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[Suresnes Cités Danse 2024] Rencontre avec Christian et François Ben Aïm pour leur création « Tendre colère »

Le festival Suresnes Cités Danse démarre le 10 janvier au Théâtre Jean Vilar de Suresnes, pour un mois de spectacles autour du hip hop, de créations et de découvertes. En ouverture : la nouvelle création de Christian et François Ben Aïm, Tendre colère. Le duo de chorégraphes continue son travail entamé sur Facéties, leur pièce précédente si séduisante, et interroge cette fois-ci le groupe, tiraillé entre de multiples émotions, qui fait naître le vivre-ensemble. Rencontre.

 

Christian et François Ben Aïm

 

Que représente pour vous le fait d’ouvrir Suresnes Cités Danse, vous qui êtes artistes associés du Théâtre Jean Vilar depuis deux ans ?

François Ben Aïm – Carolyn Occelli (ndlr : la directrice du Théâtre et du festival) a impulsé une ouverture esthétique, porté la diversité des formes et des recherches d’écriture. En étant artistes associés, nous portons avec elle ces ouvertures, cela correspond à ce que l’on cherche à défendre. Nous sommes fiers, honorés et ravis de participer à la fenêtre que représente Suresnes Cités Danse sur les différentes esthétiques, cela amplifie tout le travail sur le territoire, ça a une grande cohérence pour nous comme pour le théâtre.

 

Vous y présentez votre nouvelle création, Tendre colère. Qu’est-ce qui plane sur cette nouvelle pièce ?

Christian Ben Aïm – L’engagement, l’idée du partage, d’être ensemble, l’énergie du collectif pour avancer vers un horizon et un futur commun. On est dans un rapport plus viscéral, qui donne une autre forme de joie : celle du vivre ensemble.

François Ben Aïm – Il y a vraiment cette idée du lâcher prise, de laisser surgir le mouvement, de se laisser emporter, de pouvoir aussi en être témoin. Cela demande à nos dix interprètes une bonne virtuosité physique, mais aussi une grande conscience de ce qui se vit et de ce qui se passe.

Christian Ben Aïm – Cette dualité nous intéresse. Le fil de notre travail repose sur le relâché et la résistance : comment on retient, on arrête de retenir, malgré nous parfois. On travaille ce va-et-vient de tensions et de relâchements dans le corps et la pensée, des notions aussi bien chorégraphiques, psychologiques, physiques ou organiques.

 

Tendre colère de Christian et François Ben Aïm

 

C’est un peu une façon de répondre aux troubles de notre époque ?

François Ben Aïm – Cela fait presque deux ans que l’on travaille sur cette pièce et il y avait comme une forme de sidération face à un certain délitement du monde, cette forme de violence constante.Tendre colère peut porter ce questionnement sur où va le monde. On questionne le être-ensemble, la notion du commun. On le fait à travers différentes émotions et types d’énergies. Il n’y a pas forcément une seule et même couleur qui amène à la joie. Des émotions sortent de nous-même, du côté de la colère, ou au contraire vers quelque chose de plus doux, comme l’entraide, le soutien, le besoin de s’en remettre aux autres. On est aussi sur ces énergies parfois difficilement cernables, qui créent des tiraillements, il peut y avoir de l’incompréhension sur ce que l’on traverse ou ce que l’on vit. Explorer l’ensemble de ces élans et de ces états nous intéressait.

 

Comment Tendre colère s’inscrit dans la lignée de Facéties, votre création précédente où régnait l’absurde ?

François Ben Aïm – Chorégraphiquement, Facéties a ouvert pour nous un champ nouveau, autour du corps plus dissocié, d’une écriture du décalage, du dessaisissement, où la volonté n’est plus maîtresse. La dimension comique était recherchée. Avec Tendre colère, nous avons continué à explorer ces principes physiques mais sans forcément y chercher le comique. Dans notre écriture, l’interprète se trouve parfois malmené, emporté ou traversé. Il y a un jeu entre ce qui est subi et ce sur quoi il agit, il joue de ce qui lui arrive. Ce travail est né dans Facéties. Sans cet aspect comique, cela peut devenir plus dur. Mais on ne porte pas de jugement sur la couleur des émotions qui nous traversent. On les observe, on les éprouve, on en est témoin sur les autres ou sur soi-même.

Christian Ben Aïm – On se laisse traverser par tout ce qui peut apparaître. Avec le travail sur le retenu-relâché, on laisse apparaître quelque chose de plus intime, de plus profond, que ce soit dans la joie, l’absurde, la colère, la puissance ou la force.

 

Cette poursuite de ce travail a-t-elle créé des surprises ?

François Ben Aïm – Ce dont nous n’étions pas sûrs, c’était de voir ce travail chorégraphique se décliner et se transmettre au groupe, être porté par le collectif. Dans Facéties, il s’agit davantage de figures ou d’individus, des singularités qui s’expriment. Dans Tendre colère, il y a dix interprètes, et l’enjeu était de voir comment ce que l’on pouvait trouver pour chacun pouvait se transmettre au collectif. Et ce fut une belle surprise. Un groupe peut aussi porter ces particularités, ces spécificités de langages, l’impact en est même décuplé.

Christian Ben Aïm – Nous avons la chance et cette joie de pouvoir travailler avec des interprètes de cette qualité. Ils portent les propos et ce que l’on cherche à montrer au plateau. Cela donne envie de poursuivre sur un troisième volet, d’essayer d’aller encore plus loin dans le décalage, casser le quatrième mur, d’être dans un endroit de permission, de folie douce, d’absurde, de tragico-comique.

 

Tendre colère de Christian et François Ben Aïm

 

Quels sont vos vœux pour 2025 ?

François Ben Aïm – Que le milieu de la culture et de l’art retrouve l’importance qu’il a dans notre société et dans ce qu’il apporte au fait de vivre ensemble, de créer du lien, de rêver le monde futur, de réfléchir au monde passé et de se retrouver autour de moments. Pour l’instant, on entend beaucoup de discours qui tendent à minimiser la culture et l’art comme des choses non essentielles. Se retrouver devant des objets d’art, en particulier de l’art vivant, est tellement important.

 

Tendre colère de Christian et François Ben Aïm, du 10 au 12 janvier au festival Suresnes Cités Danse. 

Suresnes Cités Danse, du 10 janvier au 9 février au Théâtre de Suresnes Jean Vilar.

 
 
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