[INTERVIEW] Maxim Laurin, artiste du spectacle Séquence 8 (7 Doigts de la main)
Les 7 Doigts de la main, j’en parle de plus en plus par ici, mais qu’est-ce que c’est ? Une troupe de cirque, venue du Québec, résolument contemporaine et inventive.
Séquence 8, le dernier spectacle de la troupe, s’est installé au Casino de Paris. Pourquoi ce titre ? Parce que c’est le huitième spectacle de la compagnie (pourquoi faire compliqué…) et qu’il est composé de huit jeunes artistes de cirque. Une bande d’ami-e-s rencontrés sur les bancs de l’École nationale de cirque de Montréal, embauchés en même temps par les 7 Doigts de la main.
Maxim Laurin est l’un deux. A 21 ans, il assure un formidable numéro de planche coréenne, en duo avec Ugo Dario. Une prestation qui leur a d’ailleurs valu la médaille d’or au Festival Mondial du Cirque de Demain en 2012. Rencontre après le spectacle dans un coin de loge, où il raconte la genèse de Séquence 8, son attachement à la troupe des 7 Doigts de la main et les mystères de la voltige aérienne.
Comment pourrais-tu décrire Séquence 8 en quelques mots
C’est un spectacle de cirque qui peut être vu comme un enchaînement de séquences, liées entre elles par les huit artistes qui sont sur scène. À travers la voltige acrobatique, le mouvement ou le jeu, on évoque le thème des relations entre les gens. On souhaite que le public se reconnaisse à travers les relations que l’on vit sur scène. Mais c’est un spectacle qui est ouvert, chacun y voit ce qu’il veut… J’y fais un numéro de trapèze fixe et un numéro de planche coréenne (ndlr : de la bascule).
Comment êtes-vous tous arrivés chez les 7 Doigts de la main ?
On est de la même promotion de l’École National du Cirque de Montréal. On avait fait quelques projets avec les 7 Doigts de la main, dont une animation durant l’été. On a beaucoup aimé travailler avec eux, et ils ont beaucoup aimé travailler avec nous. Quand on a terminé notre formation, en 2011, ils nous ont dit qu’ils étaient intéressés pour monter une création avec nous, tous les huit. Il n’y a pas eu d’audition.
C’est un plaisir de jouer chaque soir avec ses ami-e-s j’imagine…
Le plus beau, c’est que l’on soit huit personnes super proches et que l’on monte un spectacle avec une compagnie que l’on aime. C’est vraiment un esprit familial, c’est un plaisir de faire cette création et de donner ce spectacle. Cet esprit de troupe, c’est l’une des forces du spectacle. Ce ne sont pas que des numéros qui s’enchaînent. On est un vrai groupe sur scène. C’est un plaisir comme artiste d’être dans cette ambiance-là, tu es à l’écoute, ouvert aux autres. Et tu sens que les autres sont ouverts à toi. J’adore être sur scène avec ces artistes. C’est tout de suite bien plus facile.
Comment a été créé Séquence 8 ?
Le processus a débuté avec beaucoup d’improvisation. Ça a commencé avec des improvisations libres, puis de plus en plus structurées. Avec ça, on a trouvé des centaines de pistes, qui nous ont amené à développer des choses précises. Au bout d’un moment, les deux co-fondateurs des 7 Doigts de la main, Shana Carroll et Sébastien Soldevila, ont fait le choix des morceaux qui composeraient le spectacle. Mais toute la matière vient de nous.
Comment se sont déroulées les répétitions ?
Ça nous a pris quatre mois et demi, et c’était relativement court. Comme on avait tous et toutes fait l’École nationale de cirque, on avait le niveau technique dans nos disciplines. Après, il fallait tout adapter au spectacle, continuer à pousser la chose en groupe. Le but n’était pas de faire un enchainement de numéros. C’est le groupe qui fait l’enchainement.
