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Man Rec + M&M – Amala Dianor

Avec le programme Man Rec + M&M, Amala Dianor a inauguré la carte blanche qui lui est consacrée à la Maison des Métallos. L’occasion de revoir un solo emblématique, mais aussi de découvrir deux courts-métrages de ciné-danse et une création célébrant la rencontre entre les univers chorégraphiques. Une belle « aire de jeux », pour reprendre le titre de cette carte blanche, et de rencontres, permettant de plonger au coeur du travail chorégraphique de cet artiste qui aime tant le mélange des esthétiques. 

 

Man Rec d’Amala Dianor

 

L’actualité parisienne d’Amala Dianor est chargée en ce mois de décembre. Présent au Théâtre de la Ville du 11 au 14 décembre pour sa nouvelle création Dub, il inaugurait le 5 décembre une carte blanche de 15 jours à la Maison des Métallos. Playground mêle ainsi formes chorégraphiques courtes adressées à tous les âges, projections de films issus de la collection CinéDanse (produite par Amala Dianor et Grégoire Korganow), mais aussi événements festifs, en particulier autour de la musique électronique d’Awir Leon, collaborateur de longue date du chorégraphe. Pour la première de cette carte blanche, le chorégraphe propose deux spectacles, précédés de courts-métrages de la collection CinéDanse : la reprise de son solo signature Man Rec, qui vient tout juste d’avoir dix ans, et la création M&M, dialogue entre les deux danseuses dont elle porte les initiales, Marion Alzieu et Mwendwa Marchand.

Démarrons d’abord par les projections. Lancée en 2021, au moment de la pandémie, la collection CinéDanse redonnait des espaces à la danse, quand celle-ci en était privée. Et c’est bien d’espace qu’il est question avec Nioun Rec, film réalisé par le plasticien Grégoire Korganow dans la Villa Savoye, dont Le Corbusier entendait faire la synthèse des cinq points d’une architecture moderne. Dans l’angle du toit-terrasse de cette villa blanche construite sur pilotis, les bras d’Amala Dianor s’élèvent en ciseaux ailés, invoquant les courbes qui feront danser les lignes puristes des fenêtres en bandeau et des murs de béton.

 

Nioun Rec – Amala Dianor (Nangaline Gomis)

 

Gros plan sur le visage grave de Nangaline Gomis, jeune danseuse diplômée du CNSMD de Lyon à laquelle Amala Dianor a souhaité transmettre son solo Man Rec, réinterprété pour l’occasion sous le titre Wo-Man (et que l’on peut voir à la Maison des Métallos le 14 décembre). C’est que, là où Man Rec signifie en wolof « moi seulement », Nioun Rec (« Nous seulement ») fait surgir l’altérité. Puisant dans le matériau chorégraphique de Man Rec, tout en ondes pulsatoires et parcours envoûtants, Nioun Rec dessine ainsi la voie d’une transmission entre deux interprètes au parcours riche d’hybridations entre danses urbaines, danses africaines et danse contemporaine.

Le noir et blanc souligne l’architecture formelle, partition rectiligne sur laquelle s’écrivent les courbes sinueuses de la chorégraphie. Les pentes qui relient les étages deviennent le lieu de marches déliées qui, à rester sur place, n’en avancent pas moins résolument vers l’autre, vers un ailleurs. Quand la nuit tombe sur la villa, et que celle-ci n’éclaire plus son paysage arboré que de minces rais de lumière, la silhouette d’Amala Dianor se découpe à la fenêtre, image sereine dans l’obscurité. Ouvrant à la danse d’autres espaces et circulations, le ciné-danse a produit des formes artistiques à part entière. De Mats Ek à Louise Lecavalier, en passant par la collaboration féconde entre Anne Teresa De Keersmaeker et Thierry De Mey, nombreux.ses sont les chorégraphes à avoir exploré le lien kinésique puissant qui unit la danse aux mouvements de la caméra. Avec A Million other days, interprété par Awir Leon sur une musique qu’il a lui-même composée, la chorégraphie hip hop emporte ainsi la caméra dans un plan séquence étourdissant. Sur des paroles qui évoquent le thème de la rupture amoureuse, Awir Leon s’épuise à danser sa peine avec une énergie vibrante et élégiaque, jusqu’à nous entraîner dans un tourbillon de chagrin et de grâce

