rêve doit beaucoup à Marcelino Sambé. Le style de Frederick Ashton fait partie de son patrimoine de danseur. Il est éblouissant dans le rôle de Colas, non seulement par ses prouesses pyrotechniques mais plus encore par sa maîtrise totale du rôle et de ses difficultés. On pressent qu’il peut en faire ce qu’il veut. C’est un partenaire idéal : les portés sont passés avec une facilité déconcertante alliant puissance et élégance. Et il possède cette qualité propre aux danseurs du Royal Ballet qui savent jouer aussi bien que danser. José Martinez avait parfaitement anticipé que ce couple ferait des étincelles.
Dans le rôle essentiel de Mère Simone, Hugo Vigliotti cabotine merveilleusement. Aurélien Gay livre une interprétation très personnelle du rôle d’Alain qui sous ses chaussons assurés, et armé de son indispensable parapluie rouge, fait un portrait singulier : moins niais qu’il n’y paraît, plus clown qu’à l’ordinaire comme si au fond ce jeune homme lui aussi manipulé vers un mariage arrangé faisait tout pour le faire échouer, quitte à jouer un personnage ridicule. Déjà l’une des plus belles soirées de la saison, peut-être la plus belle !
Représentation du dimanche 31 mars 2024
Jean-Frédéric Saumont
Rabaey michéle
Un danseur de caractére au firmament et une nouvelle étoile raffinée et sure d’elle.. Quelle exquise matinée!