Le rythme des répétitions étaient bien plus intense que ce que l’on vit maintenant en tournée. On répétait jusqu’à six jours par semaine, de 9 heures à 17 heures. Dans ces moments-là, tu as le spectacle dans la tête tout le temps, tu y penses sans arrêt. Le tableau d’ouverture, on l’a travaillé des heures et des heures, chaque détail, chaque entrée… Ça a été un long travail, mais qui donne un beau résultat.
Quel est ton rythme d’entrainement maintenant que vous êtes en tournée ?
On ne répète plus tant que ça le spectacle, mais on s’entraîne quotidiennement pour garder le corps en forme. Chaque jour, avant le spectacle, on se retrouve tous ensemble pour un échauffement d’1h30. On passe à travers toutes les disciplines, de la voltige, la bascule, tous nos appareils. On peut venir un peu plus tôt pour s’entraîner sur nos numéros. Il y a toujours des petits bobos. Il faut réussir à garder le corps en forme pour qu’il ne soit pas blessé.
Ton principal numéro est un duo sur planche coréenne. Peux-tu le raconter ?
Au début , avec mon partenaire Ugo, on se voit mais comme à travers un voile, on est chacun dans notre réalité. Puis ces réalités se combinent pour n’en faire qu’une. C’est comme ça que je vois notre numéro, mais il y a des milliers de façons de l’interpréter.
Qu’est-ce que ça fait quand on est « en haut » ?
Pour moi, le plus fort, ce n’est pas tant d’être en haut, c’est plus le fait de sentir que tout s’enchaîne. Dans ces moments là, tu dépends tellement de l’autre : comment l’autre va arriver, comment toi tu vas le repousser… Il faut presque avoir plus confiance en l’autre qu’en soi-même. C’est ça qui est beau dans cet appareil, cette confiance tellement forte avec son partenaire.
C’est assez rare d’utiliser cet accessoire en duo ?
La planche coréenne n’est quasiment jamais utilisé en duo. En général, c’est un numéro collectif. Le fait d’être un duo permet de créer une intimité avec cet appareil, ce qui est très rare. Tout lui est relié. C’est ça qui est intéressant avec les 7 Doigts de la main. Plutôt que de créer une histoire, puis d’y rajouter des appareils de cirque, on invente une histoire avec les appareils de cirque. Ça crée quelque chose de beaucoup plus fluide, qui fait plus de sens. Notre numéro, c’est aussi notre relation par rapport à la planche.
Depuis combien de temps travaillez-vous ce numéro tous les deux ?
Cela fait trois ans avec Ugo que l’on travaille ensemble. On a une complicité entre nous qui se développe de plus en plus. On a travaillé avec le Cirque du Soleil, on a fait des festivals. On est un peu connu dans le circuit. Si l’on s’est mis sur Séquence 8 plutôt que de continuer à développer notre numéro, c’est vraiment parce que l’on pouvait travailler avec ce groupe, ces six autres personnes avec qui l’on se sent si proche, et travailler avec les 7 Doigts de la main. Mais on a encore envie de développer quelque chose de personnel, continuer à développer un autre style.
C’est possible de faire les deux en même temps ?
Pour moi, les deux vont ensemble. En faisant Séquence 8, cela nous permet de continuer à évoluer. J’espère que mon numéro aura bougé d’ici la dernière représentation !
À part tes numéros, quel moment de Séquence 8 aimes-tu tout particulièrement ?
Le numéro de cerceau aérien d’Alexandra Royer à la fin. Je suis celui qui éclaire (ndlr : au sol, il éclaire à l’aide d’un petit projecteur l’artiste qui évolue dans les airs). Je suis présent mais ce n’est pas moi que l’on regarde. Je trouve ça intéressant d’être sur la scène, mais de tout donner à quelqu’un, d’être dans l’ombre. Cela ajoute de la force au numéro, surtout que c’est l’un des seuls solos du spectacle. Je sens qu’on se regarde avec Alexandra, qu’il y a une complicité.
Qu’est-ce qui est le plus dur pour toi dans Séquence 8 ?