 

Nioun Rec – Amala Dianor

 

Et c’est sur le fil sidéral de la musique d’Awir Leon que le ciné-danse laisse place à Amala Dianor, et à son solo Man Rec, créé en 2014 et devenu depuis emblématique de son style. Sur un plateau dépouillé qui pourrait évoquer un studio de danse, Amala Dianor se laisse traverser par tous les gestes qui l’habitent, de son parcours autodidacte dans les danses urbaines à sa formation en danse contemporaine au CNDC d’Angers. C’est comme si nous assistions à un processus de recherche solitaire : des gestes émergent, que le danseur tâche d’agencer en courtes séquences, d’une façon, puis d’une autre. Discrète, la musique d’Awir Leon saupoudre la scène de sa poussière stellaire entrecoupée de longs silences. De sauts explosifs en longues ondulations, de tours enivrants sur les genoux à d’hypnotiques ports de bras, la chorégraphie d’Amala Dianor mêle l’énergie et la clarté d’isolation des danses urbaines à la fluidité linéaire des danses contemporaine et classique. Lestée de tout un passé, elle ne cesse de s’étirer vers l’avenir. Et vers nous, à qui le danseur lance des regards amusés : oui, il cherche en lui, mais il n’a pas oublié que nous sommes là. Sous une lumière dorée et dans la mélodie d’Awir Leon qui enfin se déroule, la séquence finale nous offre une chorégraphie chavirante, comme si chaque geste prenait sa place, et que naissait sous nos yeux la danse d’Amala.

M&M nous convie à une dernière rencontre, entre la danseuse contemporaine Marion Alzieu et Mwendwa Marchand, spécialisée dans le style jamaïcain du dancehall. Toutes deux ont, comme les interprètes avec lesquel.le.s travaille Amala Dianor, un parcours riche d’hybdridations. Et surtout un goût de la rencontre qui se déploie dans les diverses nuances du « danser à deux ». Entre mimétisme et échos, défis et démonstrations, les deux danseuses se jaugent et s’observent, se laissent imprégner par la danse de l’autre ou prennent momentanément l’ascendant, Marion Alzieu par l’ultra-précision de ses trajectoires, Mwendwa Marchand par ses cambrés renversants. Dans un espace architecturé par des néons, presque comme sur un ring, elles font naître entre elles, quasiment sans se toucher mais dans la différence de leurs silhouettes et de leur manière d’habiter le mouvement ou de se projeter vers le public, une danse souple, élégante et puissante, toujours précise dans ses lignes comme ses syncopations.

 

  M&M d’Amala Dianor – Marion Alzieu et Mwendwa Marchand

                                                                                 

Carte blanche Playground d’Amala Dianor.       

Man Rec + M&M d’Amala Dianor, avec Amala Dianor, Mairon Alzieu et Mwendwa Marchand. Précédé de courts métrages de la collection CinéDanse réalisés par Grégoire Korganow, chorégraphie d’Amala Dianor et musique d’Awir Leon : Nioun Rec – Cinédanse #0 avec Amala Dianor et Nangaline Gomis et A Million other days – Cinédanse #6 avec Awir Leon. Jeudi 5 décembre 2024 à la Maison des Métallos. Playground continue jusqu’au 19 décembre. M&M à voir en tournée en 2025

Dub d’Amala Dianor jusqu’au 14 décembre au Théâtre de la Ville, au 18 décembre au Corum de Montpellier et en tournée en France en 2025

 

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