Adieux à la scène de la Danseuse Étoile Laura Hecquet le 10 octobre
Laura Hecquet, Danseuse Étoile du Ballet de l’Opéra de Paris, fait ses adieux à la scène le 10 octobre, lors du Défilé du Ballet précédent le programme William Forsythe/Johan Inger. La danseuse, qui a dû endurer plusieurs blessures, était absente de la scène depuis un long moment.
Ce sont des adieux avec une certaine discrétion qui auront lieu le 10 octobre sur la scène du Palais Garnier. À 40 ans, la Danseuse Étoile Laura Hecquet quitte la scène du Ballet de l’Opéra de Paris. Alors qu’elle était absente des plateaux depuis plus d’un an, l’on murmurait ses adieux sur Mayerling de Kenneth MacMillan, à l’automne. La ballerine ne dansera finalement pas une dernière fois : ses adieux se feront sur le Défilé, qui précèdera ce soir-là la soirée William Forsythe/Johan Inger. Un départ un peu à l’image de la trajectoire de la danseuse, confrontée à de nombreuses blessures et au Concours de promotion, ne lui permettant pas forcément la carrière espérée, elle qui brilla aussi bien en Myrtha que dans le répertoire néo-classique américain.
Formée au CRR de Paris avec Liane Daydé, Laura Hecquet rentre à l’École de Danse de l’Opéra de Paris, alors dirigée par Claude Bessy, en 2000, en tant qu’élève payante de deuxième division. Pleinement élève en première division l’année suivante, elle est engagée dans le Ballet à la fin de l’année scolaire, en même temps que Mathilde Froustey, Josua Hoffalt ou Vincent Chaillet. Une génération brillante, qui se fait déjà remarquer lors des spectacles de l’École. Plus de vingt ans plus tard, on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a eu comme un raté de la part de l’institution avec cette promotion : Mathilde Froustey a claqué la porte Sujet pour devenir Étoile à San Francisco, Josua Hoffalt est parti bien avant ses 42 ans.
Tout démarre pourtant bien dans la compagnie pour Laura Hecquet, qui est Sujet au bout de quatre ans, Prix AROP de la Danse et Prix du Cercle Carpeaux. Elle commence à assurer avec brio les rôles de premier plan : Manon dans La Dame aux camélias de John Neumeier, le Pas de trois du Lac des cygnes de Rudolf Noureev, Clémence dans Raymonda, de nombreux moments de solistes dans Suite en blanc de Serge Lifar. Et Myrtha dans Giselle, l’un des rôles les plus puissants du répertoire, peut-être celui où elle brilla le plus au fil des années. C’est pourtant sur ce rôle qu’elle se blesse lourdement en 2009, devant s’éloigner pendant 18 mois de la scène. Une absence qui pèse lourd. « Mes années de Sujet ont été longues« , expliquait-elle à DALP lors d’une interview menée après sa nomination d’Étoile. « J’ai commencé à douter, j’ai vu les années passer, je me suis blessée. Quand je suis revenue de ma blessure, j’ai senti que les choses étaient différentes, que je n’étais plus forcément dans les choix de la direction. J’ai vu mon rêve partir très loin« . De fait, elle enchaîne les premiers rôles – Aurore par exemple – et le corps de ballet. Et se heurte, comme beaucoup de sa génération, au Concours de promotion. Mais à l’inverse de sa consoeur Mathilde Froustey, Laura Hecquet décide de rester. Elle est une brillante Nourreda dans La Source de Jean-Guillaume Bart, et s’épanouit dans le répertoire américain, George Balanchine et Jerome Robbins, où sa musicalité et son sens du style font mouche. Il n’y a pas de hasard : l’arrivée de Benjamin Millepied à la Direction de la Danse à l’automne 2014 change la donne. Un mois après son arrivée, Laura Hecquet passe enfin Première danseuse. Et est nommée Danseuse Étoile quelques mois plus tard, dans Le Lac des cygnes de Rudolf Noureev, où elle faisait sa prise de rôle en Odette-Odile.
Ses premiers pas d’Étoile se passent à merveille, tant la danseuse est à l’aise dans la programmation et la direction de Benjamin Millepied. Aussi bien dans le rôle-titre de Paquita de Pierre Lacotte (“Dès son arrivée, Laura Hecquet illumine la scène en Paquita”) que dans le répertoire anglo-saxon, nouveau pour l’Opéra de Paris : Duo Concertant (“Elle y apporte tout un esprit, sachant créer tout un monde autour de cette danse abstraite”), Thème et Variations (“Laura Hecquet, véritable reine de ce ballet”) ou Mozartiana de George Balanchine, Opus 19/The Dreamer de Jerome Robbins, Seven Sonatas d’Alexei Ratmansky, Polyphonia de Christopher Wheeldon.
Et puis là encore, la danseuse est éloignée de la scène pour 18 mois. Quand elle revient, la direction a changé, le répertoire aussi. Elle se glisse dans le répertoire dramatique – Tatiana dans Onéguine de John Cranko et le rôle-titre de La Dame aux camélias de John Neumeier, mais peine à tenir une saison entière. Elle doit s’absenter à nouveau de nombreux mois et revient juste avant que le Covid ne ferme les théâtres pour 1 an 1/2. Lorsqu’elle retourne véritablement en scène au printemps 2022, en Nikiya dans La Bayadère, la danseuse ne semble plus être dans la plénitude qui était la sienne. Laura Hecquet ne cesse cependant d’être impliquée dans ses rôles, à l’image de Mayerling de Kenneth MacMillan à l’automne 2022 (« Laura Hecquet trouve sa place en Comtesse Marie Larisch« ). Mais les blessures semblent prendre le pas. Sa dernière apparition sur scène à Paris remontait à mars 2023, dans Who Cares? de George Balanchine, le répertoire qu’elle affectionnait tant. Plus d’un an plus tard, il n’y aura donc pas de ballet d’adieux pour elle. Le Défilé du 10 octobre permet toutefois des aux revoirs dignes de ce nom pour cette belle ballerine si particulière à l’Opéra de Paris, qui n’eut pas forcément la chance que son talent méritait.
Motet Emma
Dommage pour cette belle danseuse
Un mot sur Mathilde Froustey (qui a bien fait de faire le choix de s’éloigner) je l’ai vu sur YouTube dans un extrait de Roméo et Juliette avec le San Francisco Ballet elle y était merveilleuse.
Lili
Une belle danseuse qui m’offrit une très belle Dame aux Camélias avec Florian Magnenet, avec sa vulnérabilité non dissimulée, et la solidarité entre eux qui fut touchante. Normalement les danseurs ne doivent pas montrer l’effort ou le travail. Là on le voyait et cela donnait une humanité et un réalisme magnifique à cette histoire.
Par ailleurs il me semblait qu’un congé maternité avait été aussi à l’origine d’une période d’absence, heureuse celle-là. A se demander comment étaient gérées les blessures car elle ne s’est visiblement jamais complètement rétablie, comme Hoffalt ou Heymann. Certes certains organismes sont plus solides que d’autres et certaines blessures plus graves que d’autres. On devrait créer un statut spécifique pour ces Etoiles abîmées par l’art.