Concours interne de promotion 2024 du Ballet de l’Opéra de Paris – Les résultats
Le Concours interne de promotion du Ballet de l’Opéra de Paris, qui permet aux artistes de grimper dans la hiérarchie de la compagnie, a lieu le samedi 16 novembre, au Palais Garnier. Une édition particulière, qui ne concerne que les Quadrilles, après discussion avec les syndicats, et qui sonne un peu comme le dernier Concours de la compagnie.
Le jury était présidé par Alexander Neef, Directeur de l’Opéra de Paris. Il était composé de José Martinez (Directeur de la Danse), Sabrina Mallem (Maîtresse de Ballet associée à la Direction de la Danse), Ingrid Lorentzen (Directrice artistique du Ballet national de Norvège), Frédéric Olivieri (Directeur de l’École de danse de la Scala de Milan), Irek Mukhamedov (suppléant maître de ballet), ainsi que des danseurs et danseuses du Ballet tiré.e.s au sort : Dorothée Gilbert, Jérémy-Lou Quer, Hugo Vigliotti, Victoire Anquetil et Julien Cozette (suppléant-e-s : Roxane Stojanov, Letizia Galloni et Isaac Lopes Gomes.
Il faut bien dire tout d’abord quelques mots sur ce Concours de promotion un peu particulier. Quelques semaines avant ce rituel annuel, qui permet aux artistes du corps de ballet de monter dans la hiérarchie, les représentants du personnel ont voulu supprimer le Concours. Après un vote de chaque classe, il a été gardé cette année pour les Quadrilles mais supprimé pour les Coryphées. Une décision qui a suivi la majorité du vote, et qui forcément n’a pas fait l’unanimité. Beaucoup d’artistes avaient commencé leur préparation et avaient envie de montrer leur travail en scène, certain-e-s arguant que ceux et celles poussant à sa suppression étaient surtout ceux et celles qui n’avaient plus grand espoir de le réussir. Quoi qu’il en soit, après la suppression du Concours des Sujets la saison dernière, ce Concours de promotion raccourci aux uniques Quadrilles sonnait comme le glas de ce rituel installé en 1860 par Marie Taglioni.
L’ambiance dans la salle n’était pourtant pas au désintérêt. Au contraire, il n’y a jamais eu autant de monde que ce jour-là pour voir la classe des Quadrilles hommes. Beaucoup de membres de la compagnie étaient présents, des Étoiles d’aujourd’hui et d’hier, des professeurs… Comme si une partie de l’institution venait montrer son attachement au Concours. Une épreuve aux multiples défauts dans son organisation, génératrice de blessures et d’un énorme stress inutile, au mode de scrutin abscons. Pourtant, cette journée de Concours a bien montré son utilité. L’immense partie des artistes qui sont montés en scène ce jour-là n’ont pu être mis en valeur sur scène durant la saison. Ils ont eu ici l’occasion de prendre la scène en tant que soliste, de travailler une grande variation – on peut d’ailleurs souligner le beau travail des deux classes sur les variations imposées -, de montrer leur singularité avec le choix de leur variation libre. C’est aussi le moyen de voir le niveau d’une classe à un instant T. Il y eut finalement comme le sentiment que les Coryphées ont manqué leur chance de se montrer. Le sujet du Concours reste en tout cas complexe, que la direction doit aborder avec finesse pour ne pas diviser la compagnie.
Résultats des Quadrilles hommes
Cinq postes de Coryphées hommes à pourvoir. Variation imposée : Grand pas classique de Victor Gsovsky. Préparation au Concours : Andrey Klemm.
