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[Photos] Retour en images sur les différentes distributions de Mayerling de Kenneth Mac Millan – Ballet de l’Opéra de Paris

Deux ans après son entrée au répertoire, le Ballet de l’Opéra de Paris a repris Mayerling de Kenneth MacMillan, grande fresque dramatique autour de la mort en 1889 du Prince Rodolphe, héritier du trône de l’empire d’Autriche, et de sa maîtresse Mary Vetsera. Après la chronique de cette reprise, place aux photos des différentes distributions de la série, ainsi qu’un retour en quelques mots. 

 

Voir les photos des différentes distributions de Mayerling de Kenneth MacMillan (photos Maria-Helena Buckley) : 

 

 

Lors de l’entrée au répertoire de ce grand ballet narratif en 2022, Paul Marque avait brièvement fait connaissance avec le Prince Rodolphe – seulement trois dates. Il retrouve cette saison pour deux soirées supplémentaires, ce qui ne permet pas d’investir ce rôle complexe en profondeur. Techniquement, le Danseur Étoile assure un travail remarquable de précision et de solidité. Mais côté interprétation – véritable défi -, les tourments de son Rodolphe sont encore un peu sages. Au premier acte, sa tristesse de grand enfant gâté peine à faire entrevoir la noirceur en puissance de ce personnage torturé. Ses premiers accès de violence, lors la scène du viol de sa jeune épouse, la Princesse Stéphanie, sont trop timides. Puis au second acte, le danseur se transforme aux côtés d’Hohyun Kang, qui fait son retour en baronne Mary Vetsera. Il y a deux ans, la danseuse, alors Coryphée, avait créé la surprise en endossant ce premier rôle – son premier grand rôle. De nouveau, grâce à ses qualités de jeu et de geste finement nuancées, sa danse déploie une grâce séductrice magistrale. Dès son passage (furtif) au premier acte, elle irradie la scène aux côtés de la Comtesse Marie Larisch. Elle s’impose ensuite presque naturellement devant le Prince, fascinante dans les pas de deux lascifs et athlétiques. Maîtresse habile et puissante, la danseuse tire les ficelles de cette liaison destructrice, joue avec les pulsions charnelles et meurtrières de son amant, enchaînant avec lui des tours acrobatiques avec fluidité. Grâce à leur dynamique d’émulation, Paul Marque et Hohyun Kang se poussent l’un l’autre à embrasser la folie suicidaire de leurs personnages. Mais si elle se jette à corps perdu dans la passion de Mary Vetsera, lui tâtonne encore face à l’énigme qu’incarne Rodolphe, cherchant la cohérence entre ces multiples facettes.

Autour de ces amours tragiques, les multiples sous-intrigues de la narration sont portées par une distribution inégale. Avec ses grandes qualités dramatiques, Marine Ganio ravit en Princesse Stépahnie, jeune épouse innocente qui passe de la découverte timide de sa sensualité à celle, terrifiante, de la perversité de son mari. Silvia Saint-Martin n’est pas moins étonnante en Comtesse Marie Larisch. Si son amour pour Rodolphe manque de chaleur expressive au premier acte, il se révèle par contraste dans un mélange d’angoisse et de désespoir face à l’effondrement du Prince. Francesco Mura est parfaitement à son aise en Bratfisch, second rôle exigeant dont il maîtrise les défis techniques avec une expression enjouée. Pour Célia Drouy en revanche, aborder l’Impératrice Élisabeth, dite « Sissi », était sans doute un peu prématuré. Au-delà de son insensibilité face aux larmes de son fils, son incarnation du complexe maternel manque de profondeur et d’autorité, tandis que face à son amant, le feu réprimé de sa passion interdite reste tiède. Idem pour Clara Mousseigne, dans le genre allumeuse. Son interprétation de Mizzi Caspar manque d’audace et tient davantage de la charmante jeune fille que de la fille de joie. Ces jeunes danseuses – prometteuses par ailleurs – doivent encore étoffer leur jeu d’actrice pour entrer dans Mayerling, ballet qui reste un exercice périlleux même pour les artistes les plus expérimentés de la compagnie.

