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La Reine des neiges d’Aniko Rekhviashvili – Ballet de l’Opéra national d’Ukraine

À l’affiche du Théâtre des Champs-Élysées, comme il y a deux ans avec Giselle, le Ballet national d’Ukraine a fait la démonstration de sa pugnacité face aux difficultés liées à la guerre en proposant une version féérique du conte d’Andersen. Ballet en deux actes d’Aniko Rekhviashvili, ancienne directrice artistique de la compagnie de 2013 à 2019, cette Reine des neiges constitue une alternative parfaite aux traditionnels ballets des fêtes de fin d’année. Entraînés par le rythme de cette production délestée de toute musique de compositeurs russes, on navigue entre les tableaux comme on tournerait les pages d’un album joliment illustré. Si la chorégraphie se révèle efficace mais sans réelle audace, c’est surtout l’engagement des interprètes qui force le respect. Comme un phare dans la nuit ukrainienne, ce ballet brille d’une clarté pleine de promesses.

 

La Reine des neiges – Ballet national d’Ukraine

 

La première fois que j’ai découvert le Ballet de l’Opéra national d’Ukraine (à l’époque ballet de l’Opéra de Kiev), c’était en 2018 lors de sa venue au Théâtre des Champs-Élysées avec Casse-Noisette. Six ans plus tard, l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a rebattu les cartes et rendu désormais impossible toute référence à la culture russe. Jouer Tchaïkovski, ou tout autre compositeur russe, est désormais inenvisageable. C’est donc une version remaniée de La Reine des neiges de la chorégraphe Aniko Rekhviashvili avec une toute autre partition qui a été présentée en cette fin d’année au public français. Interprétée par l’orchestre Prométhée dirigé par le chef ukrainien Sergii Golubnychyi, la musique de de ce ballet en deux actes est un arrangement musical plutôt convaincant d’œuvres de Grieg, Massenet, Offenbach, Strauss, Berlioz et d’autres…

Le ballet débute d’ailleurs sur une valse envoûtante de Strauss qui convient parfaitement à l’ambiance festive du tableau d’ouverture. Des jeunes patineurs s’en donnent à cœur joie dans un décor de maisons enneigées. Chaudement emmitouflés, les couples virevoltent avec aisance. Parmi eux, Gerda et Kai, deux amis inséparables, les protagonistes principaux du conte original d’Andersen, avec lequel le film d’animation des studios Disney avait pris, dirons-nous, quelques libertés. Séparée de son compagnon Kai, ensorcelé par un miroir magique et enlevé par l’énigmatique Reine des neiges, Gerda part à sa recherche. Dans sa quête, dangers, épreuves et rencontres déterminantes se dresseront sur son chemin avant de le retrouver, dans le Palais des glaces. Un périple initiatique dont la jeune fille sortira grandie et plus sûre de ses choix. Quand on sait combien les ballets classiques ne font pas toujours la part belle aux héroïnes, souvent victimes, cette inversion des rôles se révèle plutôt plaisante à constater. À l’issue du ballet, les deux enfants entreront tous deux dans l’adolescence, après ce voyage qui a transformé leurs liens d’amitié en sentiment amoureux.

 

La Reine des neiges – Ballet national d’Ukraine

 

Durant les deux actes, les tableaux se succèdent avec rythme. On voyage d’une patinoire à un jardin de conte de fées, d’une forêt mystérieuse à une scène de bal dans un palais. Des trolls à oreilles pointues côtoient un couple de corbeau et de corneille et des flocons de neige. Les souvenirs d’autres ballets se télescopent parfois, un peu de La Belle au bois dormant  dans la magnificence de la cour où Gerda est invitée par un prince et une princesse, un peu de Giselle dans la personnalité glaçante de La Reine des neiges (impériale Iryna Borysova aux lignes si élégantes) qui rappelle l’inflexible Myrtha.

Efficace et pleine de charme, la chorégraphie ne recèle toutefois pas de remarquables moments de bravoure technique, à part la danse des brigands au deuxième acte qui reprend des danses traditionnelles ukrainiennes à l’énergie communicative. Dans ce moment qui détonne quelque peu, mais prend finalement toute sa place, la dizaine de danseurs livre une bondissante prestation volontaire et millimétrée qui soulève l’enthousiasme du public. C’est sans conteste cette fougue et cet engagement qui donnent toute sa qualité à ce ballet par moments légèrement suranné. La virevoltante Tetiana Lozova et le solide Yaroslav Tkachuk, interprètes de Gerda et Kai, tiennent, eux, le ballet de bout en bout jusqu’à ce pas-de-deux final très émouvant et délicatement sophistiqué jusque dans les portés.

Lorsque le noir se fait dans la salle et que le rideau se lève, on oublie habituellement les heures de travail et d’effort nécessaires pour monter un ballet. Ici, même emportés par ce tourbillon, comment ne pas songer aux conditions de répétitions et à l’état d’esprit de cette compagnie qui poursuit ses activités dans un pays en guerre. Impossible de ne pas lire en creux dans la combattivité de l’héroïne la pugnacité de tout un peuple prêt à ne rien lâcher.

 

La Reine des neiges – Ballet national d’Ukraine

 

La Reine des neiges d’Aniko Rekhviashvili par le Ballet de l’Opéra national d’Ukraine dans le cadre de la saison TranscenDanses au théâtre des Champs-Élysées. Avec Iryna Borysova, Yaroslav Tkachuk, Tetiana Lozova, Mariia Kirsanova, Oleksii Shvydkyi, Kateryna Didenko, Mykyta Kaigorodov, Ivan Avdijevskyi, Olena Karandieieva, Denys Turchak, Olesia Vorotniuk Natalia Yakymchuk. Samedi 21 décembre 2024. À voir jusqu’au 5 janvier 2025.

 
 
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