1. Rémi Singer-Gassner, promu Coryphée
2. Max Darlington, promu Coryphée
3. Micah Levine, promu Coryphée
4. Milo Avêque, promu Coryphée
5. Keita Bellali, promu Coryphée
6. Samuel Bray
Variations libres choisies par les Quadrilles hommes :
Max Darlington : Manfred (Rudolf Noureev)
Jérémie Devilder : La Source, acte I, deuxième variation de Zaël (Jean-Guillaume Bart)
Manuel Garrido : L’Oiseau de feu (Maurice Béjart)
Manuel Giovani : Esmeralda (Marius Petipa)
Micah Levine : Études, la Mazurka (Harald Lander)
Paul Mayeras : Napoli, première variation du pas de six (Auguste Bournonville)
Osiris Onambele Ngono : Esmeralda (Marius Petipa)
Rémi Singer-Gassner : La Source, acte II, variation de Djémil (Jean-Guillaume Bart)
Milo Avêque :Études, la Mazurka (Harald Lander)
Keita Bellali : La Sylpĥide, acte I, variation de James (Pierre Lacotte)
Nathan Bisson : Marco Spada, acte II, première variation (Pierre Lacotte)
Samuel Bray : Who Cares? (George Balanchine)
Une vingtaine de Quadrilles hommes pouvaient se présenter, seuls 12 l’ont fait et la plupart sont de la jeune génération : cette classe marque sa division quant au Concours. Le niveau y fut globalement homogène, avec forcément quelques personnalités se démarquant. Les promotions évidentes étaient celles de Rémi Singer-Gassner et Keita Bellali, plusieurs autres pouvaient prétendre aux trois autres postes et on ne peut pas parler d’oubli notoire.
Grand pas classique de Victor Gsovsky en variation imposée : difficile de faire plus Concours et plus école française ! Il y a eu globalement un très beau travail de style et de précision (que c’est agréable d’avoir ce genre de variation plutôt qu’une Nourreverie indigeste), même si le final posa souci à tout le monde, sauf à Keita Bellali. Déjà remarqué au Concours l’année dernière, ce danseur se démarqua par une virtuosité propre et efficace et une belle musicalité. Son James, version de Pierre Lacotte, marquait le coup. Sa promotion était indiscutable, même si personnellement je l’aurais classé plus haut, mais cela n’a pas d’importance. La promotion de Rémi Singer-Gassner était elle aussi évidente. Pour son premier Concours, le jeune danseur a montré déjà une certaine maturité et beaucoup d’assurance, avec deux belles variations solides et expressives – Djémil lui allait très bien. Autre nouvelle recrue, Micah Levine a montré plus de timidité, une allure encore un peu scolaire. Mais la technique était là, le cran aussi de prendre la Mazurka d’Études. Sa promotion, sans être évidente non plus, n’est pas usurpée. Même variation libre, et même impression générale, pour Milo Avêque, qui passe Coryphée sept ans après son recrutement, et beaucoup de Concours où l’on sentait aussi bien le talent que la fébrilité.
Max Darlington n’était pas le plus à l’aise dans son imposée, mais il a su marquer le coup en Manfred, pourtant pas une variation facile, où il a su montrer une véritable âme romantique et une belle façon de tenir un personnage. Classé, Samuel Bray rate la place, avec une variation imposée un peu trop juste, mais un très bon choix de libre, avec une gouaille séduisante dans Who Cares?, apportant une respiration pleine de swing bienvenue. Les variations libres ont dans l’ensemble était séduisantes et bien choisies. Manuel Garrido a montré de la personnalité dans L’Oiseau de Feu, Manuel Giovani une belle virtuosité dans Esméralda, Jérémie Devilder beaucoup d’engagement en Zaël. Ces trois artistes ont été recrutés il y a trois ans ou moins, ils sont à suivre.
Résultats des Quadrilles femmes
Six postes de Coryphées à pourvoir. Variation imposée : Raymonda, variation de Raymonda de l’acte I dite des “pizzicati” de Rudolf Noureev d’après Marius Petipa. Préparation au Concours : Élisabeth Maurin et Laurent Novis.