Callysta Croizer – Représentation du mardi 5 novembre 2024.

 

 

« Toutes les femmes de ta vie ». On me pardonnera ici le lien peut-être osé entre une bluette pop et le ballet de Kenneth MacMillan. Mais en y repensant, au-delà d’être un portrait de Rodolphe de Hasbourg, héritier de l’Empire austro-hongrois, Mayerling se révèle surtout une galerie de personnages féminins qui éclairent une facette de la personnalité de ce jeune homme torturé. Durant les trois actes, Rodolphe ne danse pas moins de sept pas de deux avec cinq partenaires différentes. Un Éverest pour un interprète qui, au-delà de la charge technique qui lui incombe, doit insuffler une impressionnante dynamique narrative à chacun de ces partenariats. « Un ballet aussi théâtral exige des danseurs capables d’en relever les défis, à savoir incarner des personnages d’une grande complexité aux prises avec une société hiérarchisée et hypocrite », écrit Jann Parry, critique de danse et biographe de MacMillan. Pour relever ce défi, il a sans doute manqué à Florent Melac, quoique bien entouré, de pouvoir faire évoluer son personnage à la vitesse à laquelle ce ballet le demande. 125 minutes, c’est sans doute à la fois court et trop rapide pour se mettre dans la peau de cette personnalité instable, tiraillée entre toutes ces femmes elles aussi victimes chacune à sa façon. Le Premier danseur peine à trouver les nuances que l’on attend entre le jeune homme en quête d’amour maternel, le prisonnier d’un mariage arrangé, et l’amant maudit.

À ses côtés, les interprètes féminines épousent les contours de leurs personnages avec conviction. Altière et distante, Roxane Stojanov en Impératrice Élisabeth dégage une froideur maternelle très expressive, Bianca Scudamore en Princesse Stéphanie émeut dans ce rôle ingrat de femme maltraitée. Inès McIntosh en Mizzi Caspar est une maîtresse tourbillonnante, à la fois aguicheuse et pleine de retenue qui illumine la scène de la taverne un peu poussive où la débauche peine à émerger. Dans le rôle de Mary Larish, réelle pièce maîtresse de cet imbroglio, Naïs Duboscq impose une belle assurance en tentant de souffler sur les braises d’un amour déclinant. Impeccable techniquement dans ces portés alambiqués chers au chorégraphe anglais, Hannah O’Neill, dans le rôle de Mary Vetsera, semble, elle, hésiter à choisir entre victime ou instigatrice de cette fulgurante relation toxique qui conduira à la perte du couple. La grande ballerine Lynn Seymour disait que quasiment tous les protagonistes de Mayerling étaient « des égocentriques sans cœur qui méritent ce qu’il leur arrive ». Ils sont en tous cas difficiles à aimer. Faut-il avoir un minimum d’empathie pour les personnages d’une œuvre pour parvenir à l’apprécier à sa juste mesure ? Mayerling apporte un début de réponse à cette question qui dépasse largement le cadre du ballet.

Claudine Colozzi – Représentation du vendredi 15 novembre 2024.

 

 

