[Festival de Marseille 2024] …How in salts desert is it possible to blossom… de Robyn Orlin
Présentée en ouverture de la 29e édition du Festival de Marseille avant Montpellier danse, …How in salts desert is it possible to blossom…, la dernière pièce de la chorégraphe Robyn Orlin agit comme une caisse de résonance des maux de la société sud-africaine, en premier lieu de la violence endémique. Face à cette réalité, elle oppose une jeunesse résiliente prompte à dénoncer, mais aussi à se projeter dans un avenir où la nation arc-en-ciel aurait enfin une réalité. Cette célébration de la vie, cette fougue portées par les cinq interprètes du Garage Dance ensemble et les deux musiciens du groupe uKhoiKhoi ont su faire se lever le public et battre les cœurs à l’unisson. La force du spectacle vivant qui émeut et met en mouvement.
La programmation du Festival de Marseille est généralement une ouverture vers un ailleurs. Promesse tenue avec …How in salts desert is it possible to blossom… (…Comment peut-on fleurir dans un désert de sel…) de Robyn Orlin qui est apparue correspondre parfaitement à cette manifestation. Célébrer la vie même dans des temps qui s’assombrissent. Porter un message d’espoir. En ouverture de cette 29e édition, les mots de Marie Didier, la directrice du festival, accompagnée de Robin Renucci, directeur de la Criée, Théâtre national, relatifs aux craintes pesant sur le spectacle vivant, et sur tout le secteur de la culture, ont résonné avec force.
En donnant un nom qui raconte déjà une histoire, …How in salts desert is it possible to blossom…, comme elle est coutumière du fait, la chorégraphe plante le décor. Une invitation vers une terre lointaine située dans le nord de l’Afrique du Sud, quasiment à la frontière avec la Namibie. En 2022, Robyn Orlin s’est rendue à Okiep, ancienne ville minière, devenue township déshérité subissant les tourments du pays. Elle y a fait la connaissance des jeunes danseurs du Garage Dance Ensemble (une compagnie de danse professionnelle dirigée par Alfred Hinkl et Jon Lin, tous deux originaires de cette ville). La chorégraphe, qui affectionne de solliciter des compagnies basées dans son pays d’origine, a aussi collaboré avec le duo uKhoiKhoi de Johannesburg, le musicien et compositeur Yogin Sullaphen et la chanteuse Anelisa Stuurman, tous deux incroyables. De ce travail est née cette pièce ancrée dans la réalité de ces jeunes Sud-Africains, qui peut se lire comme une allégorie de l’importance de l’art dans la régénération de toute société. Comment peut-on créer sur un terreau stérile ?
La violence (formidable solo au début de la pièce évoquant cette bête féroce) a toujours traversé cette société. Elle se crispe aujourd’hui sur la question du genre et des identités, sur des minorités qui subissent discriminations et ostracisme. Si le constat de Robyn Orlin et de ces danseurs et danseuses apparaît terriblement lucide sur les maux de ce pays, personne ne semble s’y résoudre. Là où la terre semble improductive, curieusement la vie peut renaître. Comme sur la terre d’Okiep qui, chaque année comme par un heureux miracle de la biodiversité, se couvre de milliers de fleurs. C’est à un spectacle total à la beauté plastique intense auquel cette pièce nous convie entre chant, danse et vidéos. Mille et un paysages se succèdent grâce aux belles projections vidéo live. Elles offrent un prolongement qui fait voyager au-delà du plateau. Avec simplicité, Ils nous entraînent avec eux sur cette terre où malgré tout ils projettent un avenir.
Le spectacle semble s’écrire en direct. Une fête à laquelle on veut prendre part. Il manque peut-être des mouvements d’ensemble qui donneraient encore davantage de souffle. Restent quelques scènes puissantes comme ce solo du danseur Byron Kalssen, torse nu en jupon orange dont la présence magnétique nous ensorcelle. La danse soigne et permet de dépasser les traumatismes. Société en mutation, l’Afrique du Sud continue de tenter de se débarrasser des oripeaux du passé colonial. Au fur et à mesure, sous l’effet de leurs mouvements, danseuses et danseurs se délestent des couches successives de vêtements dont ils sont recouverts. Une sorte de renaissance. Pièce engagée comme Robyn Orlin nous y a souvent habitués. …How in salts desert is it possible to blossom… distille une joie de vivre explosive qui contraste avec ce qui est dénoncé. Le rire de la mama africaine, impressionnante Esmé Marthinus, emporte tout sur son passage.
…How in salts desert is it possible to blossom… de Robyn Orlin. Avec Faroll Coetzee, Crystal Finck, Georgia Julies, Byron Klassen et Esmé Marthinus. La Criée, Théâtre national de Marseille. Dimanche 16 juin 2024. À voir les 22 et 23 juin 2024 au festival Montpellier Danse, les 27 et 28 juin 2024 au Théâtre Garonne de Toulouse, puis du 27 au 30 novembre 2024 à Chaillot, Théâtre national de la Danse dans le cadre du Festival d’Automne- Paris et les 4 et 5 décembre 2024 au Manège, Reims.
Le Festival de Marseille continue jusqu’au 6 juillet 2024.
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