1. Apolline Anquetil, promue Coryphée
2. Claire Teisseyre, promue Coryphée
3. Luciana Sagioro, promue Coryphée
4. Diane Adellach, promue Coryphée
5. Koharu Yamamoto, promue Coryphée
6. Julia Cogan, promue Coryphée
Variations libres choisies par les Quadrilles femmes :
Ilona Cabley : Variations, première variation (Serge Lifar)
Camille Calazans : La Belle au bois dormant, Prologue, variation de la cinquième Fée (Rudolf Noureev d’après Marius Petipa)
Julia Cogan : Dances at a Gathering, variation de la danseuse en vert (Jerome Robbins)
Lillian Di Piazza : Who Cares? (George Balanchine)
Lisa Gaillard-Bortolotti : Joyaux, Émeraudes, première variation (George Balanchine)
Alycia Hiddinga : Suite en blanc, variation de la Cigarette (Serge Lifar)
Yeeun Lee : The Four Seasons, variation de l’Automne (Jerome Robbins)
Lilas Parra : Paquita, variation de l’Étoile (Marius Petipa)
Lisa Petit : La Bayadère, acte II, variation de Gamzatti (Rudolf Noureev d’après Marius Petipa)
Gloria Poubeau : Suite en blanc, La Sérénade (Serge Lifar)
Sofia Rosolini : Paquita, variation du mariage (Pierre Lacotte)
Luciana Sagioro – Suite en blanc, La Sérénade (Serge Lifar)
Laudeline Schor : Variations, première variation (Serge Lifar)
Claire Teisseyre : Notre-Dame-de-Paris, variation d’Esmeralda (Roland Petit)
Koharu Yamamoto : Donizetti (Manuel Legris)
Diane Adellach : The Four Seasons, variation de l’Automne (Jerome Robbins)
Apolline Anquetil : Bhakti III (Maurice Béjart)
Jasmine Atrous : Suite en blanc, La Sérénade (Serge Lifar)
Tosca Auba – Diane et Actéon (Agrippina Vaganova)
Ysée Brétignière : Suite en blanc, La Flûte (Serge Lifar)
Avec 21 Quadrilles se présentant au Concours, les danseuses montrent un attachement au Concours plus fort, en tout cas elles y trouvent leur intérêt. Les résultats, vus de la salle, ont un peu plus fait parler. Après les épreuves, la promotion de Claire Teisseyre, et à vrai dire de sa première place, même si le classement en soi n’a pas d’importance pour la suite, semblait une évidence. Le passage de Luciana Sagioro aussi, tout comme celui de Yeeun Lee. Pour les trois autres places, cela semblait plus ouvert, tout dépendant si le jury voulait récompenser une plus ancienne, encourager une plus jeune, etc. Les résultats ont finalement été différents.
La variation imposée se passa sans dommage. Jeune recrue sud-coréenne après un an de surnuméraire, Yeeun Lee y fit des merveilles, si à l’aise et raffinée, une leçon de style. Les danseuses de Corée du Sud, baignées par l’école Vaganova, brillent souvent dans ces variations venant de Marius Petipa et la jeune danseuse n’a pas été prise à défaut. Le jury a-t-il reproché à la danseuse de ne pas être assez école française ? Les jeunes recrues asiatiques font souvent l’erreur de prendre une variation libre très « bête à Concours » qui rebute souvent les juges. Ce ne fut pas le cas de Yeeun Lee qui choisit The Four Seasons, un classique du Concours, interprété de façon un peu trop sage mais très proprement. Sa non-promotion et son non-classement semblent un peu injuste, mais la jeune ballerine aura le temps de se rattraper.
L’expérimentée Claire Teisseyre, ancienne soliste au Ballet de Finlande qui a redémarré à zéro à Paris il y a un an, était attendue. Elle n’a pas déçu. Brillante dans son imposée, elle a montré un sacré tempérament en Esméralda de Roland Petit. Une véritable âme de soliste ! Lisa Petit a aussi offert l’une des plus belles imposées du Concours, avec beaucoup d’élégance, de la personnalité et un charisme naturel qui prend la scène. Une grosse erreur dans sa libre, une belle Gamzatti, lui coûte sûrement sa promotion. Mais ce n’est que partie remise pour une jeune danseuse prometteuse qui passait son premier concours. Très attendue aussi, la brillante Luciana Sagioro n’a pas déçu : rien ne semble lui résister techniquement et elle fait déjà preuve d’une autorité impressionnante malgré son jeune âge.
