La rentrée est marquée par la parution de jolies surprises comme la belle et revigorante Une histoire dessinée de la danse signée de notre consœur Laura Cappelle associée au scénariste et dessinateur Thomas Gilbert. Et comme nous avions mis de côté d’autres ouvrages reçus à la rédaction ces derniers mois, voici un tour d’horizon des parutions de l’année 2024. L’édition jeunesse ayant été aussi très riche, DALP se penchera sur les dernières nouveautés dans un prochain article.

 

UNE HISTOIRE DESSINÉE DE LA DANSE DE LAURA CAPPELLE & THOMAS GILBERT

Paru le 6 septembre 2024 aux éditions du Seuil.

Les auteur-rice-s – Sociologue de l’art, Laura Cappelle est professeure associée à l’université Sorbonne Nouvelle et chercheuse au CERLIS. Elle a dirigé Nouvelle histoire de la danse en Occident (2020). Elle écrit sur la danse et le théâtre pour le New York Times et le Financial Times. Thomas Gilbert est scénariste et dessinateur de bandes dessinées. On lui doit notamment chez Dargaud Lumière noire (2021) un album à quatre mains inspiré du monde de la danse contemporaine.

Notre avis – La danse de la Préhistoire au XXIe siècle en planches de bande dessinée, le projet semble un peu fou même s’il court sur 256 pages. Comment synthétiser cette foultitude d’informations, ne pas oublier certains personnages clés, mettre en mouvement des périodes sur lesquelles il existe surtout des archives manuscrites ? Autant d’obstacles habilement surmontés. Pour prendre leurs lecteurs et lectrices par la main, le binôme Laura Cappelle et Thomas Gilbert a eu l’idée d’un autre binôme fictif Andréa et Camille qui traverse les époques en expérimentant le geste dansé. Étonnants fils rouges qui humanisent cette traversée érudite de siècles dansants. Adaptation de l’ouvrage collectif Nouvelle histoire de la danse en Occident paru en 2020, cette bande dessinée se révèle absolument passionnante. Fourmillant de détails qu’une seule lecture ne suffit pas à tout explorer, ce livre nous fait voyager dans des esthétiques différentes toujours connectées à une réalité sociale et côtoyer des personnalités incontournables. Ambitieuse, mais ludique et accessible, cette Histoire dessinée de la danse se dévore comme tout projet éditorial réussi dont on salue le travail, l’élégance et la précision.

 

 

CRÉER DES BALLETS AU XXIe SIÈCLE DE LAURA CAPPELLE

Paru le 23 mai 2024 aux éditions CNRS.

L’autrice – Sociologue de l’art, Laura Cappelle est professeure associée à l’université Sorbonne Nouvelle et chercheuse au CERLIS. Elle a dirigé Nouvelle histoire de la danse en Occident (2020). Elle écrit sur la danse et le théâtre pour le New York Times et le Financial Times.

Notre avis – L’année est décidément chargée pour Laura Cappelle, entre la bande dessinée évoquée ci-dessus et ce livre de recherches. Du travail au long cours qu’elle a entrepris dans le cadre de sa thèse, elle a choisi de tirer un livre où elle pose des questions essentielles sur le processus de création dans les compagnies classiques de répertoire (aujourd’hui beaucoup moins concentré sur la seule et unique figure du/de la chorégraphe) tout en les illustrant à l’aide d’exemples concrets. Cet ancrage dans une réalité actuelle rend ce livre certes dense, mais très important. Pendant une dizaine d’années, la chercheuse en sociologie a enquêté auprès de quatre compagnies parmi les plus prestigieuses, le Ballet de l’Opéra de Paris, le Ballet du Bolchoï, l’English National Ballet et le New York City Ballet. Formidable plongée dans des institutions prestigieuses qui interrogent leur identité classique de manière très différente. De ces immersions, elle a tiré des constats qui cernent des enjeux majeurs pour les interprètes, les chorégraphes et les directeurs et directrices de compagnie. Comme par exemple les stéréotypes qui irriguent le répertoire, mais c’est loin d’être le seul. Elle pointe aussi le manque de diversité, la sous représentation des femmes chorégraphes, le mythe du chorégraphe démiurge persistant. Malgré tout, on perçoit la vitalité de la danse classique soumise certes aux évolutions de société, mais prête (beaucoup de signaux l’attestent) à y consentir.