On a démarré le spectacle en juin, et on est parti pour deux ans de tournée. Plus le spectacle avance, plus c’est facile d’en faire quelque chose d’automatique. C’est vraiment un défi de ne pas tomber là-dedans. Pour l’instant, quand je regarde les autres, j’ai l’impression que l’on a réussi à garder le tout vivant. Mais même si tout est en place, il faut garder cette présence, cette spontanéité.
Quelle est la présence de la danse dans Séquence 8 ?
Il faudrait définir ce qu’est la danse, le mouvement, l’acrobatie, et tout ce qui les sépare ! De plus en plus, l’acrobatie se tourne vers quelque chose de plus dansé. Ça crée un mélange et c’est ce qui est intéressant. Mais ça reste acrobatique, ça reste du cirque selon moi, même si la danse est présente.
La danse fait-elle partie de ta formation et de ton quotidien d’artiste de cirque ?
Je ne prends pas de cours de danse au quotidien, mais j’adore quand j’ai la possibilité de faire autre chose, d’aller faire des stages de danse. À l’École nationale de cirque, durant nos trois ans de formation, on a eu des cours de danse chaque semaine. On commence par de la danse classique, puis du contemporain, ça évolue chaque année.
Se mettre à la barre quand on vient du cirque, ce n’est pas trop dur ?
C’est très difficile, parce que c’est très différent. Mais ça permet de créer d’autres connexions avec l’appareil de cirque. Tout est à propos du corps.
Les 7 Doigts de la main, le Cirque du Soleil, le Cirque Eloize… La plupart des grandes troupes de cirque contemporain viennent du Québec. Comment l’expliques-tu ?
À Montréal, là où sont basés la plupart des cirques canadiens, on ne connait pas les cirques traditionnels. Les seules troupes qui viennent sont américaines, et ce sont plus des shows que du cirque. Alors forcément, quand on crée un spectacle circassien, on part sur quelque chose de nouveau.
L’explosion du Cirque du Soleil a aussi dû faire bouger les choses…
Le Cirque du Soleil s’est fait connaître dans le monde entier, et ça a crée un mouvement de renouvellement dans le monde du cirque. C’est devenu quelque chose que le monde veut voir, ce qui permet aux troupes de se faire connaître. La plupart des fondateurs des 7 Doigts de la main viennent du Cirque du Soleil. Mais s’ils ont voulu monter leur propre compagnie, c’est aussi pour créer quelque chose de nouveau, pour faire autre chose, aller chercher un autre public.
Tu as travaillé avec Ugo au Cirque du Soleil. C’est très différent des 7 Doigts de la main ? À deux échelles très différentes, ces deux troupes fonctionnent finalement un peu de la même façon (plusieurs spectacles tournant en même temps)…
C’est très différent. Le Cirque du Soleil a été très belle expérience. Mais sur scène, on était 65 artistes. C’est vraiment une grosse machine où tu apportes juste ton petit grain de sable. Avec les 7 Doigts de la main, on est huit sur scène. Il y a beaucoup de nous dans le spectacle, on peut suggérer plus de choses. C’est plus difficile, mais ça donne plus l’envie de continuer.
Après la fin de la tournée dans deux ans, vers quoi aimerais-tu te tourner ?
J’espère que je vais rester avec les 7 Doigts de la main, on adore travailler avec eux. Mais je pense qu’avec Ugo, on sera aussi intéressé pour retourner à nos projets et y passer plus de temps. On va avoir envoie de passer à quelque chosez de plus personnel, d’investir dans quelque chose de plus à nous.
Séquence 8 des 7 Doigts de la Main, jusqu’au 17 mars au Casino de Paris.
Gaëlle
Merci pour ce bel article ainsi que celui qui contient les photos. C’est vraiment une compagnie à suivre qui offre des spectacles toujours aussi beaux et surprenants (je pense notamment à PSY que j’ai eu l’occasion de voir l’an dernier).
chloe
superbe spectacle et de belles images