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Akram Khan – Gigenis, The Generation of Earth

C’est le Grand Théâtre d’Aix-en-Provence qui a lancé la saison avec la création d’Akram Khan Gigenis, the Generation of Earth, présentée en avant-première. Le chorégraphe britannique revendique avec cette nouvelle pièce un retour à ses origines indiennes en plongeant dans un épisode du Mahâbhârata, ce texte fondateur de la mythologie indienne. Superbement entouré de sept danseuses et danseurs, d’un quartet de musiciens et d’un chœur, il compose un opéra couvrant un large spectre d’émotions, habillées par une dramaturgie ciselée. Akram Khan revient ainsi en beauté aux fondamentaux de la danse indienne après avoir exploré de multiples esthétiques. Gigenis est l’un de ses plus beaux spectacles.

 

Gigenis, The Generation of Earth – Akram Khan

 

Akram Khan surgit sur la scène londonienne au tournant des années 2000. Ce virtuose du kathak, qu’il pratique depuis l’âge de sept ans, a immédiatement séduit le public. Avide d’élargir sa panoplie stylistique, il entame une série de collaborations luxueuses. Ainsi il dialogue avec le belge Sidi Larbi Cherkaoui, se confronte au flamenco rock d’Israel Galván et est sollicité par la Danseuse Étoile Sylvie Guillem avec qui il créa Sacred Monsters, faisant le tour du monde. Ce spectacle qui se joua à guichets fermés lui ouvrit les portes de l’English National Ballet où il créa, à la demande de Tamara Rojo une Giselle contemporaine saluée par le public et la critique et qui n’a plus quitté depuis le répertoire de l’ENB.

Akram Khan avait annoncé ses adieux à la scène comme danseur lors de la tournée triomphale de Xenos, en 2022, spectacle en solo évoquant le sort des soldats indiens enrôlés lors de la Première Guerre mondiale. Pour le plus grand bonheur de tous, il a décidé de différer ses adieux pour sa nouvelle création Gigenis, the Generation of Earth. C’est aussi une rupture dans son œuvre. Pour la première fois, Akram Khan écrit une pièce chorale qui plonge non seulement dans la mythologie indienne mais aussi dans son esthétique. Le chorégraphe a choisi des danseuses et des danseurs exceptionnels, solistes pour la plupart, dotés d’une technique spécifique de l’art de la danse indienne. Il retourne aussi aux sources du Mahâbhârata qui font partie de son identité depuis son plus jeune âge, lorsqu’il fut figurant enfant dans la production mythique de Peter Brook en 1985 au Festival d’Avignon. Ce texte fleuve est une mine inépuisable pour raconter le monde, ses joies et ses tourments.

 

Gigenis, The Generation of Earth – Akram Khan

 

Gigenis, The Generation of Earth s’arrête sur un épisode, mettant aux prises une mère dont le mari est mort à la guerre et dont les deux fils incarnent le bien et le mal, l’harmonie et le chaos. Ils sont huit artistes sur scène pour interpréter ce récit épique, entourés par les musiciens et le chœur avec pour chef de file le Kalamandalam Rajeev aux percussions Mizhâvu. Paradoxalement, on ne retrouve pas instantanément dans la pièce la signature d’Akram Khan, tant les interprètes déploient une virtuosité inscrite profondément dans leur identité artistique ; chacune et chacun offre un savoir-faire remarquable. Le travail sur le haut du corps et les mouvements des bras et de mains, si caractéristiques des danses indiennes, est ici porté au sommet, sublimé par les lumières de Zeynep Kepekli qui fait briller d’or les doigts des interprètes. Akram Khan fait alterner les solos et les unissons, laissant les danseuses et les danseurs exprimer leur individualité. Le bref synopsis permet de suivre le cours du récit, les combats, la mort, les interrogations, les renoncements. Dans une scénographie épurée ouvrant en U vers le public, Peggy Housset a dessiné des costumes sobres aux lignes claires.

Les sons de tonnerre qui ouvrent le spectacle, la puissance de la musique conçue par Dave Price et orchestrée par Jyotsna Prakash contribuent à faire de Gigenis, The Generation of Earth un spectacle total, un opéra qui allie modernité et tradition. Le spectacle va s’élancer dans une tournée internationale qui passera par Paris, Londres, Singapour, New York…Akram Khan va pouvoir ainsi peaufiner son œuvre. Les représentations d’Aix-en Provence ont été un exploit, l’une des danseuses, Vijna Vasudevan s’étant blessée trois jours avant la première. Elle fut remplacée au pied levé par Pallvi Anand, appelée en renfort et qui apprit le rôle en 48 heures. Certes, on discernait quelques décalages, quelques hésitations mais rien qui n’affecta la fluidité du spectacle. Gigenis, the Generation of the Earthsigne le retour gagnant d’un chorégraphe essentiel.

 

Gigenis, the Song of Earth d’Akram Khan, avec Akram Khan, Sirikalyani Adkoli, Renjith Babu, Mavin Khoo, Mythili Prakash, Vijna Vasudevan, Kapila Venu et Pallavi Anand. Musiciens : Bc Manjunath (percussions Mridangam), Kalamandalam Rajeev (percussions Mizhavu), Hariraam Lam (violon), Nina Harries (contrebasse). Choeur : Sohini Alam, Chitra Poornima Sathish, Rotith Jayaraman. Samedi 30 août 2024 au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence. À voir en tournée mondiale, au  Théâtre des Champs Élysées à Paris du 11 au 14 janvier 2025 dans le cadre de la saison TranscenDanses.

 

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