Lettre à Marianela Núñez : Paris est une fête
Chère Marianela,
En ce mois de mai 2024, vous aviez rendez-vous avec Paris. Vous, la star du Royal Ballet, vous qui avez dansé dans le monde entier, vous n’aviez jamais foulé la scène du Palais Garnier. Il est vrai que les artistes invités y sont rares. Nous les guettons. Mieux, nous les espérons, comme des hirondelles au printemps. Si vous saviez l’effet qu’a produit l’annonce de votre venue il y a un an lors de la présentation de saison ! Merci au Directeur de la Danse à l’Opéra de Paris José Martinez d’avoir exaucé ce vœu de tant de balletomanes. Dès votre entrée, quand Giselle sort de sa chaumière et après chacune de vos variations, des applaudissements enthousiastes, voire des cris, ont retenti.
Vous aviez donc rendez-vous avec Paris et j’avais rendez-vous avec vous, Marianela. Pleine d’attente et d’excitation. C’est précieux une première rencontre dans une vie de journaliste. Mais alors que vous écrire qui n’ait déjà été écrit sur l’immense ballerine que vous êtes ? Mon étonnement d’abord. Celui d’avoir plongé dans ce ballet archi-connu comme si je le redécouvrais. Ce qui m’a frappée aussi, c’est combien vous aviez l’air d’être chez vous, sur cette scène, entourée des interprètes de la compagnie, comme si vous vous connaissiez depuis longtemps.
Dans l’acte I, vous incarnez une Giselle facétieuse, pleine d’allant, croquant la vie. Avez-vous vraiment 42 ans, l’âge où à l’Opéra de Paris, danseurs et danseuses tirent leur révérence ? Et en même temps, votre force tranquille nourrie de votre longue expérience vous fait régner sur le plateau comme une Reine sur son royaume. Un regard pour chacun, une attention pour l’ensemble, vous avez une autorité naturelle qui en impose. Votre badinage amoureux et votre folle espérance sonnent juste dans chaque parcelle de pantomime. Vous dansez comme à livre ouvert. Quelle grâce, quelle justesse dans votre jeu, dans vos sourires ! Jamais vous n’apparaissez comme une victime, mais comme la jeune fille forte, joyeuse et libre imaginée par Théophile Gautier. Quant à la chorégraphie, vous franchissez les obstacles avec une aisance et une technique qui impressionnent. Tout paraît facile, même la terrible diagonale sautée sur pointe.
Après la scène de la folie si parfaitement maîtrisée, l’attente de l’acte II. La Giselle que vous y proposez n’est pas aussi désincarnée que le livret le suggère. Vous êtes une apparition mais encore animée de cet amour qui vous rend vibrante. Vos sauts sont un enchantement. Vos arabesques s’étirent à l’infini, vos bras s’élèvent comme dans une prière. Chaque mouvement est passionné et désespéré. Votre objectif : sauver l’homme qui vous a trahie, mais auquel vous avez pardonné. Vous vous jetez dans cette entreprise avec une telle énergie que lorsque vous disparaissez, après avoir saisi subrepticement les mains de votre amoureux, c’est comme si vous mouriez une seconde fois. Tant de délicatesse dans ces minuscules détails qu’on s’en veut d’en avoir peut-être ratés.
À vos côtés, Hugo Marchand a pris une nouvelle dimension. Votre physique de tanagra contrastant avec sa haute stature donne quelque chose de bouleversant. Difficile de savoir qui des deux protège l’autre. Quelle alchimie entre vous ! Votre présence l’a visiblement incité à donner à son interprétation un relief auquel il ne nous avait pas habitués. C’est aussi la marque des grandes artistes de permettre à leur partenaire d’aller puiser des ressources nouvelles.
Pour tout cela, encore une fois merci, chère Nela. Cette soirée compte parmi celles que je garderai en mémoire comme un feu de joie. Quel bonheur que le public français vous ait réservé l’accueil, la standing ovation, et la brassée de rappels que vous méritez tant. À l’exception des soirées d’adieux des Étoiles, ou des nominations surprises, il est rare qu’il s’exprime avec autant de ferveur. Lors de la deuxième représentation, lundi 27 mai, il semblait même ne plus vouloir vous laisser partir. Deux soirées hors du temps où le cœur de Garnier a battu différemment. Je mesure le privilège d’en avoir été témoin.
Giselle de Jean Coralli et Jules Perrot adapté par Patrice Bart, par le Ballet de l’Opéra de Paris. Avec Marianela Núñez, artiste invitée et Principal du Royal Ballet de Londres (Giselle), Hugo Marchand (Albrecht), Valentine Colasante (Myrtha) et Jérémy-Loup Quer (Hilarion). Samedi 25 mai 2024 au Palais Garnier.
Ghislain
Merci pour ce compliment si joliment écrit et tellement mérité par cette sublime danseuse qu’est Marialela Nunez !
Marye Mel
Marianela est une des grandes. Plaisir de la voir, ainsi que Natalia O.
Labarthe
On ne peut mieux dire! Une soirée à marquer d’une pierre blanche. Quel bonheur d’avoir pu être là !
Sonia
Merci et bravo pour cette lettre! Quelles soirées déjà mythiques…
Maina Gielgud
Entièrement et totalement de votre avis
MARIA-HELENA
Parfaitement mis en mots ce que nous avons tous ressenti. Merci beaucoup
Marie-Hélène
Accords parfaits pour cette soirée, nous étions au-delà de la perfection grâce à Marianela, je dirais même, rencontre avec le divin!
Hugo Marchand a une technique éblouissante et majestueuse, c’est artiste exceptionnel!
Merci pour cette soirée fabuleuse qui nous a permis de rêver « éveillés ». J’espère que nous pourrons la revoir à Paris….