[Photos] Le Lac des cygnes de Rudolf Noureev – Ballet de l’Opéra de Paris – Juillet 2024
Le Ballet de l’Opéra de Paris a terminé sa saison avec, entre autres, une reprise de l’inusable Lac des cygnes de Rudolf Noureev d’après Marius Petipa et Lev Ivanov. Après la chronique d’une des représentations, menées par Bleuenn Battistoni, Hugo Marchand et Florent Melac, place aux photos du spectacles avec les différents trios qui se sont succédé sur toute la série. Et un focus plus particulier par écrit sur deux autres distributions.
Voir les photos du Lac des cygnes de Rudolf Noureev par le Ballet de l’Opéra de Paris :
C’est une distribution guettée par les balletomanes aguerris : voir Héloïse Bourdon sur scène dans un premier rôle est une promesse qui ne se manque pas. Éblouissante il y a quelques mois en Kitri, elle reprend le double rôle d’Odette/Odile dans lequel elle a brillé pour la première fois il y a neuf ans, et avec lequel elle fut même invitée dans l’antre de Marius Petipa et Lev Ivanov pour le Festival de danse de Saint-Pétersbourg. Elle fit un retour inoubliable sur la scène de Bastille : technique immaculée, des jambes magnifiques et une manière limpide de raconter l’histoire. Sa pantomime est d’une lisibilité totale, sa danse d’une absolue liberté. Jamais Héloïse Bourdon ne semble préoccupée par les chausse-trappes de la chorégraphie de Rudolf Noureev. Elle a affiné son personnage et ses intentions : son Odette n’est pas une femme fragile mais une reine ! L’adage avec son partenaire Jérémy-Loup Quer est d’une profonde délicatesse, truffé de multiples nuances. Le danseur tout aussi convaincant dans son incarnation du Prince Siegfried. Dans sa première scène, assis, il apparaît perdu, noyé dans une profonde mélancolie. Trop souvent, les danseurs ont tendance à se laisser admirer alors que cette introduction est capitale pour la suite du rôle. Jérémy-Loup Quer sait très bien où il va et quel personnage il veut interpréter. Son Siegfried ne voit rien ni personne. Tout n’est pas parfait dans sa danse mais il y a de la conviction, une évolution que l’on suit d’acte en acte où il s’enfonce dans une myopie délétère qui le perdra.
Thomas Docquir reprenait Rothbart et quelle évolution depuis ses dernières interprétations de ce double personnage ! C’est avant tout un rôle de caractère déterminant car c’est le pivot de l’histoire. Et Thomas Docquir, magnifiquement grimé, a considérablement haussé ses talents d’acteur. Il conduit sans peur et sans reproche l’unique variation avec une jolie touche personnelle. Qu’il ait été nommé Premier Danseur n’est que justice. On rêvait évidemment du titre d’Étoile pour Héloïse Bourdon. Sa danse est de ce niveau-là comme elle le démontra dans son interprétation stellaire d’Odile : nul besoin de sourire sarcastique, tout se dit dans la danse, terriblement difficile mais qu’elle maîtrise en concluant avec des fouettés parmi les meilleurs du Ballet de l’Opéra de Paris. Il faudra encore patienter….
Représentation du lundi 24 juin 2024 à l’Opéra Bastille
Jean-Frédéric Saumont
« Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve« . Parfois, en sortant d’une salle de spectacles une parole de chanson ou un vers d’un poème viennent télescoper l’impression laissée par la représentation. Pourquoi Gainsbourg a-t-il surgi au sortir de ce Lac des cygnes ? Il me faut sans doute chercher du côté de ce Siegfried languissant qui se réfugie dans ses rêves pour s’extraire d’une réalité peu réjouissante. Germain Louvet se glisse dans la peau de ce Prince dont il possède la noblesse et les lignes. Que cherche-t-il à fuir dans cette passivité quasi mortifère ? Les convenances sociales ? Un mariage arrangé ? Si l’acte I traine un peu en longueur (je garde le Pas de trois auquel Clara Mousseigne, Bianca Scudamore et Mathieu Contat donnent beaucoup d’allant et de pétillance) et m’apparait toujours moins passionnant que le reste de ce ballet, il permet de suivre ce Prince dans ses atermoiements.
L’échappatoire prend les traits d’un cygne incarné par une Hannah O’Neill impériale. Le duo se connaît bien et forme un partenariat assuré. Comme souvent, Germain Louvet, en plus de déployer une technique rigoureuse, se montre un partenaire attentif, qui met en valeur son Odette/Odile. Depuis sa prise de rôle remarquée en 2015, l’Étoile l’a finalement peu dansé. Et elle se coule dans cette double interprétation avec l’abattage qui la caractérise. Tours attitude exquis, fouettés impeccables… Mais ce qu’il faut retenir, ce sont ses bras magnifiques ! On pourrait presque écrire toute une chronique sur ces ailes divines à l’expressivité parfaite. D’aucuns reprocheront peut-être à la danseuse une attitude un peu impassible. C’est qu’ils n’ont pas compris ce que les bras d’Hannah O’Neill ont à nous dire. Ils frémissent, palpitent, virevoltent. Nous sommes assurément bien au-delà de la pantomime. C’est d’ailleurs son Odette qui prime à mes yeux. Peut-être parce qu’elle ne cherche pas tant que cela à accentuer le contraste entre ces deux visages de femmes et qu’en Odile, elle n’est jamais dans une provocation aguicheuse. L’ambiguïté se révèle plus subtile. Elle noue avec Rothbart une alliance discrète dont il faut savoir percevoir les pièges. Thomas Docquir, récemment promu Premier danseur, complète ce trio de la meilleure façon qui soit. Il campe un vrai méchant à la félonie glaçante. Par ailleurs, il enflamme le plateau dans la variation de l’acte III avec un ballon qui force l’enthousiasme.
Mais le bonheur pour le public réside aussi, et surtout, dans ce magnifique corps de ballet créant un unisson hypnotisant. Une parfaite géométrie des ensembles qui donne un relief délicat telle une étoffe douce et ouatée à ce Lac dont on ne se lasse décidément pas.
Représentation du 9 juillet 2024 à l’Opéra Bastille.
Claudine Colozzi
Jaya B
Merci pour ces regards experts
Nathalie Mahout
Vos articles sont magiques… je suis passionnée de danse classique depuis si longtemps…
Dionys
Vos articles nous accompagnent dans.la beauté de cet « au-delà du miroir » chère à Noureev. Depuis Petipa il y a eu Freud, et d’autres… Le Lac des Cygnes est toujours contemporain.
Motet Emma
Vos chroniques sont toujours justes pour les danseurs merci de nous les faire partager
Emma
Ballet
Héloïse bourdon mériterait vraiment d’être nommée étoile.