d’amour de Thomas Lebrun – CCN de Tours
« Parlez-moi d’amour » chantait Lucienne Boyer en 1930 dans un music-hall parisien. Mais il n’est pas toujours facile de trouver les mots justes pour dire ce qui se trame au fond des cœurs. Et si l’on conjuguait la parole au geste ? C’est ainsi que Thomas Lebrun raconte les histoires d’amour pour sa nouvelle création. Dans cette pièce adressée à tous les jeunes (ceux et celles qui se découvrent ou qui le sont restés), le chorégraphe et directeur du CCN de Tours explore l’amour à travers les temps et les modes d’une variété de chansons douces.

d’amour de Thomas Lebrun – CCN de Tours
Pour diffuser le langage d’amour, Thomas Lebrun choisit les ondes sensibles. Conçue comme une émission de radio intitulée « Radio Love »,d’amour, sa récente création, retrace un siècle de refrains sentimentaux mis en mouvement par quatre interprètes. Traversant un rideau à franges scintillant sous les feux d’un projecteur en forme de cœur, deux danseurs et deux danseuses virevoltent tels de guillerets électrons libres sur les paroles de Charles Trenet. Puis la playlist enchaîne des airs de comédie musicale que la voix off de Nicolas Martel introduit par un bref commentaire historico-musical.
D’abord en trio sur la voix d’Amoureuse de Lucie Dolène (la doublure française de Blanche-Neige de Walt Disney), le quatuor se relaie ensuite pour incarner Maria et Toni sur Tonight de West Side Story. Tels les Roméo et Juliette des temps modernes, les célèbres amants de Broadway puis du film réalisé par Leonard Bernstein et Jerome Robbins en 1961 avaient rejoué la scène du balcon dans un immeuble new-yorkais. Ici, le chassé-croisé des interprètes entre les jeux de lumières tamisées suffit à donner tout son relief au dialogue amoureux. La synchronisation des gestes et des lèvres y est impeccablement articulée par les danseurs et danseuses. Passant d’un style et d’une époque à l’autre, chacun et chacune se révèle d’une musicalité et d’une versatilité épatantes.

d’amour de Thomas Lebrun – CCN de Tours
Grâce à son intelligence dramaturgique, la pièce déroule les morceaux comme s’ils découlaient les uns des autres. Ainsi le grand écart entre une reprise drôlissime de Patrick, Mon Chéri, tiré des années fleur bleue de Sheila, et l’ambiance multicolore d’un tube disco d’Elli&Jacno se fait tout naturellement. Et s’ils ont bien un côté rétro par rapport aux titres les plus récents de Maëlle et Zaho de Sagazan, les hits d’hier sont loin de passer pour anachroniques dans le medley. Alors que la pièce avance chronologiquement et horizontalement (par ses allers-retours entre la France et les États-Unis), il apparaît que les chansons tintent à peu près le même langage.
Peu à peu la voix off s’efface – et avec elle, le cadre de l’émission radiophonique – pour laisser la parole aux interprètes. Sur le slow de Richard Sanderson devenu iconique avec le film La Boom, ils et elles viennent partager au micro leurs premières amourettes et leurs premiers chagrins. Avec douceur et une pointe de nostalgie, leurs confessions et anecdotes évoquent le hasard des rencontres dans le tourbillon de la vie. Mais c’est main dans la main, dans une chorégraphie inspirée du langage des signes sur la voix de Safia Nolin chantant d’amour ou d’amitié, que le quatuor figure le va-et-vient du sentiment amoureux avec le plus de limpidité. Mouvante et émouvante, la pièce de Thomas Lebrun touche à un intime universel et résonne comme un éloge de la différence et de la tolérance. Face à l’un des plus grands mystères de l’humanité, son parler-danser d’amour va droit au cœur.

d’amour de Thomas Lebrun – CCN de Tours
d’amour de Thomas Lebrun, en connivence avec les interprètes du CCN de Tours Sylvain Cassou, Élodie Cottet, Lucie Gemon, Paul Grassin, Nicolas Martel (voix). Vendredi 14 mars 2025a u Théâtre National de la Danse Chaillot. À voir à La Ferme du Buisson de Noisiel du 10 au 12 avril.