 

 

FOLAMBULE D’ANTOINE LE MENESTREL

Paru le 7 mars 2024 aux éditions Paulsen.

L’auteur – Antoine Le Menestrel est aujourd’hui danseur et chorégraphe de la compagnie qu’il a créée, Lézards Bleus. Il vit dans le Luberon, près des falaises de ses exploits passés et de ses rencontres toujours vitales avec la roche.

Notre avis – De lui, nous avons quelques images gravées dans notre mémoire comme sa façon de dompter la façade de la cour d’honneur du Palais des papes pour Inferno, mis en scène par Romeo Castellucci au Festival d’Avignon 2008. Quel parcours fascinant que celui de ce prodige de l’escalade ! De la roche aux salles de spectacles, Antoine Le Menestrel a tenté de trouver son propre équilibre et de tracer son propre chemin de vie. Celui-ci l’a guidé vers la création artistique déjà en germe dans cette façon si singulière d’aborder la verticalité. Dans ce roman intitulé Folambule, comme il se décrit, il se dévoile et chaque mot, chaque tâtonnement sont bouleversants. Aujourd’hui chorégraphe et danseur de la compagnie Lézards bleus, il crée des spectacles de danse-escalade. De ceux auxquels il associe des  grimpeurs en situation de handicap, il jette un voile pudique et ne parle pas dans ce livre. Rendez-vous au prochain…

 

CE QUI FAIT BRILLER LES ÉTOILES DE AURÉLIEN BENOILID & MAUD NISAND

Paru le 14 février 2024 aux éditions Flammarion.

Les auteur-rice-s – Spécialisée en droit civil et pénal, Maud Nisand est avocate au barreau de Strasbourg. Elle a depuis toujours une passion pour la danse qu’elle pratique assidûment. Président du Forum Européen de bioéthique et neurologue, Aurélien Benoilid publie en 2019, un essai intitulé Non, ce n’est pas que dans votre tête !, où il dénonce une médecine brutale, qui se pratique dans le déni de la part psychique de l’être humain.

Notre avis – En couple depuis vingt ans, les deux auteurs, qui signent ici leur premier roman, ont choisi le Palais Garnier comme toile de fond pour leur ouvrage qui jette des ponts entre deux époques, les années 1940 et aujourd’hui. Cette saga séquencée en quatre chapitres portant chacun le nom d’un opéra ou d’un ballet célèbre entremêle les parcours et s’attarde sur la complexité des liens familiaux. Récit porté par un souffle romanesque évident, il recèle de nombreuses surprises, notamment ce dévouement qu’on n’avait pas anticipé.

 

 

FRED ASTAIRE, LE DANDY DANSANT DE FANNY BEURÉ & JULES SANDEAU

Paru le 10 janvier 2024 aux éditions Sorbonne Université presses.

Les auteur-rice-s – Fanny Beuré est maîtresse de conférences en études cinématographiques à l’université de Lorraine. Elle est notamment l’autrice de That’s Entertainment! Musique, danse et représentations dans la comédie musicale hollywoodienne classique, publié à Sorbonne Université Presses en 2019. Jules Sandeau est docteur en études cinématographiques et enseigne à l’Université Paul Valéry Montpellier 3. Il a notamment publié le livre The Unsinkable Kate : Katharine Hepburn et son public (PUB, 2022).

