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[Montpellier Danse 2024] Cloud Gate Dance Theatre, Wayne McGregor, Arkadi Zaides

Clap de fin pour le 44e festival de Montpellier Danse, le dernier de son directeur emblématique Jean-Paul Montanari, qui laisse la place à l’automne. Cette édition 2024 fut riche de créations et de découvertes, de Saburo Teshigawara à Dimitri Chamblas. Place encore à quelques spectacles, qui nous ont enthousiasmé, interpellé ou déçu : le Cloud Gate Dance Theatre, Wayne McGregor ou Arkadi Zaides.

 

Lunar Halo de Cheng Tsung-Lung – Cloud Gate Theatre of Taiwan

 

Il y a bien longtemps que l’on n’avait vu sur scène en France le Cloud Gate Dance Theatre of Taiwan. Lors de leur dernier passage, son fondateur Lin Hwai–min, immense chorégraphe était encore le directeur artistique de cette compagnie exceptionnelle. Il a depuis passé la main à Cheng Tsung-Lung. Ce dernier est venu à Montpellier Danse avec une pièce créée il y a cinq ans, Lunar Halo. Le titre fait référence à un phénomène naturel, “lorsque la lumière est réfractée par des couches de cristaux de glace dans l’atmosphère pour produire un anneau étincelant autour de la Lune…”. C’est dans le ciel d’Islande, précise la note d’intention, que l’on observe cet halo lunaire. Cheng Tsun-Lung a donc très logiquement sollicité le groupe islandais Sigur Rós pour cette pièce qui met en jeu un système de lumières complexes avec lequel interagissent les treize danseurs et danseuses de la troupe.

C’est d’une beauté immédiate qui saisit et envoûte instantanément. Cheng Tsung-Lung a l’ambition de montrer comment les nouvelles technologies construisent un monde nouveau et accroissent notre dépendance envers les moyens de communication. Il n’est pas certain que ses intentions soient vraiment illustrées dans sa chorégraphie. Il y a dans Lunar Halo un manque d’aspérités. Mais c’est finalement secondaire car la pièce est sublimée par l’excellence de ses treize interprètes. Formés à toutes sortes de styles, de la danse contemporaine aux gestes folkloriques de Taiwan, des arts martiaux au ballet, pratiquant également la médiation et désormais les danses urbaines, les danseuses et danseurs du Cloud Gate Dance Theatre savent à peu près tout faire et avec le style.

Solos, duos, ensembles s’imbriquent dans un récit qui ne laisse rien au hasard et ne tolère pas l’improvisation. La musique planante de Sigur Rós nous plonge dans cet univers cathartique qui se vit comme un voyage initiatique. C’est une danse très physique que produisent les treize artistes du Cloud Gate Dance Theatre, alternant portés audacieux et unissons parfaits. Ils imposent leur force et leur savoir-faire avec subtilité. Le Corum leur a fait un triomphe. “Quand ça danse, le public ne se trompe pas”, commentait Didier Deschamps, l’ex-directeur du Théâtre de Chaillot qui supervise aujourd’hui le Festival de danse de Cannes. Et on ne peut que souscrire à ce constat : la danse est le noyau dur du spectacle quand trop de propositions contemporaines oublient que c’est ce langage que les spectatrices et spectateurs viennent aussi chercher. Certes, la chorégraphie de Cheng Tsung-Lung est parfois un peu trop lisse mais le spectacle reste infiniment festif, divertissant sans jamais être trivial.

Lunar Halo de Cheng Tsung-Lung par le Cloud Gate Theatre of Taiwan. Vendredi 28 juin 2024 au Corum de Montpellier.

Jean-Frédéric Saumont 

 

Deepstaria de Wayne McGregor,

 

En arrivant à Montpellier Danse pour cette édition 2024, j’attendais beaucoup de la création de Wayne McGregor alors que que la pièce de Saburo Teshigawara me laissait d’avance circonspecte. Ne pas se fier à ses a priori ! Voice of Desert fut une pièce magistrale. Alors que Deepstaria, la création du chorégraphe anglais, laissa clairement sur sa faim. Avec le Royal Ballet, Wayne McGregor fait un travail fantastique : preuve en est avec son puissant The Dante Project vu à l’Opéra de Paris la saison dernière, ou Woolf Works. La perspective de le voir cette fois-ci avec sa propre compagnie était donc alléchante. Mais Deepstaria tombe à plat. Les neuf interprètes de la pièce sont vertigineux de virtuosité et de présence. Mais ils semblent s’agiter en vain sur une musique planante triturée à l’IA sans aucun intérêt. Rien ne vient provoquer d’aspérité, ni la lumière léchée, ni l’attendue suite de solo, pas de deux et ensemble. Le chorégraphe semble aussi bloqué dans une veine des années 2000, où les duos restent principalement constitués d’un homme manipulant le corps d’une femme pour la pousser à des positions les plus extrêmes possible. Les formidables interprètes méritaient mieux.

La performance The Cloud d’Arkadi Zaides, vue en début de journée, fut bien plus interpellante, même si elle tenda plus vers le théâtre que vers la danse à proprement parler. Dans le vaste Studio Bagouet, le danseur a installé un imposant dispositif, avec un vaste écran géant sur un mur de scène, quelques ordinateurs et leurs bidouilleurs sur un autre côté. Arkadi Zaides se raconte. De son récit biographique, né en Biélorussie, parti en Israël à 11 ans, habitant aujourd’hui en France, émerge le nuage : celui de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, à quelques centaines de kilomètres de sa maison d’enfance. L’artiste parle de cette tragédie, des liquidateurs, de leurs équipements et de ce nuage mortifère qui a traversé l’Europe pour évoquer sa propre identité, mêler la grande et la petite histoire, pour finir sur le Covid, la guerre en Ukraine et le conflit israélo-palestinien. Sur l’écran, l’IA s’active, créant des images à partir du récit Arkadi Zaides – parfois réalistes, parfois déformées, l’IA n’est pas parfaite – les lie entre elles comme d’étranges tableaux, créant un second nuage qui semble comme prendre vie pour raconter un autre récit. The Cloud s’étire un peu trop, peut nous perdre au passage. Mais le récit de Arkadi Zaides fascine et interpelle.

Deepstaria de Wayne McGregor, avec Rebecca Bassett-Graham, Naia Bautista, Salvatore De Simone, Jordan James Bridge, Chia-Yu Hsu, Hannah Joseph, Jasiah Marshall, Salomé Pressac et Mariano Zamora Gonzalez. Lundi 24 juin 2024 au Corum de Montpellier.

The Cloud d’Arkadi Zaides, avec Axel Chemla–Romeu-Santos, Misha Demoustier et Arkadi Zaides. Lundi 24 juin 2024 au Studio Bagouet de l’Agora.

Amélie Bertrand

 

The Cloud d’Arkadi Zaides

 

 

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