Pour la suite, donc, beaucoup de choses étaient possibles. Bhakti III de Maurice Béjart fait toujours son petit effet, mais on l’a vu intérprétée de façon plus percutante. Apolline Anquetil n’a cependant pas fait de grosse erreur, un concours équilibré, peut-être se voit-elle récompenser par son travail dans le répertoire contemporain. Diane Adellach a proposé un Concours équilibré sans forcément se démarquer outre mesure. Koharu Yamamoto s’est plus démarquée, que ce soit dans son imposée bien réussi que dans Donizetti, diablement efficace et qui la mettait en valeur. Un peu en dessous dans son imposée, Julia Cogan s’est fait plaisir avec la Danseuse en vert de Dances at a Gathering, dansée avec charme, musicalité et esprit. Une belle récompense pour une danseuse pilier du corps de ballet. Après 15 ans en tant que Quadrilles, pas sûr qu’elle aurait pu passer Coryphée sans le Concours.
Serge Lifar a été choisi par énormément de candidates. On peut citer Ilona Cabley, d’une belle musicalité dans Variations. D’autres ont montré de belles choses dans divers passages de Suite en blanc, il faut ensuite acquérir un peu plus de maturité. J’ai personnellement beaucoup aimé Lisa Gaillard-Bortolotti dansant Émeraudes de George Balanchine, avec beaucoup de musicalité et d’intention. Enfin Lillian Di Piazza, danseuse attachante et qui se démarque en scène, a toujours du mal à trouver le ton du Concours. Son Who Cares? était ainsi un peu trop sage. S’il n’y avait que le choix de la direction et pas de Concours, peut-être serait-elle passée Coryphée… Le sujet n’a pas fini d’être débattu !
Bravo à tous les danseurs et danseuses qui ont dansé lors de cette journée de Concours, quel que soit le résultat !
Anne Marie Ferrier
Très bon concours
phil
DALP a trés bien résumé la situation quant au concours qui reste un sujet complétement interne à la compagnie , cependant, à mon trés trés humble avis ce serait une erreur de le rétablir pour la classe des Sujets : je le redis ,c’est sur scène que cela doit se décider . Félicitations pour la promotion de Mr Keita Bellali qui a vraiment assumé son role d’officier hongrois dans Mayerling .
Pauline Dupuis
Bravo à toutes et tous !
Votre article est très juste. On a vu beaucoup de belles personnalités.
Gros pincement au cœur pour la rayonnante Lisa Petit après sa très belle imposée et ce loupé dans sa libre qu’elle a toutefois récupéré avec cran !
Valérie
Bravo pour cet article très détaillé. Cependant il est mentionné que 21 danseuses ont passé le concours mais il n’y a que 20 danseuses de citées dans la liste des variations libres…qui manque t il svp ? Ou bien peut-être qu’il n’y avait que 20 quadrilles femmes et non 21.
phil
Madame Lucie Devignes s’est blessée juste avant le concours.
Jean-Claude
Pourquoi, plutôt que le supprimer, ne pas décomposer le concours en deux phases séparées de quelques mois : imposé puis libre. Au lieu de le décupler, ça découplerait le stress ; et la réussite à l’un devrait devrait constituer une éligibilité pour passer l’année suivante l’imposé ou le libre manquant, créant ainsi un type de situation où les candidat(e)s y relevant n’auraient que l’épreuve manquante à passer l’année qui suit. Pour établir la liste, il suffirait d’additionner les points acquis, en une ou deux fois.
Ça éviterait ainsi des situations de découragements où l’échec d’une année pousse certain(e)s à ne pas revenir l’année suivante. Même au niveau étoile, certaines n’y font principalement valoir que leur technique. Hors à tous les niveaux, il faudrait valoriser l’expressivité qui ne s’illustre qu’avec Un stress amoindri. Il suffit de lire les polémiques des critiques pour voir la forte subjectivité qui prévaut dans cette activité artistique. Les directeurs de la danse ont déjà leurs têtes pour la promotion des étoiles. Etendre ce fait au corps de ballet tout entier deviendrait une lourde hérésie démobilisante.
Hélène
Merci pour l’article. Toutefois, sauf erreur de ma part, oil me semble qu’il y a certaines inexactitudes. Apolline Anquetil est arrivée 1ere, Claire Teyssiere 2e et Yeeun Lee n’a pas été classée.
Melanie
Le trio que vous mentionnez est le classement officieux du public après le concours, pas le résultat.