Soirée Mats Ek / Sharon Eyal au Ballet de l’Opéra de Paris – Qui voir danser sur scène
À côté de La Belle au bois dormant, emblème du ballet académique, le Ballet de l’Opéra de Paris propose en ce printemps une soirée contemporaine qui s’annonce passionnante. D’un côté le retour très attendu de Appartement de Mats Ek, avec deux nouvelles distributions entièrement renouvelées. Puis la création Vers la mort de Sharon Eyal, chorégraphe toujours très appréciée par les artistes contemporains de la compagnie. Petit tour des distributions et des deux pièces présentées. À noter que la date du 17 avril marquera les adieux à la scène de Ludmila Pagliero.

Appartement de Mats Ek en répétition – Léonore Baulac et Alexandre Gasse
Appartement de Mats Ek
Ludmila Pagliero (le bidet), Hugo Marchand (la télévision), Valentine Colasante et Jack Gasztowtt (la cuisinière), Ida Viikinkoski et Marc Moreau (la porte), Hannah O’Neill (Pink), Pablo Legasa (Blue), Germain Louvet et Antoine Kirscher (Trio/Duo), Daniel Stokes (Trio/Extra) et Clémence Gross (Hat) : les 25, 27 et 30 et mars, les 1er, 4, 7, 10, 12 (matinée), 16 et 17 avril.
Roxane Stojanov (le bidet), Hugo Vigliotti (la télévision), Léonore Baulac et Alexandre Gasse (la cuisinière), Lucie Devignes et Florent Melac (la porte), Marine Ganio (Pink), Takeru Coste (Blue), Axel Ibot et Francesco Mura (Trio/Duo), Milo Avêque (Trio/Extra) et Victoire Anquetil (Hat) : les 29 et 31 mars, les 2, 5, 8, 11, 12 et 18 avril.

Appartement de Mats Ek en répétition – Germain Louvet
La Belle au bois dormant fait tellement parler d’elle pour son attendu réveil après onze ans que l’on en oublierait presque l’autre événement de ce printemps au Ballet de l’Opéra de Paris : le retour, tout aussi attendu et depuis plus longtemps, d’Appartement de Mats Ek. La pièce a été créée en 2000 pour la compagnie, et pour le Palais Garnier dont l’impressionnant rideau rouge tient un rôle à part entière. C’est un des gros succès de l’ère Brigitte Lefèvre à la Direction de la Danse, une pièce coup de poing toujours aussi moderne. Mais qui, curieusement, n’a connu que très peu de reprises. Il y a eu celle de 2003 avec cette génération extraordinaire, entre Marie-Agnès Gillot, Nicolas Le Riche ou Kader Belarbi. Puis celle de 2012, où cette génération en fin de carrière, éblouissante dans cette pièce, est rejointe par ceux et celles qui sont alors les jeunes espoirs de la compagnie : Amandine Albisson, Valentine Colasante, Alice Renavand.
Treize ans plus tard, Appartement est repris avec des distributions entièrement renouvelées : seules Ludmila Pagliero et Alexandre Gasse ont déjà dansé ce ballet, mais dans des rôles différents (je note que les noms des rôles ont changé au fur et à mesure des reprises, petite curiosité anecdotique). C’est donc un autre Appartement qui va voir le jour, tant ses interprètes le façonnent. Sur les deux distributions, la première est certes plus étoilée, mais il n’y a pas vraiment l’une ou l’autre à privilégier. Et même, si vous le pouvez : allez voir les deux ! Cette œuvre à part en vaut le coup. Appartement, c’est la chronique du quotidien. Dans sa simplicité, sa force, son dégoût, sa fureur, ses vices cachés, sa tendresse, sa poésie. On s’engueule dans la cuisine, on danse avec des aspirateurs. Mats Ek s’inspire de la vie de tous les jours, de notre banalité, des passants sur un passage piéton devant le Théâtre de la Ville pour dresser une galerie de personnages perdus comme attachants.
Le premier solo, celui du Bidet, a été marqué par la performance de Marie-Agnès Gillot. Ludmila Pagliero – qui fera ses Adieux à la scène dans ce rôle le 17 avril – et Roxane Stojanov s’en emparent à leur tour. L’emblématique solo de la Télévision, où était extraordinaire un certain José Martinez, est donné à Hugo Marchand. Celui qui semble constamment porter le blues de lui-même devrait en faire quelque chose d’unique. Et quel plaisir de voir Hugo Vigliotti dans la deuxième distribution, qui a dansé ce solo, avec tout son talent d’acteur, lors d’un Concours de promotion. Pour le duo de la Cuisinière, peut-être le plus grinçant, la fragilité puissante de Léonore Baulac rappelle celle de Clairemarie Osta dans ce même rôle. Valentine Colasante devrait en faire quelque chose de très différent et ce sera passionnant (quand on dit qu’il faut aller voir les deux distributions !). Le duo de la porte est peut-être le plus connu, immortalisé par Nicolas Le Riche et Sylvie Guillem, qui ont mené pendant toute leur carrière un compagnonnage fructueux avec Mats Ek. Ida Viikinkoski et Marc Moreau – on imagine si bien ce dernier dans ce duo – puis la jeune Lucie Devignes avec le plus expérimenté Florent Melac devront y imprimer leurs marques. Tous et toutes y ont leur importance, et c’est aussi la cohésion de l’ensemble qui emporte dans Appartement. Tout comme la musique, signée de Fleshquartet qui, je préfère vous prévenir, vous restera en tête longtemps après la représentation.

Appartement de Mats Ek en répétition – Ludmila Pagliero
Vers la Mort de Sharon Eyal
Naïs Duboscq, Caroline Osmont, Nine Seropian, Adèle Belem, Marion Gautier de Charnacé, Mickaël Lafon, Yvon Demol, Julien Guillemard, Loup Marcault-Derouard et Nathan Bisson : sur l’ensemble des dates.
Fin 2022, Sharon Eyal avait collaboré pour la première fois avec l’Opéra de Paris pour sa création Faunes, aux représentations malheureusement perturbées par le Covid. La chorégraphe revient dans des conditions plus sereines avec une adaptation de sa pièce à succès OCD Love. La création aurait dû être un travail sur pointes, c’était une demande de José Martinez. Vu les photos, elle sera visiblement sur demi-pointes, comme la chorégraphe aime le faire. Soit dit en passant, après les Ballets de Monte-Carlo en 2024, c’est la deuxième fois que Sharon Eyal fait le coup – et c’est dommage car l’utilisation de la pointe chez Sharon Eyal pourrait être passionnante.
Pour cette re-création, une seule distribution assure l’ensemble des spectacles, composée de dix danseurs et danseuses. Les incontournables du répertoire contemporain à l’Opéra en sont, comme Loup Marcault-Derouard, Julien Guillemard et Marion Gautier de Charnacé. Cette dernière avait déjà travaillé avec la chorégraphe sur Faunes, tout comme Caroline Osmont, Yvon Demol et Nine Seropian. Naïs Duboscq, dans un répertoire plus classique depuis quelque temps, est aussi de l’aventure, avec Adèle Belem, Mickaël Lafon et Maxime Thomas, des personnalités importantes du corps de ballet. On imagine une pièce portée par l’énergie collective, où tout le monde trouve la place de s’exprimer. L’ensemble des artistes choisi ont en tout cas l’expérience de la création contemporaine.

Vers la Mort de Sharon Eyal en répétition – Nine Seropian et Naïs Duboscq