Notre avis – Avis à tous les fans de l’élégance, de la grâce et de la légèreté légendaires de Fred Astaire ! Ce livre est fait pour vous. Il vous aidera à percer l’insondable mystère du charisme fou de ce dandy dansant, la particularité de son style. Celui qui a toujours donné l’impression de s’amuser en dansant avait en horreur l’improvisation, et peaufinait ses chorégraphies dans les moindres détails. Les deux auteurs s’attachent aussi à mettre en évidence en quoi Frederick Austerlitz a incarné une certaine masculinité WASP. Ouvrage dense, truffé de références et d’anecdotes, il demeure accessible à tous les nostalgiques de cet âge d’or de la comédie musicale hollywoodienne. Attention, en refermant ce livre, et même avant, le risque est d’être pris d’une insatiable envie de revisiter la filmographie de celui qu’un employé d’une société de production avait résumé en quelques mots peu flatteurs à la suite d’un bout d’essai : « mauvais acteur, légèrement chauve, sait un peu danser. » À lire avant de découvrir, on ne sait pas encore quand, le biopic du danseur actuellement en préparation.

 

 

ET AUSSI…

 

MÉDITER AVEC LA MUSIQUE CLASSIQUE DE GAËLLE PITON & JEAN-JACQUES GRIOT

Paru le 12 septembre 2024 aux éditions Eyrolles.

Les auteur-rice-s – Gaëlle Piton est sophrologue, instructrice en méditation et conférencière. Elle est spécialisée dans l’accompagnement d’artistes et a créé le TedX « Danser sa vie ». Jean-Jacques Griot est musicologue et conférencier. En 2019, il fonde le site www.ecouteclassique.com et collabore avec la Philharmonie de Paris et Radio-France.

Notre avis – Pour qui connaît l’attachement de Gaëlle Piton à la danse, on sait qu’elle ne s’en éloigne jamais beaucoup. Dans ce dernier ouvrage, associée à Jean-Jacques Griot, musicologue, elle propose de méditer avec la musique classique. Une autre façon de se mettre en mouvement en définitive. Une approche immersive qui séduira tout le monde, mais d’autant plus les danseuses et danseurs qui entretiennent un lien si particulier avec la musique. Pratique, ce livre nous accompagne pour profiter pleinement de cette expérience et pour la vivre dans les meilleures conditions possibles. Ensuite, à chacun.e de choisir avec quel musicien entreprendre le voyage. La playlist en propose seize. De Philip Glass à John Cage, de Stravinsky à Tchaikovski, libre à nous de « faire corps » avec la musique et de s’ouvrir aux propositions de  ce binôme bien assorti.

 

 

LE PRIX DE L’ÉTOILE DE FRANÇOIS ALU

Parution le 3 octobre 2024 aux éditions Robert Laffont.

L’auteur – François Alu a été nommé danseur étoile de l’Opéra de Paris, après douze années passées au sein de l’institution. Connu pour sa personnalité hors cadre, il annonce son départ de l’Opéra seulement quelques mois plus tard pour poursuivre une carrière artistique personnelle. Après avoir été jury de l’émission télévisée Danse avec les stars qui le fait connaître du très grand public, il produit et interprète actuellement son spectacle Complètement jetés !. Il intervient aussi en entreprises.

Notre avis – Deux ans après avoir décidé de quitter l’Opéra de Paris, François Alu sort une autobiographie attendue. Un livre à son image, jalonné de  pas de côté, de digressions poétiques et de préceptes de vie qui flirtent parfois un peu avec des conseils trop communs de développement personnel. Ici point de règlements de compte ad hominem (même si certain.e.s en prennent un peu pour leur grade), mais plutôt une introspection, une exploration de ces années difficiles marquées par une dépression profonde née de ses espoirs contrariés, de cette quête lancinante d’un titre d’Étoile octroyé par le public depuis bien longtemps. « L’adversité forge, elle pousse à se remettre en question, à évoluer, à se perdre et à se trouver, à se dépasser pour prouver que l’on vaut mieux que ce qu’en pensent les autres. Au bout du compte, la lutte, si elle n’est pas menée au bon endroit, ne conduit nulle part si ce n’est à la destruction« , écrit-il, sans que l’on sache vraiment s’il en ressort apaisé. Quitter l’Opéra lui a peut-être été vital. Reste le sentiment d’un immense rendez-vous manqué, que pour l’instant ni le talent ni l’ingéniosité n’ont réussi à transformer en destin. On se prend à rêver que l’artiste continue de mener la lutte au bon endroit : la scène.

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