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Outsider de Rachid Ouramdane – Ballet du Grand Théâtre de Genève

C’est avec le Ballet du Grand théâtre de Genève, à l’invitation de son directeur Sidi Larbi Cherkaoui, que Rachid Ouramdane a créé Outsider. Une pièce pour vingt-deux danseuses et danseurs et quatre highliners, ces garçons et ses filles qui ont le talent de marcher sur un fil en altitude. Le directeur du Théâtre national de la Danse Chaillot approfondit ce savoir-faire en se fondant sur la musique minimaliste de Julius Eastman interprétée en direct par quatre pianistes. Ballet nécessairement aérien à l’écriture soignée et impeccable, Outsider s’inscrit dans l’œuvre de Rachid Ouramdane comme une étape dans un parcours exigeant, prolongeant ses expériences précédentes qui ont produit de superbes spectacles avec la compagnie circassienne XY, 

 

Outsider de Rachid Ouramdane – Ballet du Grand Théâtre de Genève 

 

Outsider de Rachid Ouramdane, pièce créée pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève et quatre funambules de l’extrême,est avant tout le choix d’une partition singulière, injustement méconnue de Julius Eastman, musicien noir américain homosexuel. Né en 1940, il fut un compositeur et  pianiste virtuose, aussi à l’aise dans l’interprétation du jazz que dans la musique minimaliste qu’il affectionne. Ce musicien mort en 1990 à l’âge de 49 ans a longtemps été invisibilisé. Militant gay revendiquant les droits civils pour la communauté noire, le monde musical new-yorkais l’a toujours considéré, malgré son immense talent, comme un outsider. Sans doute Rachid Ouramdane, qui nous fait ce cadeau de faire entendre cette musique oubliée, a-t-il conçu le titre de sa pièce comme une évidence.

Mais c’est en la transférant sur les danseuses et les danseurs que le chorégraphe applique cette ligne de force. « Dans ce titre, on retrouve une idée qui me fascine : comment, au travers du geste, se révèle-t-on un peu à soi-même, comment découvre-t-on des choses de soi ? », s’interroge Rachid Ouramdane dans le programme. C’est l’écoute attentive des deux pièces de Julius Eastman qu’il a choisies – Outsider Evil Nigger (1978) et Gay Guerilla (1979) – qui ont dicté la structure de ce ballet, avec cette superposition constante de phrases rythmiques. Cette construction magnifiquement portée par les quatre pianistes, dirigés par Stéphane Ginsburgh, autorise aussi bien les séquences en canon que la recherche d’un unisson.

C’est sur une course folle, à toute allure et que l’on pourrait presque croire anarchique, que s’ouvre Outsiders. Mais on discerne très vite que ces mouvements sont rigoureusement organisés. Ce sont comme des « nuées d’étourneaux » pour reprendre l’image utilisée par Rachid Ouramdane. Ce désordre n’est qu’un faux-semblant qui tend inéluctablement vers la constitution du groupe. Cette image utilisée par le chorégraphe, cette référence aux oiseaux qui volent en groupe, explicitent une grande part du propos de Rachid Ouramdane. Avec Outsider, il conjugue une danse terrienne ancrée au sol des vingt-deux danseuses et danseurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève, qui au fur et à mesure sont appelés à quitter leur zone de confort à l’appel de l’envol incarné par quatre highliners. Ce dialogue dans l’espace s’inscrit dans l’œuvre de Rachid Ouramdane qui, après sa fructueuse collaboration avec la compagnie XY qui produisit Möbius puis le surprenant Corps Extrêmes, creuse ce superbe sillon, élargissant sa géométrie dans l’espace.

 

Outsider de Rachid Ouramdane – Ballet du Grand Théâtre de Genève 

 

Il y  a comme une constante dialectique entre l’air et le sol. Les interprètes de Genève sont époustouflants, capables d’une virtuosité sans relâche, exécutant des portés qui penchent davantage vers l’acrobatie et la recherche constante de vaincre la gravité. En hauteur, ce sont les quatre highliners qui écrivent l’histoire. Ils surgissent dans un second acte, accroché à leur fil. On remarque évidemment instantanément Nathan Paulin, champion absolu de la discipline, poète et géographe qui a transformé la vision et l’image du funambulisme. Il surclasse ses partenaires tant marcher sur un fil lui est naturel. Ces tourbillons sont magnifiquement scénographiés par Sylvain Giraudeau et subtilement éclairés par Stéphane Graillot. Ils ne sont pas pour rien dans la réussite esthétique d’Outsider qui produit des tableaux d’une intense beauté.

Rachid Ouramdane est un homme pressé, infatigable. Malgré la fermeture de la salle Jean Vilar, il a réussi à faire vivre le Théâtre National de la Danse Chaillot en inventant les #chaillot expériences, week-ends festifs autour de thèmes et d’artistes, ouvrant grandes les portes du théâtre. Mais il reste avide de créer. Après la reprise d’Outsider à La Villette Paris en juin, Rachid Ouramdane revisite et élargit son spectacle phénomène Möbius Morphosis dans le contexte olympique. Avant encore une nouvelle pièce, prévue cet automne. 

 

Outsider de Rachid Ouramdane – Ballet du Grand Théâtre de Genève 

 

Outsider de Rachid Ouramdane par le Ballet du Grand Théâtre de Genève. Avec les danseurs et danseuses Yumi Aizawa, Céline Allain, Jared Brown, Adelson Carlos, Anna Cenzuales, Zoé Charpentier, Quintin Cianci, Oscar Comesaña Salgueiro, Diana Dias Duarte, Armando Gonzalez Besa, Zoe Hollinshead, Julio León Torres, Mason Kelly, Ricardo Macedo, Emilie Meeus, Léo Merrien, Stefanie Noll, Juan Perez Cardona, Luca Scaduto, Sara Shigenari, Geoffrey Van Dyck, Nahuel Vega Madeline Wong, et les funambules Nathan Paulin, Tania Monier, Louise Lenoble et Daniel Laruelle. Vendredi 3 mai 2024 au Grand Théâtre de Genève. À voir à la Grande Halle de la Villette, Chailot hors-les-murs, du 21 au 24 juin, à la MC2 de Grenoble du 9 au 11 octobre

Möbius Morhosis, à voir du 2 au 4 juillet aux Nuits de Fourvière à Lyon, le 9 juillet à Bonlieu, Scène nationale d’Annecy, du 16 au 18 juillet au Panthéon de Paris.

 

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