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Rencontre avec Xenia Wiest pour sa création Beauties and Beasts au Ballet de l’Opéra de Bordeaux

Avec sa nouvelle création Beauties and Beasts, la chorégraphe Xenia Wiest est à l’affiche du programmeQuatre Tendances que présente le Ballet de l’Opéra de Bordeaux du 8 au 16 avril, avec Wayne McGregor, Sol León & Paul Lightfoot et Ana Isabel Casquilho. Pour Xenia Wiest, c’est un retour dans la compagnie, après sa création Just Before Now en 2017. Entre-temps, elle a dirigé pendant trois ans le Ballett X Schwerin. De nouveau free-lance, la chorégraphe propose une création entièrement féminine sur le voyage de l’adolescence à la maturité. Rencontre avec Xenia Wiest sur ce nouveau projet, et son travail toujours profondément connecté à la musique.

 

La chorégraphe Xenia Wiest

 

Le public français vous a découvert au premier Concours de jeunes chorégraphes de ballet en 2016 à Biarritz, que vous avez gagné. Comment ce concours a-t-il changé votre carrière ?

C’était une très bonne expérience et mon tout premier concours. Je ne m’attendais donc pas à être sélectionnée et le gagner était incroyable. Charles Jude, alors directeur du Ballet de l’Opéra de Bordeaux, m’a contacté pour créer Just Before Now en 2017. C’était un très bon début pour ma carrière de chorégraphe et c’est aussi cela qui m’a fait comprendre que chorégraphier était vraiment ce que je voulais faire. J’avais déjà fait quelques pièces, certaines personnes m’avaient dit que j’avais du talent et qu’il fallait continuer mon travail. Mais cette expérience m’a donné la confiance pour me dire que je pouvais m’y consacrer pleinement, que cela devienne ma véritable carrière.

 

Il y a encore trop peu de chorégraphes femmes, notamment dans la technique académique sur la scène internationale. Avez-vous eu l’impression que ce fut plus dur pour vous, parce que vous étiez une femme ?

On m’a souvent posé la question. Je dois dire que, en 2016, ce n’était pas encore un sujet. Je ne pensais pas à ça à l’époque, je voulais juste faire du bon travail et que l’on me choisisse pour cela. Je n’ai jamais senti, dans un théâtre ou une compagnie, que j’ai été moins considérée parce que femme. Maintenant, oui, nous sommes moins nombreuses que les hommes. Il y a plusieurs raisons selon moi, les femmes ont souvent moins l’habitude d’avoir de l’ambition, de la confiance en soi. Et puis se pose la question des enfants, et c’est dans les faits plus difficile pour une femme de concilier ces deux aspects.

 

Comment utilisez-vous le langage classique dans vos créations ?

Pour moi, le langage académique est la base. Si vous avez les bases du classique, vous pouvez découvrir autre chose. J’ai aimé expérimenter cela dans ma carrière de danseuse, à Berlin puis à Hanovre : j’ai dansé Le Lac des cygnes et Hofesh Shechter en même temps. J’ai ainsi différents outils que je peux utiliser en fonction de ce que je veux exprimer. Cela m’apporte beaucoup de liberté pour construire quelque chose et créer. Je m’adapte aussi à la compagnie que j’ai en face de moi. Au Ballet de l’Opéra de Bordeaux, le répertoire est plus classique. Les danseuses ont une technique si brillante sur pointes, avec laquelle elles peuvent si bien s’exprimer, je voulais m’en servir pour ma propre vision.

 

Comment vous êtes-vous servi de cette technique pour votre création Beauties and Beasts ?

J’utilise la grande technique classique dans la première partie, celle des Bêtes, qui évoque ce qu’il y a de sauvage dans le fait d’être une jeune fille. La musique contient des guitares agressives, quelque chose de féroce et la danse représente bien ce que la musique exprime. Pour la deuxième partie, le chemin vers la maturité, j’utilise la musique du compositeur russe basé à Berlin Bhima Yunusov, qui est très différente. Je me sers plus du travail au sol, tout en gardant la pointe. J’aime créer sur des énergies différentes, la pièce prend ainsi de multiples chemins. Et j’utilise toujours la pointe comme un outil pour exprimer la musicalité. La musique est pour moi le plus important et j’ai été très inspirée par toutes les partitions proposées.

 

 

 

 
 
 
 
 
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Pourquoi avoir fait ce choix d’un casting entièrement féminin ?

