La Belle au bois dormant – Héloïse Bourdon et Christophe Duquenne
Héloïse Bourdon est une danseuse particulière. Dans un rôle de demi-soliste – comme une Fée dans une précédente distribution – elle ne sort pas forcément du lot. Elle reste dans le rang, elle peut paraître même un peu crispée. Mais quand elle a le premier rôle, quand elle est devant, quand elle est seule en scène, elle a le truc. Le petit truc en plus qui fait la différence entre une soliste et une véritable graine d’Étoile. Elle ne se pose plus de question, elle ne paraît plus fébrile, elle y va.
Sa prise de rôle d’Aurore fut donc une véritable réussite. Au premier acte, la danseuse est apparue un peu plus sur la réserve que les autres interprètes. Son Aurore est plus timide, plus rêveuse. Ce n’est pas la boule d’énergie qui débarque sur scène dès son entrée, mais pourquoi pas. Surtout qu’Héloïse Bourdon joue sur la progression. D’abord en retrait, son personnage s’affirme de plus en plus pour apparaître véritablement comme la star de la fête lors de sa dernière diagonale. Elle joue sur la subtilité, à la fois de son personnage et de ses mouvements. Son travail de bras semble ainsi particulièrement travaillé, soigné les moindres détails.
Véritable princesse, Héloïse Bourdon ne parvient pas cependant à être totalement reine au troisième acte. « Il faut se prendre pour des légendes vivantes« , glissait avec amusement Agnès Letestu en répétition. Peut-être est-ce cela qui lui manquait un peu pour le final, l’ultime dose de confiance pour apparaître comme une femme sûre de sa féminité. La danseuse avait toutefois la chance d’avoir un très bon partenaire, Christophe Duquenne, ce qui a permis au pas de deux final d’être beau, à défaut d’être absolument brillant.
Avec Désiré, Christophe Duquenne danse l’un de ses derniers grands rôles. À 42 ans, le danseur ne peut plus jouer les jeunes premiers. Très intelligemment, il va chercher ailleurs. Dans le deuxième acte, il apparaît ainsi comme un prince un peu blasé par la vie, qui a eu le temps d’avoir son lot de déceptions amoureuses. Sa longue variation n’avait pas le bondissement de la jeunesse, mais elle avait en revanche beaucoup de poésie et de profondeur.
Le deuxième acte fut de façon globale le plus réussi du spectacle. Héloïse Bourdon semblait dans le plus naturel des emplois lors de la vision, mélangeant lyrisme et mystère. Son travail de bras était là encore merveilleux, montrant une certaine maturité de la danseuse, parfois moins jeune fille en fleur qu’il n’y paraît. Tout était là, la poésie et la musicalité, un joli partenariat et un corps de ballet au niveau des solistes.
Cette représentation fut de toute façon, de façon générale, très au point. Oubliés les cafouillages du 7 décembre. De l’orchestre au dernier des figurants, tout le monde était là. Les sept Fées du prologue étaient particulièrement en forme, chacune avec un caractère bien particulier, emmenées par Amandine Albisson qui visiblement trépigne d’impatience d’enfiler le tutu d’Aurore. Ce n’est qu’un plaisir plus grand de revoir, semaine après semaine, cette superbe Belle au bois dormant.
La Belle au bois dormant de Rudolf Noureev, par le Ballet de l’Opéra de Paris, à l’Opéra Bastille. Avec Héloïse Bourdon (Aurore), Christophe Duquenne (Désiré), Vincent Cordier (le Roi), Amélie Lamoureux (la Reine), Juliette Gernez (la Fée Lilas), Sabrina Mallem (Carabosse), Pascal Aubin (Catabulte), Charline Giezendanner (Princesse Florine) et Marc Moreau (l’Oiseau bleu). Samedi 7 décembre 2013.
Pierre
Je voulais déjà vous remercier de votre article. Même tardivement, j’ aimerais écrire un petit commentaire sur cette représentation de La Belle au bois dormant du 13 décembre dernier. Lorsque j’ ai eu connaissance de la distribution de cette soirée et bien qu’ ayant vu la Belle quelques jours auparavant et devant y retourner pour y découvrir le couple Svetlana Zakharova/David Hallberg, je me suis débrouillé pour obtenir un billet. En effet, je tenais à tout prix à voir Héloïse Bourdon dans sa prise de rôle en princesse Aurore. D’ autant plus que je l’ avais découverte dans sa prise de rôle dans la Bayadère où elle m’ avait fait forte impression. Là encore, j’ ai remarqué qu’ Héloïse Bourdon était heureuse de danser dans le rôle titre. Et j’ étais heureux pour elle. Dans le redoutable Adage à la Rose, elle n’ avait rien à envier à ses collègues danseuses étoiles. Et comme vous le soulignez fort bien, Héloïse Bourdon a le truc. Plus la représentation avançait, plus je ressentais qu’ Héloïse Bourdon réussissait à captiver et convaincre le public. La salle est tombée sous son charme (et moi, j’ étais au comble de l’ émotion). De nombreux rappels et des fleurs attestent bien que ce soir-là, le courant était passé entre Héloïse Bourdon et le public. L’émotion était réellement présente. Mais j’ imagine la difficulté pour Mademoiselle Héloïse Bourdon de devoir rejoindre le corps de ballet après une telle prestation (comme lors des adieux à la scène de Mademoiselle Isabelle Ciaravola vendredi dernier où j’ ai eu plaisir à la revoir). C’ est là un de ses plus grands mérites.
Pierre
Ah ! J’ ai oublié de vous remercier également pour les superbes photos !