Lors de l’entrée au répertoire de Mayerling il y a deux ans, Mathieu Ganio s’était saisi à bras-le-corps de Rodolphe et en avait fait le rôle de sa vie. Bis repetita pour cette reprise où le danseur, à quelques mois de la retraite, livra une prestation artistique magistrale, portant de bout en bout le personnage sans temps mort ni hésitation ou incohérence, véritable défi de ce ballet. Loin d’un être méchant ou pervers, Mathieu Ganio dessine la puissance d’un homme profondément dépressif, écrasé par son statut de futur empereur – quel regard avec son père l’Empereur, joué avec maestria par Léo de Busserolles. Il s’engage aussi dans un personnage malade, schizophrène, où les quatre soldats prennent la place des voix intérieures qui l’agitent et le tourmentent. Si sa Manon ne m’avait pas convaincue dans un autre ballet du chorégraphe, Léonore Baulac s’empare cette fois-ci avec fougue de Mary Vetsera. Loin d’être jeune fille en fleurs, elle se pose d’emblée comme une femme arriviste, ambitieuse, attirée par le pouvoir que détient Rodolphe. Quelle force lors du pas de deux du deuxième acte ! Son final est un peu plus incompréhensible : sa Mary a en elle une telle pulsion de vie qu’il paraît assez illogique d’accepter le suicide – la trame d’un meurtre aurait eu ici plus de sens. Le duo n’en reste pas moins convaincant et prenant.

Germain Louvet a longtemps été à la peine dans les ballets narratifs, semblant vouloir plus être lui-même qu’un personnage. Il semble enfin goûter aux joies d’être pleinement interprète. Et il révèle une puissance dramatique qu’on ne lui soupçonnait pas forcément. Son Rodolphe se venge de son profond mal-être par une violence perverse envers les femmes. Dès le début, on pressent chez lui que cela va mal finir. Bleuenn Battistoni est sur la même longueur d’onde, apparaissant d’emblée comme une jeune femme instable. Les deux, ensemble, brûlent leur vie par les deux bouts et se jettent tête la première sur un chemin qui ne peut que les mener au drame du suicide comme poussée par la main implacable du destin. S’il y a parfois des incohérences – j’ai eu du mal par exemple à croire à leur tendresse au début du troisième acte – les deux artistes ont formé un partenariat convaincant (et prometteur pour les années à venir) à la fois en harmonie dans leur technique superlative et se stimulant mutuellement dans le jeu, se poussant l’un et l’autre à aller plus loin. Outre la puissance dramatique finale, cela donna un pas de deux du deuxième acte charnel comme le feu.

Pour les seconds rôles, Héloïse Bourdon fut (c’est le mot) impériale en Sissi. Elle a tout compris de ce rôle éminemment complexe, prise entre l’amour maternel pour son fils qu’elle ne veut/peut pas exprimer, les contraintes de l’apparence, le poids des années et des responsabilités, et la douceur si touchante avec son amant. Son pas de deux avec Jérémy-Loup Quer, au milieu du ballet, et seul véritable moment d’amour du spectacle, fut particulièrement touchant. Sans pouvoir rivaliser, Camille Bon montra une belle maturité et beaucoup de conviction dans ce même rôle, et une progression impressionnante quand elle y apparaissait bien jeune il y a deux ans. Inès McIntosh continue de briller et de montrer son impressionnante maturité en Princesse Stéphanie. Si elle garde comme une pointe d’appréhension dans le pas de deux si compliqué, elle brilla dans sa danse comme dans son jeu, comme si elle avait toujours dansé ces ballets néo-classiques. Et porta le premier acte avec Mathieu Ganio comme Germain Louvet. Sans arriver à en faire le personnage féminin central, Naïs Duboscq a su trouver sa place en Marie Larisch, avec beaucoup d’engagement constant. Enfin Marine Ganio apporta sa gouaille et sa maturité le rôle de Mizzi Caspar, donnant un contrepoint bienvenu pour ouvrir le deuxième acte parfois poussif. 

Si le ballet ne m’a toujours pas convaincu quant à son intérêt d’être à l’Opéra de Paris, beaucoup d’interprètes ont ainsi pu se détacher, portant avec force de nombreux personnages puissants. Et je reste hésitante entre l’envie de les voir évoluer dans ces rôles emblématiques, comme le peu d’envie de revoir ce ballet, tout de même mal construit et maintes fois problématiques, au Palais Garnier.

Amélie Bertrand – Représentation du Jeudi 14 novembre et du samedi 16 novembre 2024.

 

 

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