C’était d’abord la demande du directeur du Ballet de l’Opéra de Bordeaux Éric Quilleré, qui voulait une pièce avec uniquement des danseuses pour équilibrer la soirée, qui comprenait déjà une pièce entièrement masculine. Il voulait une œuvre forte, pour que les danseuses puissent y avoir une certaine énergie. J’ai commencé à penser à cette idée, à écouter beaucoup de musiques différentes. Beauties and Beasts, c’est le chemin vers la maturité qui donne une certaine fierté. Prendre de l’âge est quelque chose de beau et j’aime l’idée de trouver la beauté par différents chemins. Cela nous représente si bien.

 

Quel est votre processus de création ?

C’est très long (rire). Cela commence plusieurs mois avant. Trouver le concept est la première étape, puis construire la dramaturgie et connecter mes idées avec la musique. J’ai mon propre chemin pour apprendre la musique et structurer la pièce, lui trouver sa musicalité. Et puis je connecte toutes ces idées, ces sentiments, ces humeurs, comme un puzzle. Cela peut prendre beaucoup de temps ! Étant déjà venue à Bordeaux, je connaissais certaines danseuses, ce qui a rendu les choses plus faciles en studio. Être très clair dans les pas n’est pas ce qui est le plus excitant. Je préfère savoir ce que je veux en termes de musicalité, donner des idées aux danseuses, leur transmettre les sentiments, les dialogues, les conflits. Je leur donne des directions, elles doivent aussi travailler seules. Je contrôle la musicalité, la dynamique,

 

Vous parlez beaucoup de la musicalité. Quelle place prend-elle dans votre travail ?

La musique est tout pour moi. Mon père était batteur de jazz, ma mère professeure de violon, j’ai chanté, j’ai joué de la flûte, du piano. J’ai appris la musique bien avant la danse, que je n’ai commencée qu’à 13 ans. À chaque fois, j’essaye vraiment de connecter mes pas à la musique. En répétition de Beauties and Beasts, je pouvais ainsi dire aux danseuses : « Vous entendez le son de la guitare ? C’est ce travail de mouvement que vous devez faire : sentez son rythme« .

 

Après avoir dirigé le Ballett X Schwerin pendant quelques années, vous êtes depuis quelques mois chorégraphe free-lance. C’est un statut qui vous convient ?

C’est en fait la première fois que je connais cette position. Tout s’est fait rapidement dans ma carrière, j’ai toujours eu une certaine sécurité dans mes postes. Pour être honnête, j’aimerais beaucoup avoir de nouveau cette chance d’avoir une compagnie. Quand vous êtes free-lance, vous composez quelque chose avec un groupe puis vous devez partir pour autre chose. Voir grandir des artistes, les rendre meilleurs, construire quelque chose sur le long terme me manquent.

 

Petit retour en arrière enfin. La dernière fois que vous êtes venue en France, c’était pour le festival Le Temps d’aimer à Biarritz, en septembre. Vous avez mené une Gigabarre avec énormément de gens venus danser malgré une pluie battante. Quel souvenir en gardez-vous ?

À vrai dire, c’est l’un de mes plus beaux souvenirs cette année ! Tout le monde me disait : ça ne va pas être possible. On ne pouvait pas avoir de pianiste, il pleuvait trop fort. Et puis j’ai vu tous ces gens à la barre, prêts à danser et qui avaient tellement envie, sous la pluie. On ne pouvait pas partir ! Alors j’ai mis la chanson It’s Raining Men pour les premiers pliés et on y est allé. Le public à Biarritz est tellement engagé dans la danse ! Et moi j’aime tellement me connecter avec le public. Ce fut un souvenir très fort.

 

 

 
 
 
 
 
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Beauties and Beasts de Xenia Wiest, à voir lors du programme Quatre Tendances par le Ballet de l’Opéra de Bordeaux, au Grand-Théâtre de Bordeaux du 8 au 16 avril.

Quatre Tendances : Beauties and Beasts de Xenia Wiest (création), Between Worlds d’Ana Isabel Casquilho (création), Obsidian Tear de Wayne McGregor, Sleight of Hand de Sol León & Paul Lightfoot. Marc-Emmanuel Zanoli, danseur au Ballet de l’Opéra de Bordeaux depuis 21 ans, fera ses adieux à la scène lors de la représentation du 16 avril avec la pièce Obsidian Tear de Wayne McGregor. 

 

 

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